La France et l'Algérie, où l'histoire revisitée.Toujours cette passion !
http://www.lematindz.net/news/2758-derr ... flika.html LETTRE A Mr BOUTEFLIKA
Président de la République algérienne
Monsieur le Président,
En brandissant l’injure du génocide de l’identité algérienne par la France, vous saviez bien que cette identité n’a jamais existé avant 1830. Mr Ferrat Abbas et les premiers nationalistes avouaient l’avoir cherchée en vain. Vous demandez maintenant repentance pour barbarie : vous inversez les rôles ! C’était le Maghreb ou l’Ifriqiya, de la Libye au Maroc. Les populations, d’origine phénicienne (punique), berbère (numide) et romaine, étaient, avant le VIIIème siècle, en grande partie chrétiennes (500 évêchés dont celui d’Hippone/Annaba, avec Saint Augustin). Ces régions agricoles étaient prospères.
Faut-il oublier que les Arabes, nomades venant du Moyen Orient, récemment islamisés, ont envahi le Maghreb et converti de force, «béçif» (par l’épée), toutes ces populations. «Combattez vos ennemis dans la guerre entreprise pour la religion…. Tuez vos ennemis partout où vous les trouverez» (Coran, sourate II, 186-7). Ce motif religieux était élargi par celui de faire du butin, argent, pierreries, trésor, bétail, et aussi bétail humain, ramenant par troupeaux des centaines de milliers d’esclaves berbères; ceci légitimé par le Coran comme récompense aux combattants de la guerre sainte (XLVIII, 19, 20). Et après quelques siècles de domination arabe islamique, il ne restait plus rien de l’ère punico romano berbère si riche, que des ruines (Abder-Rahman ibn Khaldoun el Hadrami, Histoire des Berbères, T I, p.36-37, 40, 45-46. 1382).
Faut-il oublier aussi que les Turcs Ottomans ont envahi le Maghreb pendant trois siècles, maintenant les tribus arabes et berbères en semi-esclavage, malgré la même religion, les laissant se battre entre elles et prélevant la dîme, sans rien construire en contre partie.
Faut-il oublier que ces Turcs ont développé la piraterie maritime, en utilisant leurs esclaves. Ces pirates barbaresques arraisonnaient tous les navires de commerce en Méditerranée, permettant, outre le butin, un trafic d’esclaves chrétiens, hommes, femmes et enfants. Dans l’Alger des corsaires du XVIème siècle, il y avait plus de 30.000 esclaves enchaînés. D’où les tentatives de destruction de ces bases depuis Charles Quint, puis les bombardements anglais, hollandais et même américain…..Les beys d’Alger et des autres villes se maintenaient par la ruse et la force, ainsi celui de Constantine, destitué à notre venue, ayant avoué avoir fait trancher 12.000 têtes pendant son règne.
Faut-il oublier que l’esclavage existait en Afrique depuis des lustres et existe toujours. Les familles aisées musulmanes avaient toutes leurs esclaves africains. Les premiers esclavagistes, Monsieur le Président, étaient les négriers noirs eux-mêmes qui vendaient leurs frères aux Musulmans du Moyen Orient, aux Indes et en Afrique (du Nord surtout), des siècles avant l’apparition de la triangulaire avec les Amériques et les Antilles, ce qui n’excuse en rien cette dernière, même si les esclaves domestiques étaient souvent bien traités.
Faut-il oublier qu’en 1830, les Français sont venus à Alger détruire les repaires barbaresques ottomans qui pillaient la Méditerranée, libérer les esclaves et, finalement, affranchir du joug turc les tribus arabes et berbères opprimées. Faut-il oublier qu’en 1830, il y avait à peu près 5.000 Turcs, 100.000 Koulouglis, 350.000 Arabes et 400.000 Berbères dans cette région du Maghreb où n’avait jamais existé de pays organisé depuis les Romains. Chaque tribu faisait sa loi et combattait les autres, ce que l’Empire Ottoman favorisait, divisant pour régner.
