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La cause de l’abolition de la peine de mort a marqué un point jeudi à l’ONU avec l’adoption pour la première fois, en commission, d’une résolution appelant à un moratoire sur les exécutions, même si les opposants ont assuré qu’ils n’en tiendraient pas compte. Présentée par l’Italie et parrainée par 87 Etats, cette résolution vise expressément à l’abolition totale à terme de la peine capitale.
Elle a été adoptée, à l’issue de deux jours d’un débat parfois houleux, par 99 voix contre 52, avec 33 abstentions, par la commission des affaires sociales, humanitaires et culturelles de l’Assemblée générale.
Son adoption par l’organe plénier de l’ONU, où siègent les 192 Etats membres, ne devrait pas poser de problèmes et pourrait intervenir début décembre, selon les diplomates.
La résolution stipule que l’application de la peine de mort « porte atteinte à la dignité humaine », qu’« il n’y a pas de preuve irréfutable » qu’elle a un effet dissuasif et que toute erreur judiciaire dans son application est « irréversible et irréparable ».
Elle engage tous les Etats qui pratiquent la peine capitale « à instituer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort ». Elle engage aussi les Etats qui ont aboli la peine de mort « à ne pas l’introduire de nouveau ».
Mais les résolutions de l’Assemblée générale sont non contraignantes et les adversaires du texte ont déclaré qu’ils n’en tiendraient pas compte, invoquant leur souveraineté nationale.
La Chine et les Etats-Unis, les deux pays où le nombre annuel des exécutions est le plus élevé, ont voté contre, ainsi que le Japon et de nombreux pays musulmans comme l’Egypte, l’Iran et la Syrie.
Quatorze amendements avaient été déposés pour tenter de diluer le texte mais ont tous été repoussés. L’Egypte, soutenue par les Etats-Unis, en avait introduit un, stipulant que toute forme de vie devait être protégée, y compris celle des embryons, ce qui revenait à créer un lien entre l’interdiction de l’avortement et le moratoire sur les exécutions.
Au nom de l’Union européenne, l’ambassadeur du Portugal, Joao Manuel Salgueiro, s’est félicité de l’adoption du texte, preuve selon lui que les Etats membres l’ont perçu « comme une question de droits de l’homme ».
Pour son collègue français, Jean-Maurice Ripert, l’adoption du texte marque « un vrai tournant dans la prise de conscience universelle de la nécessité d’abolir la peine de mort. » « La majorité absolue des Etats membres de l’ONU consacre solennellement une tendance forte, observée partout à travers le monde : un nombre croissant d’Etats, aujourd’hui 130, ont renoncé à la peine capitale », a souligné M. Ripert.
Le vote « est une nouvelle preuve que le centre de gravité sur ce débat s’est déplacé et qu’on va vers la fin de l’utilisation de la peine de mort dans le monde », a estimé l’ambassadeur britannique, John Sawers.
Mais plusieurs opposants comme la Malaisie, Singapour, la Barbade et les Bahamas ont accusé les 87 coparrains de vouloir imposer au monde leur vision de la société. Arguant que la peine de mort était une question de « justice criminelle » relevant des autorités nationales, ils ont estimé que la résolution représentait une ingérence dans les affaires d’Etats souverains.
La Barbade a même accusé certains d’entre eux d’avoir menacé de retirer leur aide aux pays en développement qui voteraient contre le moratoire.
Deux précédentes tentatives pour faire adopter une résolution contre la peine de mort par l’Assemblée générale de l’ONU avaient échoué en 1994 et 1999.
Selon Amnesty international, 133 pays ont aboli la peine de mort par la loi ou en pratique, tandis que 64 pays et territoires conservent et utilisent ce châtiment, même si le nombre d’Etats qui le pratiquent à une fréquence annuelle est largement inférieur à ce chiffre.