Tu me permets deux petites critiques constructives sans te fâcher Pyne Duythr ? Je crois que tu as commis ci-dessous une petite inversion d'inattention (sans gravité, ça arrive) mais qui si on ne la corrige pas, change profondément cette affaire. Ce n'est pas bien grave, mais important tout de même du point de vue de l'histoire des idées/théories. Sinon, ça enlève à ces chercheurs leur
gratification.
Pyne Duythr a écrit:
La "stochasticite genetique et moleculaire" a ete observee il y a fort longtemps deja. Cependant, la difference entre les modeles* ESG (aka a expression stochastique genetique) - comme ceux de Kupiec & al. - et les modeles BMP (aka relatifs a la biologie moleculaire programmiste) reside dans le fait que la stochasticite (ou aleatoirite, meme si ce dernier terme est ici trop general) est consideree comme un bruit de fond (p.e. "bruit ou instabilite developpemental/e" ou "bruit thermique") pour la BMP alors qu'il est devenu - au gre des observations et (cela va de pair) de l'affinement des outils (dont mathematiques: analyse de la robustesse, certains type d'equations de diffusion, etc.) & des techniques (p.e. cytometrie en flux) - le pilier des modeles ESG (la BMP n'etant alors vue, in fine, que comme un cas particulier ou limite de l'ESG).
Ce n'est pas tant "l'
aléatoire (= stochastique, hasardeux, c'est synonyme) de la génétique et moléculaire" qui a été observée il y a fort longtemps, mais la
variabilité au niveau de l'expression phénotypique. Et pour ce qui concerne cette affaire, dans le détail cela se réduit expérimentalement à la synthèse des protéines pour des cellules similaires (même spécialisation) in vitro/environnement identique. L'aléatoire étant justement l' << explication >> la plus moderne (et pourquoi pas "révolutionnaire") de cette variabilité déjà observée. C'est le cheval de bataille de ces chercheurs, leur "cause" principale, si l'on veut l'exprimer ainsi.
Si on remonte quelques années en arrière : Vu qu'à cette époque très récente, le "
consensus" était plutôt au déterminisme moléculaire strict, c à dire la programmation inéluctable bien déterminée de cette synthèse (normal vu d'une part que la chimie est déterministe et vu que l'on observait l'expression au niveau des tissus : qui cadrait très bien ce déterminisme génétique ADN-protéines, même couché sur le papier...), les différences d'expressivité
inattendues, étaient alors négligées ou considérées comme un "bruit" (pour reprendre les termes de Kupiec/Heams, etc.); donc comme une variabilité
qui ne devait pas être, et qui était alors remballée comme "défaut" de fonctionnement de l'expression cellulaire.
C'est donc un assez profond changement de compréhension qui transforme ce "bruit", passant de variables de dysfonctionnement inattendues, en processus intrinsèque à la synthèse protéique.
Et j'ajoute que si pas mal de, disons "fondamentalistes" de la compréhension plutôt moléculairement déterministe/programmiste (BMP), ont encore un peu de peine à avaler ce nouveau morceau complémentaire, c'est avant tout car le déterminisme n'est pas un vain mot mais de toutes manières un passage obligé véhiculaire, polysémique ici, car
in fine le fonctionnement cellulaire en dépend : les molécules produites doivent être majoritairement celles demandées, la survie et cohésion de l'organisme l'exige. C'est donc bien - en décomposant ces procédés par un peu de réductionnisme utilitaire (je reprends encore les termes locaux ESG/BMP, bien pratiques) :
On passe de BMP :
chimie déterministe => biochimie déterministe => génétique uniquement
programmiste = synthèse protéique accomplie telle que prévue.
à
ESG : chimie (toujours) déterministe => biochimie/génétique (très) partiellement programmiste + aléatoire / influence topologique/environnement cellulaire
= synthèse protéique accomplie telle que prévue (*).
(*) prévue dans les deux cas = ici prévue signifie que même si les mêmes gènes de cellules similaires et dans un même environnement, produisent des probabilités de différentes protéines (= ne fonctionnent pas pareil) , cette expression différée dépend (selon ESG) de la rencontre aléatoire des facteurs de transcription sur les bons gènes. Ce qui n'avait pas d'explication pour "la BMP", et qui donc la reléguait au rang de "bruit" ou de négligeable. Pourquoi négligeable ? Parce que d'une part l'organisme multicellulaire fonctionne, et parce qu'il a fallu attendre le perfectionnement de l'imagerie cellulaire et des marquages par fluorescence. Au niveau des tissus, on ne pouvait distinguer l'expressivité différente intercellules au niveau individuel.