Faut-il oublier qu’en 1830 les populations étaient sous développées, soumises aux épidémies et au paludisme. Les talebs les plus évolués qui servaient de toubibs (les hakems), suivaient les recettes du grand savant « Bou Krat » (ou plutôt Hippocrate), vieilles de plus de 2.000 ans .La médecine avait quand même sérieusement évolué depuis !
Faut-il oublier qu’à l’inverse du génocide, ou plutôt du massacre arménien par les Turcs, du massacre amérindien par les Américains, du massacre aborigène par les Anglais et du massacre romano-berbère par les Arabes entre l’an 700 et 1500, la France a soigné, grâce à ses médecins (militaires au début puis civils) toutes les populations du Maghreb les amenant de moins d’un million en 1830 en Algérie, à dix millions en 1962.
Faut-il oublier que la France a respecté la langue arabe, l’imposant même au détriment du berbère, du Tamashek et des autres dialectes, et a respecté la religion (ce que n’avaient pas fait les Arabes, forçant les berbères chrétiens à s’islamiser pour ne pas être tués, d’où le nom de «kabyle» - j’accepte).
Faut-il oublier qu’en 1962 la France a laissé en Algérie, malgré des fautes graves et des injustices, une population à la démographie galopante, souvent encore trop pauvre, -il manquait du temps pour passer du moyen âge au XXème siècle- mais en bonne santé, une agriculture redevenue riche grâce aux travaux des Jardins d’Essais, des usines, des barrages, des mines, du pétrole, du gaz, des ports, des aéroports, un réseau routier et ferré, des écoles, un Institut Pasteur, des hôpitaux et une université, la poste… Il n’existait rien avant 1830. Cette mise en place d’une infrastructure durable, et le désarmement des tribus, a été capitale pour l’Etat naissant de l’Algérie.
Faut-il oublier que les colons français ont asséché, entre autres, les marécages palustres de la Mitidja, y laissant de nombreux morts, pour en faire la plaine la plus fertile d’Algérie, un grenier à fruits et légumes, transformée, depuis leur départ, en zone de friche industrielle.
Faut-il oublier que la France a permis aux institutions de passer, progressivement, de l’état tribal à un Etat nation, et aux hommes de la sujétion à la citoyenneté en construction, de façon, il est vrai, insuffisamment rapide. Le colonialisme, ou plutôt la colonisation a projeté le Maghreb, à travers l’Algérie, dans l’ère de la mondialisation.
Faut-il oublier qu’en 1962, un million d’européens ont dû quitter l’Algérie, abandonnant leurs biens pour ne pas être assassinés ou, au mieux, de devenir des habitants de seconde zone, des dhimmis, méprisés et brimés, comme dans beaucoup de pays islamisés. Il en est de même de quelques cent mille israélites dont nombre d’ancêtres s’étaient pourtant installés, là, 1000 ans avant que le premier arabe musulman ne s’y établisse. Etait-ce une guerre d’indépendance ou encore de religion ?
Faut-il oublier qu’à notre départ en 1962, outre au moins 75.000 Harkis, sauvagement assassinés, véritable crime contre l’humanité, et des milliers d’européens tués ou disparus, après ou avant, il est vrai, les excès de l’O.A..S, il y a eu plus de 200.000 tués dans le peuple algérien qui refusait un parti unique, beaucoup plus que pendant la guerre d’Algérie. C’est cette guerre d’indépendance, avec ses cruautés et ses horreurs de part et d’autre, qui a fondé l’identité algérienne. Les hommes sont ainsi faits !
Monsieur le Président, vous savez que la France forme de bons médecins, comme de bons enseignants. Vous avez choisi, avec votre premier ministre, de vous faire soigner par mes confrères du Val de Grâce. L’un d’eux, Lucien Baudens, créa la première Ecole de médecine d’Alger en 1832, insistant pour y recevoir des élèves autochtones. Ces rappels historiques vous inciteront, peut-être, Monsieur le Président, à reconnaître que la France vous a laissé un pays riche, qu’elle a su et pu forger, grâce au travail de toutes les populations, des plus pauvres aux plus aisées - ces dernières ayant souvent connu des débuts très précaires -. La France a aussi créé son nom qui a remplacé celui de Barbarie. Personne ne vous demandera de faire acte de repentance pour l’avoir laissé péricliter, mais comment expliquer que tant de vos sujets, tous les jours, quittent l’Algérie pour la France ?
