Hans (a propos de la question a la mords-moi l'noeud 'qu'est-ce que le temps?') a écrit:
j'imagine le temps comme une dimension qui définit l'espace dans lequel on évolue, il y les axes, X, Y, Z et en théorie il y aurait un axe t (oui je sais en physique on utilise déjà t mais il ne me semble pas que t fasse un axe du tout même pas en rêve [])! Le temps cependant ne se représente pas spatialement dans un putain de schéma à axe car on ne peut pas représenter plus de trois dimensions! En revanche comme on peut représenter de multiples dimension mathématiquement avec notamment les matrices, on peut au moins se représenter le temps mathématiquement en tant que dimension (putain qu'est ce que je raconte comme conneries)! Pour conclure de la même manière on ne pourrait pas se représenter une troisième dimension si confiné dans un espace à deux dimensions on ne peut pas se représenter un espace à quatre dimension dans un espace à trois dimension!
C'est plutot l'idee d'espace vectoriel - qui englobe les matrices sous certaines contraintes (p.e. l'ensemble des matrices sur un corps commutatif muni des proprietes operationnelles usuelles est un espace vectoriel ==> dans ce cas une matrice est un vecteur) - qui permet de mieux cerner l'idee de dimension (du moins dans une premiere approximation puisqu'il s'agit surtout d'un concept topologique) et de fournir une kyrielle de modeles d'espaces a n dimensions, avec n arbitraire. Retournons a nos moutons. Il est effectivement tres difficile (arf!) de se representer visuellement ton referentiel
R = {
X,
Y,
Z,
t} - comme tu l'as d'ailleurs toi-meme suggere: nous sommes des 3-landiens, cad des "flatlandiens" cloues perceptivement dans un 3-espace -, mais cela n'a strictement aucune importance car la cecite n'est pas toujours un frein. En maths - et en physique non-pipi-caca -, c'est meme souvent une qualite. Quoi qu'il en soit, ton
t est bel et bien un des quattre axes de ton referentiel
R (a priori, ces quattre axes ne sont d'ailleurs pas necessairement deux a deux orthogonaux: l'orthogonalite est un enrichissement de la structure d'espace vectoriel). Bref.
En physique dite classique, cad dans le monde galileo-newtonnien, le temps est modelise par une droite affine (= en gros une droite qui n'a pas d'origine privilegiee) commune a tous les observateurs. Commune a tous les points de l'espace. Le temps et l'espace ne sont alors que le theatre des phenomenes. Temps et espace sont donc des bidules rigides, imperturbables et absolus: les phenomenes evoluent dans l'espace selon un parametre
t "universel", independant a l'espace et "exterieur" a ce dernier. Le passage dans le monde minkowskien, cad a la relativite restreinte, change radicalement la donne: y'a plus de temps absolu (exit les projections canoniques, poils a la chique). Pire: y'a un temps (donc une droite temporelle) pour chaque observateur. Dans le monde minkowskien, y'a en quelque sorte autant de temps qu'il y a de points dans l'espace (mais on peut passer de l'un a l'autre grace a une transformation que tu peux representer par une matrice verifiant certaines proprietes: c'est une rotation "hyperbolique"). C'est ainsi que nait le bidule qu'on appelle espace-temps, cad un espace
M de Minkowski a 4 dimensions. Dans
M, espace et temps sont melanges au point de ne faire plus qu'un, de n'etre plus que deux facettes "intriquees" d'un meme bidule: ce qui est espace peut devenir temps, et vice et versa reciproquement (la finitude et la constance de la vitesse de la lumiere sont exploitees pour convertir les unites de temps en unites de longueur; au lieu de mesurer un temps
t en secondes, on l'exprime a travers la longueur
ct (en metres): longueurs et temps sont alors mesures dans les memes unites, poils au nez). Dans
