Et si tout ce que vous pensiez savoir sur le Sida était faux ?Ben Goldacre
The Guardian (rubrique « Bad Science »)
Samedi 3 janvier 2009Bonne année et tout ça, mais sachez-le : rien n’a changé, les gens continuent à avoir des idées stupides, les journaux continuent à en faire les louanges, et des vies seront perdues. En voici une : Et si tout ce que vous pensiez savoir sur le Sida était faux ? Tel était le titre d’un livre de Christine Maggiore, une révisioniste du HIV/Sida portée aux nues par les média américains. A présent, elle est morte.
Christine Maggiore avait décidé que le HIV ne cause pas le Sida, et que les antirétroviraux ne le soignent pas. Elle était HIV-positive, ce qu’adoraient les média. Elle refusait les traitements ARV et avait spécifiquement décidé de ne pas prendre de médicaments anti-HIV pendant sa grossesse, malgré les preuves formelles qu’ils réduisent énormément le risque de transmission maternelle. Elle insistait pour allaiter ses enfants au sein, bien qu’il ait été prouvé que cela augmentait le risque de transmission maternelle. Elle refusait également de faire tester ses enfants pour le HIV. Sa fille, Eliza Jane Scovill, est morte il y a trois ans. L’enquête légale a déterminé que sa mort était due au Sida et à la pneumonie par
pneumocystis carinii. Elle était âgée de trois ans.
Samedi dernier, deux jours après Noël, Christine Maggiore mourait de pneumonie à l’âge de 52 ans. Elle était une propagandiste extrêmement efficace. Elle a monté avec succès des organisations de lobbying et conseillé à des femmes enceintes HIV-positives de résister à la pression médicale pour utiliser l’azidothymidine (AZT) pendant la grossesse pour prévenir la transmission maternelle du virus. Elle a été en couverture du magazine « Mothering » (
Maternité), avec « No AZT » peint sur son ventre enceint.
Mais comme toujours, il s’agit de bien plus que d’une seule personne. Les opinions de Christine Maggiore sur le HIV étaient issues du travail de Peter Duesberg, un révisionniste du Sida bien connu. Il a été incapable de convaincre d’autres scientifiques que ses opinions sur le HIV étaient correctes, mais il a eu du succès avec les journalistes, notamment Neville Hodgkinson, l’ancien correspondant scientifique du
Sunday Times.
Pendant deux ans, au début des années 1990, ce journal a publié une série de longs articles rejetant le rôle du HIV en tant que cause du Sida, et traitant de mythe l’épidémie de Sida en Afrique. Tout cela n’était qu’une arnaque pour gagner de l’argent et sauvegarder des réputations, disaient-ils.
Les choses empirèrent tellement que Nature, probablement le journal scientifique le plus important du monde, publia un éditorial dénonçant les articles du Sunday Times comme «
extrêmement inexacts, et probablement désastreux. »
Duesberg connut un destin glorieux, notamment le désastreux comité de conseil présidentiel sur le Sida du président Sud-Africain Thabo Mbeki. Ce fut là que la politique négationnisme du pays sur le Sida fut élaborée, avec des conséquences tragiques. Une étude basée sur un modèle démographique estime que, si le gouvernement de l’Afrique du Sud avait utilisé des traitements antirétroviraux de la même façon que la province du Cap-Occidental, environ 171.000 infections par le HIV et 343.000 morts auraient pu être évitées entre 1999 et 2007.
Le Sida est le contraire d’une anecdote : trois millions de personnes en meurent chaque année. Des centaines de milliers de vies, peut-être des millions, ont été perdues à cause d’une idée stupide, promue par des gens stupides. Pour autant que je sache, personne n’a jamais présenté d’excuses ou clarifié sa position. Ne laissez personne dire que les pseudo-sciences sont inoffensives.
bad.science@guardian.co.uk