Un « Yellowstone » sur Mars, preuve d'une vie passée ?Par Laurent Sacco, Futura-SciencesLe rover Spirit vient de faire une découverte intéressante sur Mars : des dépôts de silice presque purs. Sur Terre, il s’en forme autour de sources chaudes, comme à Yellowstone aux Etats-Unis, où ils sont associés à des formes de vie microbiennes. Il est malheureusement impossible d’analyser ces dépôts pour y rechercher des microfossiles.Phoenix vient d'arriver sur la Planète rouge mais les robots mobiles Spirit et Opportunity, qui travaillent depuis janvier 2004, continuent leur exploration et réalisent régulièrement de fructueuses trouvailles. Les scientifiques s'intéressent de près à la découverte par Spirit de dépôts de silice dans le cratère Gusev. Cette observation n’est pas vraiment nouvelle car elle avait déjà été annoncée en 2007 par les chercheurs de la Nasa. C’est cependant aujourd’hui qu’ils livrent les résultats de leurs analyses dans
Science.
Tout a commencé alors que Spirit venait juste de sortir d’une phase d’inactivité imposée par l’hiver martien et son faible ensoleillement peu propice à alimenter en énergie les panneaux solaires du rover. Il s’était cependant placé sur le bord de
Columbia Hills, des collines peu élevées (100 m) situées sur le plancher volcanique du cratère Gusev.
Immobilisé à
Low Ridge, près d'une zone appelée
Home Plate (voir la photographie de la figure), le rover avait profité de pentes à 25° pour optimiser la recharge des ses batteries à l’aide de ses panneaux. Les 10 watts-heures par
sol (le jour martien, long de 24 heures et 39 minutes) étant tout juste suffisants pour assurer la survie de Spirit pendant l’hiver. Les beaux jours revenus, la Nasa avait commandé au rover de faire demi-tour et de retourner en direction d’un lieu baptisé Tyrone (voir la figure 1), que Spirit avait déjà traversé.
Figure 1. Crédit: Nasa/JPL/University of ArizonaPressés par la nécessité de faire rejoindre au rover ses quartiers d’hiver, les chercheurs n’avaient alors pas eu le temps d’analyser le sol étonnamment blanc révélé par une tranchée creusée par Spirit lui-même (voir la photo de la figure 4). On savait quand même que le sol de Tyrone était riche en sulfates, des minéraux qui se forment souvent, mais pas toujours, en présence d’eau.La tranchée creusée par le va-et-vient des roues de Spirit n’avait donc fait probablement que révéler un dépôt particulier de sulfates mais l’un des géologues de l’équipe chargéE de Spirit avait émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir de dépôts de silice. Sur place (zone A sur photo 1), on fit donc appel au
Miniature Thermal Emission Spectrometer (Mini-TES) afin de déterminer la nature de ce mystérieux sol blanc.
Le spectre fourni par Mini-TES démontra de façon indubitable qu’il contenait de la silice pure à 90%, un record pour ce que l’on connaissait alors du sol martien. Or, sur Terre, une telle teneur n’est possible qu’en présence d’une grande quantité d’eau chaude réagissant avec des roches, précisément ce qui se passe, par exemple, avec la source chaude bien connue de Yellowstone :
Octopus spring (voir les figures 2 et 3).
Figure 2. La source chaude de Yellowstone Octopus spring. Remarquez les dépôts blancs en
silice presque pure. Crédit : Allan Treiman, LPIL'apparence de l'opaleIl se trouve que l’on savait déjà que
Home Plate s’était formé à la suite d’un phénomène volcanique, probablement en présence d’eau ou de glace car on avait remarqué des roches provenant visiblement d’une éruption, déposées sur des sédiments constitués de cendres. Les dépôts de silice, que l’on retrouve dans une zone de plus de 50 m de long, confirment cette analyse et les chercheurs pensent être en présence des restes d’un système hydrothermal, fait de geysers, de sources d’eau chaudes et de fumerolles, très semblable à celui de
Yellowstone.
Figure 3. Crédit : Allan Treiman, LPIUne telle découverte excite évidemment beaucoup les
exobiologistes comme Jack Farmer. Ce dernier avait d’ailleurs fourni des échantillons rocheux en provenance de sources chaudes et de fumerolles, situées à Yellowstone et en Nouvelle Zélande, pour calibrer Mini-TES. Il se trouve que d’après ces derniers, c’est l’opale, un dépôt de silice amorphe au fond des vasques hydrothermales et constituant des
geyserites, qui se rapproche le plus de la découverte de Spirit.
On trouve fréquemment des micro-organismes associés à de tels systèmes hydrothermaux et la finesse des dépôts en silice fait qu’ils sont d’excellents conservateurs des traces de vie microbienne. Malheureusement, les instruments de Spirit ne sont pas assez efficaces pour détecter la présence de fossiles de ce genre et il faudra attendre que des robots de la prochaine génération, en cours de développement et spécifiquement conçus pour ce genre d’analyse, rejoignent la Planète Rouge. Nul doute que ce site sera alors une zone prioritaire dans les programmes d’explorations.
Figure 4. Le dépôts de silice blanc découvert par hasard par Spirit. Crédit : Nasa/JPL-Caltech/
Cornell , 23 May 2008, Vol. 320. n° 5879, pp. 1063 - 1067, DOI: 10.1126/science.1155429)