M, l'intervalle d'espace-temps qui separe deux evenements pourra etre de genre temps ou de genre espace (dans ce dernier cas, les evenements sont "causalement" independants... il s'agit d'une definition relationnelle (la causalite - dont on pourrait gloser a l'infini (ou presque) - en relativite est liee a la conformite de l'espace-temps)). L'etape suivante, c'est la relativie generale. En relativite restreinte, l'espace-temps est plat. Avec la relativite generale, la variete espace-temps est courbee par la gravitation et la metrique lorentzienne induit l'intervalle qui d'espace-temps qui separe deux evenements tres voisins. La relativite generale, c'est donc un espace de Minkowski deforme par la courbure (c'est une 4-variete pseudo-riemannienne (on dit parfois aussi lorentzienne)). Tout ce blabla n'est pas gratuit (enfin, pas completement). En effet, une des proprietes les plus interessantes de la relativite generale est une symetrie dont la profondeur n'a rien a envier au rectum de
Taylor Rain: l'invariance par diffeomorphimes. Un diffeomorphisme est une deformation de l'espace-temps qui deforme la configuration de tous ses points de facon plus ou moins arbitraire (c'est une image) mais qui conserve les grandeurs associees a ces points. Bref, la relativite generale dans un espace-temps
E_1 ou dans un autre espace-temps
E_2 sont equivalentes si
E_1 et
E_2 sont diffeomorphes (cad s'il existe un diffeomorphisme qui "identifie"
E_1 et
E_2).
(petit diffeomorphisme sur un carre)Ca veut dire quoi? Ca veut dire que la relativite generale est independante de l'espace-temps dans lequel elle est decrite. En d'autres termes, les points d'un espace-temps ou d'un autre n'ont aucune importance: ce sont les grandeurs qui comptent (valeurs des champs physiques, en gros). Une des consequences est que la localisation dans l'espace-temps ne peut etre que relationnelle, cad basee sur les interactions avec d'autres evenements, et ne necessite pas a proprement parler d'une structure geometrique sous-jacente (c'est en tous cas presque vrai). Consequence directe: en relativite generale il n'est pas possible de definir le temps (ou plutot il existe trop de facons differentes et non equivalentes de definir le temps, cad de feuilleter l'espace-temps). Chaque feuilletage detruit la covariance. Bien entendu, on peut continuer de choisir une coordonnee d'espace-temps et de l'appeler "temps", mais il s'agit d'un abus ou d'une commodite (en effet, en general, il n'y a plus aucun champ de vecteurs sur la variete d'espace-temps qui puisse ressembler a un generateur d'evolution temporelle). C'est pourquoi, dans certaines theories, pour des raisons disons macroscopiques, on prefere tenter de definir un temps a partir d'un etat thermodynamique privilegie (p.e. la radiation fossile). Rovelli, Connes et quelques autres ont d'ailleurs propose l'emergence d'un temps grace a un flux thermique dans une hypothetique theorie - la gravite quantique a boucles et/ou la geometrie non-commutative - qui recouvrirait la relativite et le monde quantique (cette emergence pourrait etre liee au fait qu'une algebre non-commutative engendre naturellement - et disons de facon invisible - un groupe a un parametre d'automorphismes qui, d'une certaine facon, la fait evoluer: c'est le Baron Muenchhausen qui se tire par les cheveux pour s'extraire d'un trou, arf!).
En resume: dans le monde galileo-newtonnien, le temps est universel et rigide; en relativite restreinte, il est multiple et peut se confondre avec l'espace; en relativite generale, il est en quelque sorte aussi desuet qu'inutile. En je-sais-pas-quoi, un truc qu'a surtout la gueule d'une fleche evolutive et qu'on pourrait a la rigueur appeler "temps" pourrait emerger d'un flux thermique.