En fait, le passé, diabolisé, désinformé, n’est-il pas utilisé pour permettre la mainmise d’un groupe sur le territoire algérien ? Je présente mes respects au Président de la République, car j’honore cette fonction.
Un citoyen français, André Savelli, Professeur agrégé du Val de Grâce.
Source
http://coordination.cnfa.free.fr/boutef.htm Réponse d'un Algérien :
Réponse au professeur André Savelli, Hôpital du Val de Grâce
C'est au hasard de mes errances de bédouin, que je viens de tomber sur votre "Lettre ouverte à M.. Bouteflika, président de la République Algérienne", publiée sur le site du Journal Chrétien, daté du 10 décembre 2007.
Etant peu soucieux de savoir si l'on vous a ou non répondu officiellement à votre lettre ouverte en même temps que peu curieux des pérégrinations médicales des uns ou des autres, c'est à titre de citoyen algérien outragé, que je voudrais réfuter ici, un certain nombre de contre vérités que vous n'avez pas craint d'avancer, au mépris des règles ordinaires de l'honnêteté intellectuelle dont font preuve en général, les hommes de l'art comme vous l'êtes. Quel dommage donc, M. le professeur ! Et permettez-moi ici, de passer en revue quelques unes de vos assertions qui relèvent tout bonnement de l'imposture.
- Quand vous prétendez citer le Texte sacré de l'Islam, en attribuant le passage suivant au Coran : "Combattez vos ennemis dans la guerre entreprise pour la religion… Tuez vos ennemis partout où vous les trouverez." (Coran, Sourate II, 186-7), vous commettez là, une falsification caractérisée du texte sacré, puisque le Verset en question se traduit comme suit :
"Combattez au nom de Dieu, ceux qui vous combattent et n'agressez point, Dieu n'aime pas les agresseurs… Tuez-les (les agresseurs) et chassez-les, d'où ils vous ont chassés. La fitna (le désordre) est pire que la guerre…".
Seraient-ce là les syndromes d'une trop longue fréquentation pédagogique de la psychopathie que vous enseignez depuis si longtemps M. le professeur ? Je le crains pour vous…
- Quand vous prétendez qu' "en 1830, les Français sont venus à Alger détruire les repaires barbaresques ottomans qui pillaient la Méditerranée, libérer les esclaves et, finalement affranchir du joug turc les tribus arabes et berbères opprimées"… Cela tient du donquichottisme béat, pour qui se souvient de la fameuse harangue du Roi Très Chrétien à ses députés en cette journée du 2 Mars 1830 : "… Mais je ne puis laisser plus longtemps impunie l'insulte faite à mon pavillon ; la réparation éclatante que je veux obtenir, en satisfaisant l'honneur de la France, tournera, avec l'aide du Tout-Puissant, au profit de la chrétienté. "
Et dire que c'est le même genre de discours de marchands trompeurs et pilleurs, que l'on continue de servir encore aux bons peuples, comme le font aujourd'hui, les Bush et leurs supplétifs de France et de Navarre, pour vendre la guerre pétrolière contre l'Irak, l'Afghanistan – et probablement demain contre l'Iran, tantôt au non de la lutte contre le terrorisme, tantôt au nom de la démocratisation…
C'est assez souligner, pour revenir à l'Algérie, – et bien avant que le récent ouvrage de Pierre Péan ne vienne opportunément le rappeler – que beaucoup d'historiens savaient de quel coté se trouvaient les pillards, c'est-à-dire les hordes de marchands-mercenaires ayant noms de Bourmont, de Sellières et autres Schneider, arrivés dans les bagages de la soldatesque de cet infortuné Charles X, à qui l'invasion et le pillage de l'Algérie ne porta pas bonheur, puisqu'il fut forcé d'abdiquer quelques semaines plus tard pour s'exiler à Prague, puis en Autriche où il s'en fut mourir, de honte et surtout de choléra… comme les "barbares" mouraient eux, de paludisme, n'est-ce pas docteur ?