L'ADN n'ayant que deux utilités fondamentales, se "répliquer à l'identique" et "matière première pour la synthèse des protéines"; la première est pour l'instant très bien formalisée par un déterminisme chimique bien encadré, la parité ou complémentarité obligatoire des bases; la seconde étant celle dont on parle ici : ces "nlles théories" sur l'aléatoire sont pour l'instant très fertiles vis à vis de la synthèse des protéines, c'est uniquement dans ce cadre-là bien circonscrit que je les perçois et considère. Ce qui n'exclut rien ni n'engage à rien pour d'ultérieurs développements à un autre niveau de l'organisme, l'avenir le dira.
Sans trop m'avancer sur ce qui a historiquement infléchi les idées en biologie moléculaire, - n'étant pas dans la tête des anciens pour la plupart clapsés - je dirais que c'est ce déterminisme si obligatoire de la parité des bases, indéniable, qui a "trompé" les théoriciens sur tous les autres processus biologiques liés à l'ADN. Étant donné que la compréhension encore partielle de la synthèse des protéines est chronologiquement ultérieure (et chimiquement plus complexe) à la réplication de l'ADN, c'est assez logique de le soupçonner.
Pour ton second long pavé, rien à ajouter hormis un point plus bas (sans vouloir te prendre la tête) , et si ce n'est un encouragement pour ces autres que ces processus et théories intéressent mais que les probas rebutent : même s'il s'agit de modèles à probas et aléatoire impliqués, elles sont très recommandables à lire et à fouiller car elles ont justement peu de maths ni de probas dans leurs explications ; ni ne nécessitent aucune connaissance approfondie en maths/probas pour les capter. Ce pour faire un peu de pub à Kupiec, Heams, etc. : Avis aux intéressés, aucun prérequis donc, de la bonne science biologique.
Ici un aperçu (chapitre d'introduction en entier, c'est un cadeau appréciable !) de ce livre cité plus haut :
http://www.larevuedesressources.org/IMG ... -intro.pdfOn y retrouve cette même terminologie assez caractéristique, mais très facile à suivre et à capter.
Pyne Duythr a écrit:
Enfin, le determinisme - quoi que cela veuille dire - ne s'oppose pas toujours au probabiliste (debat sterile dans lequel je refuse toutefois d'entrer: si cela interesse certains, ils pourront alors lire avec profit p.e [puisque ca cause surtout du sujet de ce fil de discussion] "Le hasard au coeur de la cellule: probabilites, determinisme, genetique" de Kupiec, Gandrillon, Morange, Heams, Silberstein et quelques autres). Mais il n'est effectivement pas une condition formelle necessaire a la predictibilite. Bref.
Pour ce sujet qui nous concerne ici, il s'agit du "déterminisme de la synthèse des protéines". Cette programmation inéluctable à sens unique (qui même si modulée par d'autres gènes était considéré déterministe) qui est assez clairement opposé à cette nlle compréhension (*) où pour au final fabriquer une même enzyme ou autre molécule espérée, est compris grâce à l'insertion de cette stochastique moléculaire. Au final, la production principale reste la même, une sorte de déterminisme distal, mais ce sont deux visions différentes qui s'opposent. Le déterminisme seul serait bien pratique et fonctionnel, mais il n'explique malheureusement pas les "bugs".
(*) opposé du point de vue d'approches, mais complémentaire en fait puisqu'au final - avec les apports/influence/topologie de l'environnement cellulaire - la/les protéines sont produites correctement selon les deux approches.
Bien entendu, le déterminisme dans un sens plus large ou autre - là je n'entre pas en matière si c'est ce que tu suggères - il n'est pas nécessairement opposé au probabilisme, aucun souci si tu le penses. Faut simplement ne pas perdre de vue qu'ici ce sont bien deux compréhensions du même mécanisme qui s'opposent. Même si les termes déterminisme pour l'un, le premier, n'implique en rien qu'un événement aléatoire ne soit pas prédictible. C'est simplement le nom donné à cette première vision du fonctionnement cellulaire ; nom qui aurait pu être tout autre.
Pour ce qui concerne cette théorie, la prédictibilité de l'aléatoire est, justement, démontrée ne serait-ce par le bon fonctionnement de l'organisme via ses molécules synthétisées. Aléatoire à l'échelle des contacts moléculaires, mais prédictible à l'échelle des cellules ou tissus, donc de l'organisme.
Voilà. Pardon pour les redites avec ton post, mais je pense qu'avec le tien plus le mien, Hans qui avait exprimé ailleurs être intéressé par ces théories, sera plus au clair sur tout cela et incité à s'y pencher. J'avais craint qu'en lisant ton gros pavé sur les probas, celui qui est très dense, il ne prenne peur et ne croie que cette nlle vision de la bio soit un truc accessible seulement par des ultra-matheux à encéphale de 3000 cm3. Ce qui n'est pas le cas de ces théories (ni le mien non plus d'ailleurs).