L'idee de "fleche evolutive" est, je crois, une des clefs des questions a la mords-moi l'noeuds dont il est question ici. Tu connais sans doute le
jeu de la vie de Conway. C'est un bon modele-jouet d'univers. A l'etape
t_0, le jeu a une certaine configuration, dison
C_0. A l'etape
t_1, il a la configuration
C_1. A l'etape
t_k, il a la configuration
C_k. Le temps
t du jeu de Conway, c'est le passage de
C_i a
C_j, avec i ≠ j. Le temps est donc ici une
relation d'ordre, un
etiquetage des elements de l'ensemble {
C_k}.
Dans notre univers, ce que l'on appelle temps (propre) pourrait n'etre - et je crois qu'il n'est que cela - un etiquetage des configurations du flux evolutif (par rapport a un observateur donne). Comme dans le jeu de la vie de Conway. On pourrait donc dire que le temps - ou plutot les temps - sont les classes d'etiquettes associees a certains feuilletages de l'espace-temps (on pourrait aussi dire que le temps est la suite ordonnee des etiquettes sur les graphes generes par les transferts d'information dus a un faisceau de fonctions de partition... arf!). Bref, le temps n'a pas d'existence propre: c'est l'ordre dans lequel evoluent les choses (selon un observateur donne). Cela nous mene a la deuxieme question (qui eclaircira peut-etre un peu mieux ce que j'ai essaye d'expliquer jusqu'ici assez maladroitement il faut l'avouer):
Hans (a propos de la question a la mords-moi l'noeud 'que signifie mesurer le temps?') a écrit:
je dirais que cela consiste à constater les implications de cette quatrième dimension (le temps) sur ce que l'on peut effectivement observé dans notre espace à trois dimensions (les seuls dimension que l'on peut observer ou objectivement se représenter)! Par implication j'entends simplement l'animation de la matière et d'énergie dans notre espace, à savoir les mouvements de matière et d'énergie qui ne sont permise que grâce à l'existence de cette quatrième dimension!
En fait, la mesure du temps n'est jamais directe: on constate l'existence de regularites, de cycles, qui permettent - localement - de cristalliser l'idee d'evolution (c'est un peu comme lorsque t'es dans un train qui roule pepere a une vitesse constante: tu t'apercois que tu te deplaces parce que tu compares ce qu'il se passe a l'interieur du wagon avec le paysage qui defile par la fenetre). Ta montre, ou la swatch infecte du Reverend Archie Cash, ne mesure pas un "temps physique": elle rend compte de regularites qui, par comparaison avec d'autres bidules et d'autres regularites, te permettent de constater le changement, l'evolution des choses (je precise que tout au long de ce post de mes deux, le mot evolution est pris comme synomyme de changement). Bref, on mesure des variables, p.e. la position
P d'un objet, la temperature
T d'un autre objet, l'amplitude
B d'un autre objet encore, etc., que l'on compare les unes aux autres, cad que l'on mesure
T(P),
B(T),
B(P), etc.. Il est toutefois utile et commode - encore une fois - d'imaginer un bidule qui incarne dans seul coup ces regularites et qu'on appelle temps
t. On peut alors affirmer sans trop se casser la gueule (sans consequences facheuses pour un grand nombre de modeles et a notre echelle) que l'equation
E pour les variables physiques
B,
T, etc., varient en fonction d'un temps
t, cad
E =
B(t),
T(t), etc.. C'est peut-etre meme ce que font nos processus cognitifs a chaque instant, mais avec flexibilite: les temps psychologiques ne sont peut-etre que des flux sensoriels sur des enchevetrements de tores. Qui sait.
Je sais pas si j'ai ete clair - m'etonnerait que je l'aie ete, poils aux pieds. J'ai seulement tente ici de suggerer des p'tits trucs tres informels et parfois un chouilla decousus histoire de, peut-etre, stimuler l'imagination (mon cul c'est du poulet, t'en veux une aile?) et de precher evidemment pour ma paroisse. In fine, je sais pas ce qu'est le temps. Mais, comme t'auras pu le constater, j'avoue douter tres fortement de son existence en tant qu'entite "en soi", comme dirait Wittgenstein mon rottweiler albinos et ventriloque.