gaston a écrit:
Je ne comprends pas ce qu'est l'intrication quantique.
Le processus n'est pas complique. C'est son interpretation - en supposant qu'interpreter ne se resume pas a de futiles masturbations mondaines - qui peut poser quelques menus problemes. Comme toujours.
Considere une particule, disons un meson π (cad un pion) neutre (π0), qui se desintegre en emettant un electron (e-) et un positron (e+). Ca s'ecrit comme ca:
π0 --> (e-) + (e+)
Si initialement le pion ne bouge pas, l'electron et le positron s'envoleront alors en sens opposes. Le pion possede un spin zero. Le spin est le moment angulaire "intrinseque" d'une particule, cad une sorte de rotation propre a la particule, comme la rotation d'une toupie mais sans frottement. Ainsi, pour que la conservation du moment angulaire soit respectee (si tu veux, afin que le spin "global" soit le meme avant et apres la desintegration), le spin de l'electron et du positron doivent en quelque sorte s'annuller: si l'electron a un spin up (en haut), le positron doit avoir un spin down (en bas), et vice et versa. Bref, on doit avoir, en gros, {spin up} + {spin down} = {spin 0} (de facon imagee: si tu montes les escaliers d'1 metre, puis tu les descends d'1 metre, tu te retrouves a ta position de depart, cad a 0 metre). Le formalisme de la mecanique quantique ne peut te dire quelle combinaison tu trouveras lors d'une desintegration particuliere, mais il te dit que les deux mesures seront correlees et qu'en moyenne tu trouveras autant de fois la combinaison up/down que la combinaison down/up. A present tu laisses l'electron et le positron s'envoler de facon a ce qu'ils parcourent une certaine distance, 5 metres ou 50 annees lumieres, puis tu mesures le spin de l'electron. Supposons que tu trouves spin up. Alors, tu sais immediatement, instantanement, qu'une personne se trouvant a une distance de 10 metres ou de 100 annees lumieres trouvera spin down en examinant le positron. On a donc un etat intrique, cad un etat de deux particules, l'electron et le positron, qui ne peut etre exprime comme le produit de l'etat de l'electron et l'etat du positron lorsque ces particules sont considerees independemment. On ne peut donc pas parler rigoureusement de l'etat de l'une ou de l'autre particule prises separement. Bref, au niveau quantique, la propriete d'independance ou de separation des objets les un par rapport aux autres - propriete on ne peut plus banale a notre echelle - peut se casser mechamment la gueule. C'est ca l'intrication quantique. En gros. C'est comme ca. Un point c'est tout (ou presque).
Citation:
Comment deux particules distantes de 100 années lumière peuvent-elles communiquer (?) instantanément ?
Ca, c'est de l'interpretation, cad l'antichambre des emmerdements. Arf! Les deux particules distantes de 100 annees lumiere ne communiquent pas. Du moins, pas au sens usuel du terme. Tu pourrais dire - hypothese numero 1 - qu'il n'y a rien de surprenant dans l'experience du pion: l'electron avait reellement spin up (et le positron spin down) au moment de leur creation, mais le formalisme quantique ne le savait pas. Tu pourrais egalement dire - hypothese numero 2 - qu'aucune des deux particules, l'electron et le positron, n'avaient spin up ou spin down jusqu'au moment de la mesure: c'est ta mesure sur l'electron qui a fait s'effondrer la fonction d'onde,produisant ainsi instantanement le spin du positron a une distance de 10 metres ou de 100 annees lumiere. Comment departager ces hypotheses? C'est la question que s'etait posee Einstein, Podolsky et Rosen en formulant le "paradoxe" EPR (en gros, l'experience (alors de pensee) du pion decrite ci-dessus). Selon le trio EPR, una "action fantome a distance" (hypothese numero 2) est on ne peut plus absurde puisqu'aucun machin, quel que soit ce machin, ne peut se propager plus vite que la lumiere. C'est ledit principe de localite. EPR conclurent alors que l'electron et le positron doivent avoir un spin bien defini depuis le debut (hypothese numero 1), que le formalisme quantique soit capable de le calculer ou non. Tu pourrais alors retorquer a EPR che l'effondrement de la fonction d'onde n'est pas instantane, mais qu'il "voyage" a une vitesse finie. Ok. Mais ceci pourrait violer la conservation du moment angulaire: en effet, si tu mesurais le spin du positron avant que l'effondrement rejoigne ce dernier, il y aurait une probabilite de 50% de trouver les deux particules avec spin up. Or, les experiences sont sans appel: une telle violation n'a jamais lieu (i.e. la correlation entre spin est parfaite). Il semble donc, quoi qu'on puisse en penser, que l'effondrement de la fonction d'onde soit instantane. Donc, objection rejetee. EPR pensaient que le paradoxe qu'ils avaient souleve mettait en evidence le fait que le formalisme (mieux: la mecanique quantique) fournissait une description incomplete du reel: la fonction d'onde ψ ne contient pas toute l'information d'un objet quantique. Selon EPR, pour pouvoir caracteriser completement l'etat d'un systeme, en plus de la fonction d'onde ψ, il faut un autre bidule, une autre grandeur, disons ♪. Puisqu'a l'epoque on ne savait rien de ce a quoi pouvait ressembler ♪, on l'appela "variable cachee". Y'a un peu plus de 40 ans, Bell demontra que toute theorie locale a variables cachees etait incompatible avec la mecanique quantique (l'article de Bell est un chef d'oeuvre de concision, de clarte et d'elegance, je deconne pas). En tenant compte de la preuve de Bell, le "paradoxe" EPR est encore plus radical: si EPR ont raison, non seulement la mecanique quantique est incomplete, mais elle est completement fausse. Par contre, si la mecanique quantique est correcte, alors il n'existe aucune theorie a variables cachees qui puisse nous sauver de la non-localite que le trio EPR - et que n'importe quel individu autre que Bohr et sa clique de foux furieux - trouvait absurde. Y'a un peu plus de 20 ans, Aspect & al. effectuerent une experience cruciale de type EPR dont les resultats etaient en parfait accord avec les predictions de la mecanique quantique et etaient incompatibles avec l'inegalite de Bell (= son theoreme), donc il n'existe pas de theorie locale a variables cachees (ca veut evidemment pas dire qu'il n'existe pas de theorie non-locale a variables cachees). L'hypothese numero 2 - ou plutot une version beaucoup moins "intentionaliste" - se trouva ainsi confirmee. Pas necessaire de chercher midi a quatorze heures ou de s'epiler le scrotum: la nature est fondamentalement non-locale. Point a ligne. Bref, l'effondrement de la fonction d'onde est effectivement instantane.