- Vous persistez ensuite dans le dénigrement et l'imposture contre la société algérienne d'alors – 1830 – en écrivant : "Les talebs les plus évolués qui servaient de toubibs (hakems) suivaient les recettes du grand savant – Bou Krat – (Hippocrate), vielles de plus de 2000 ans. La médecine avait quand même sérieusement évolué depuis !"
Dommage M. le professeur, que vous feignez d'ignorer que la société algérienne en 1830, faisait partie intégrante – et le demeure encore -, de ce vaste ensemble civilisationnel qu'est le monde arabo musulman. Dommage aussi, que vous ayez cru devoir escamoter les apports décisifs de la médecine arabo musulmane à un Occident médiéval, longtemps pétri d'ignorance, de ruralité et d'obscurantisme. Quelle ingratitude, monsieur, à l'égard de vos premiers maîtres en la matière, comme Ibnu Sina, Ar-Razi ou Abulkassis pour ne citer que ces grands précurseurs dont les travaux ont constitué les premiers fondements de la médecine moderne. Dommage enfin, que vous feignez d'ignorer que c'est à Bagdad que fut édifié le premier et le plus grand hôpital de l'époque, plus de 7 siècles avant l'Occident.
Non, M. le professeur Savelli, votre feinte amnésie n'est que la conséquence d'une regrettable inclination de pied noir indécrottable et nostalgique de "l'Algérie de papa". Nostalgique au point d'en adopter à la fois, la même posture de supériorité et le même ton de condescendance et de refus de regarder l'Histoire. En en assumant toutes les facettes… En particulier les moins brillantes, comme par exemple l'Histoire des crimes établis, perpétrés par la colonisation française et que vous cherchez à escamoter et à gommer, en convoquant d'autres génocides…
En faisant sciemment l'amalgame entre des génocides réels, comme ceux subis par les Amérindiens en Amérique et les aborigènes en Australie et les génocides supposés comme ceux qu'auraient subi les Arméniens ou les "romano berbères" comme vous dites…
Pour le reste, je ne m'appesantirai que pour l'humour, sur votre effort méritoire pour comprendre la langue arabe "à votre rythme" et surtout pour l'interpréter à l'aune de vos propres phantasmes, quand vous écrivez par exemple et avec une touchante suffisance :
"Faut-il oublier que la France a respecté la langue arabe, l'imposant même au détriment du berbère, du tamashek et des autres dialectes et a respecté la religion (ce que n'avaient pas fait les Arabes, forçant les berbères chrétiens à s'islamiser pour ne pas être tués, d'où le nom de kabyle – j'accepte)" Du vrai délire linguistique, M. le professeur ! Le terme kabyle étant tout simplement dérivé de l’arabe qui signifie « tribu ».
Je profite de l'anecdote pour signaler que ce genre d'erreur – souvent dû à une faible maîtrise de la langue arabe - est très courant même chez les pseudo "orientalistes" réputés, comme Denise Masson, voire même Jacques Berque. Il suffit pour s'en apercevoir, de comparer les traductions plus ou moins sérieuses – sournoises serait plus juste ! - du Coran, faites par ces derniers, avec la magistrale traduction donnée par le regretté Cheikh Muhammad Hamidullah, ce véritable apôtre moderne de l'Islam des Lumières.
Enfin, - et j'en finis par le "bouquet" de la lettre ouverte - quand M. Savelli débute son factum en prétendant que l'identité algérienne "n'a jamais existé avant 1830" en se fondant curieusement sur des propos ambigus du grand leader nationaliste algérien Ferhat Abbas, mais en faisant totalement l'impasse sur les incontournables "Histoire de l'Afrique du Nord" de Charles–André Julien ou "l'Algérie, Nation et Société" de Mostefa Lacheraf qui réfutent brillamment l'un comme l'autre, les thèses coloniales niant l'existence de la Nation Algérienne.
Encore une ignorance feinte, M. le professeur ! N'est-ce pas là d'ailleurs la pire des ignorances?
Abdelkader Dehbi
7 janvier 2008