Tu me diras peut-etre (et a juste titre) que ca te chiffonne: "si c'est instantane, c'est que, d'une maniere ou d'une autre, l'effondrement est un machin qui se propage a une vitesse supraluminique". Oui et non. En fait, beaucoup de choses se propagent a des vitesses supraluminiques: si tu traverses un faisceau lumineux, la vitesse de ton ombre est proportionnelle a la distance de l'endroit ou elle est projetee. Cette distance peut etre arbitrairement grande (ca pourrait etre la distance jusqu'a Mars ou, en principe, jusqu'a une planete a 100 annees lumiere), donc l'ombre peut se deplacer a une vitesse arbitrairement grande. Mais, l'ombre ne transporte aucune energie et ne peut transmettre aucun message (<=> y'a pas d'information) d'un endroit a l'autre ou elle est projetee. En d'autres termes, une personne au point X ne peut rien causer au point Y en utilisant le passage de ton ombre.
Le "paradoxe" EPR et, a fortiori, l'experience d'Aspect & al. (ainsi que d'autres experiences effectuees depuis lors) met-il en jeu une influence de type causal ou une influence du me type que celle du passage de l'ombre, appelons-la influence de type vide? Bref, la mesure sur l'electron influence-t-elle le resultat obtenu lors de la mesure sur le positron? La reponse est "bien sur que oui", sinon il serait impossible d'expliquer la correlation entre les donnees. Mais on ne peut pas dire que la mesure sur l'electron cause le resultat de la mesure sur le positron (du moins pas au sens commun du terme): tu ne peux utiliser la mesure effectuee sur l'electron pour envoyer un signal a la personne qui est censee effectuer une mesure sur le positron puisque tu n'es pas en mesure (arf!) de controler le resultat de ta mesure (= tu ne peux rien faire pour obliger ton electron a avoir un spin up, pas plus que je ne peux influencer le passage de ton ombre). Tu peux seulement decider d'effectuer ou non la mesure, mais celui qui est cense effectuer une mesure sur le positron ne pourra dire si la mesure sur l'electron a ete effectuee ou non (d'ou l'importance de ce que j'ai appele communication relativiste): les deux listes de donnees - une pour chaque experimentateur – sont "aleatoires" si prises separement; ce n'est que lorsqu'on les compare que l'on decouvre des correlations.
On peut donc distinguer deux types d'influence: celle de type "causal", qui produit une reelle modification d'une certaine propriete physique (modification detectable au travers de mesures effectuees sur son sous-systeme), et celle de type "vide", qui ne transporte ni energie ni information et dont l'existence ne peut se traduire que par les correlations entre deux sous-systemes "separes" (correlations qui ne peuvent etre detectees en examinant une seule des deux listes). Les influences de type causal ne peuvent se propager plus vite que la lumiere, mais rien n'empeche que celles de type vide puissent le faire. Les influences associees a l'effondrement de la fonction d'onde sont de type vide. Le fait qu'elles "voyagent" plus vite que la lumiere (si j'ai ete clair, tu noteras aisement que les termes "voyager" et "plus vite que la lumiere" n'ont pas beaucoup de sens - voire pas du tout - dans ce contexte) est sans doute surprenant, voire etrange, mais y'a rien de tres mysterieux (ou presque). En tous cas, y'a pas mort d'homme.
J'espere ne pas avoir bave trop de conneries: j'ai la gueule de bois, un debut de bronchite et, surtout, j'ai pas envie de me relire.Citation:
Comment l'intrication quantique plus la communication relativiste peuvent-elles aboutir à une téléportation ? Comment cela fonctionne-t-il ? Un exemple peut-être ? Tout cela m'a l'air très étrange et mystérieux.
L'explication de ci-dessus devrait t'aiguiller (et te faire mieux apprecier l'explication en images de Crepeau donnee en lien precedemment). Si non, fais-moi signe. Mais pas trop tot.
Citation:
Si tu pouvais m'en dire un peu plus, sans t'énerver <...>...
Bordel de merde, qu'est-ce que vous avez a me faire chier avec cette histoire d'enervement?! Me suis jamais enerve, du moins pas sur ce forum. M'enerver n'est de toute gacon pas mon truc (j'suis selectif), meme si j'avoue etre plutot d'un naturel soupe au lait. Il m'arrive d'etre desagreable, ca oui. Comme toute personne saine de corps et d'esprit. Le prochain qui me fait cette remarque, je l'encule a sec apres lui avoir foutu mon poing sur la gueule.