Bibi a écrit:
le DQ est une theorie de la mesure (en phase de solidification).
Quelques precisions (legeres et informelles), peut-etre, parce que mon dernier post ne dit rien. Ou presque.
Dans la version dite orthodoxe de la physique quantique (PQ), lorsqu'on effectue une mesure sur un objet
OBJ afin d'en determiner une propriete
p_obj, on trouve une
p_obj bien definie, alors qu'avant la mesure cette
p_obj ne l'etait pas: elle etait une "
superposition" de toutes les
p_obj possibles. En d'autres termes, selon la PQ orthodoxe - ladite Ecole de Copenhagen -, un
OBJ laisse a lui-meme obeira audit "
principe de superposition", alors que lorsqu'il est observe - cad lorsqu'on effectue une mesure sur icelui -, par ledit "
principe de la projection" (c'est un autre postulat de la PQ orthodoxe), cet
OBJ "choisira" un et un seul de ses etats et c'est dans cet etat-la qu'on le verra - cette derniere etape est egalement nommee "
postulat de la reduction (ou de l'effondrement) du paquet d'onde". En outre, si on remesure l'
OBJ immediatement apres, on obtient le "meme" resulta: cela signifie que l'etat mesure n'est pas pris au hasard dans l'eventail des possibles, mais qu'une fois le choix effectue, celui-ci est en quelque sorte definitif. C'est la que les trois questions suggerees dans mon precedent post montrent le bout de leur nez:
- pourquoi n'est-il pas possible de mesurer une superposition d'etats d'OBJ?
- comment OBJ "sait"-il qu'il est mesure et comment fait-il pour "choisir" l'etat ETAT?
- pourquoi cet ETAT-la et pas un autre?
La PQ orthodoxe - celle des peres fondateurs, Bohr en tete -
postule la chaine comportementale {superposition -> observation -> reduction} ainsi que ses fleches causales, et puis c'est tout, evacuant ainsi ledit "
probleme de la mesure quantique" incarne par les trois questions de ci-dessus. Cette evacuation des eaux n'etait pas le fruit d'une attitude simpliste, mais, bien au contraire, une attitude induite par souci d'economie. Sain. En effet, en l'absence d'elements permettant d'echaffauder une amorce d'explication, il etait preferable de postuler les fleches causales soutenues tant par les experiences que par l'artillerie formelle en vigueur, plutot que d'essayer d'imaginer des chateaux de cartes qu'une flatulence de lombric aurait annihiles en moins de temps qu'il ne lui faut pour dilater son sphincter. Mais les peres fondateurs - et tout physicien digne de ce nom - n'etaient pas dupes, bien entendu (cf. par exemple le fameux "
chat de Schroedinger"). Malheureusement, bien des aneries plus ou moins ineptes ont ete vomies a ce sujet depuis lors, dont les plus connues sont celles qui affirment que "c'est la conscience de l'observateur intelligent qui reduit le paquet d'onde en choisissant l'etat mesure" (aka "
spiritualismes quantiques") ou que "les etats mesures sont ceux-la et pas d'autres parce que si c'en etaient d'autres, nous ne serions pas la pour les observer" (aka "
principes anthropiques"). Aux chiottes. Y'a toutefois eu egalement quelques hypotheses fascinantes mais empiriquement vides - voire plus si affinites -, comme par exemple celle des multivers. Bref.
L'idee de
decoherence (DH) de Zeh ["emergence" du classique], puis de
darwinisme quantique (DQ) de Zurek & al., ont, plus recemment - disons depuis la fin des annees 70 pour le premier et depuis quelques annees seulement pour le second -, permis de se donner les elements - et, en partie, les instruments et les outils - afin de tenter de repondre aux trois questions suscitees, et donc afin de tenter de resoudre le probleme de la mesure, en coupant court, au passage et s'il en etait encore besoin, aux rumeurs nauseabondes spiritualistes, anthropiques et, plus generalement, n'importequoitistes.
On en arrive au donc. Brievement.
Comment une mesure se produit-elle? En fait, on n'est pas en mesure de mesurer un
OBJ. Ce que l'on fait, c'est mesurer une partition, une fraction, de l'environnement d'
OBJ. Une fraction, ca fait pas beaucoup, en effet, mais c'est toutefois suffisant pour extraire toute l'information dont on a besoin. Pourquoi, en ne mesurant qu'une infime fraction de ce qu'il y avait a mesurer, un obervateur X et un observateur Y voient-ils la meme
p_obj? En gros - tres gros -, l'
OBJ a un "etat" initial
SUP (cet etat est une superposition d'etats). Ce
SUP interagit avec l'environnement en y laissant une emprunte. Chaque fraction
E d'environnement contient seulement une partie de toute l'information sur
SUP et chacune de ces
E ne contient pas le meme petit morceau d'information sur
SUP. Ainsi, chaque
E "expose" un etat legerement different d'
OBJ.
SUP a donc produit une grande quantite d'"
etats fils" differents les uns des autres et incrustes dans un environnement plus ou moins proche. D'une certaine facon, un etat quantique se reproduit en faisant de lui-meme une kyrielle de copies semblables (-> "
reproduction") mais non identiques a l'etat originel (-> "
mutation"). Ces copies ne sont d'ailleurs pas egales entres elles (-> "
selection naturelle"): certaines ont une breve existence dans l'environnement, ce qui fait que l'information qu'elles portent devient vite illisible, donc non-mesurable (bruit de fond), d'autres encore, par le
theoreme de no-cloning, ne seront pas capables de laisser a leur tour une emprunte dans l'environnement (->
sterilite); in fine, seule une petite portion bien circonscrite d'etats reussiront a perdurer de facon viable puis a se reproduire a leur tour. Et ainsi de suite. En outre, les etats quantiques sont definis par l'information qu'ils vehiculent, mais la quantite d'information qu'il est possible d'emmagasiner dans l'environnement - partiel ou non - est limitee: on peut donc dire - en exagerant un peu, beaucoup, a la folie - qu'il existe une "resource naturelle" pour laquelle les etats sont en "competition" afin de "survivre", cad afin de ne pas se perdre dans l'entropie environnementale (-> "
mort").
J'ai evidemment neglige une serie de faits (et de details qui n'en sont pas), mais c'est pour la bonne cause: encercler les quelques idees saillantes de le DQ qui ont conduit Zurek a etablir un parallele entre ces dernieres et les processus darwiniens en biologie. Bref, c'est un resume narratif des raisons (ou plutot des analogies) qui ont pousse Zurek a qualifier de
darwinisme quantique un faisceau de processus de "
distribution selective d'information quantique" qui expliquerait la reduction du paquet d'onde. Je signale au passage - au cas ou cette petite narration elusive (et hautement insatisfaisante en plus d'etre tellement approximative qu'elle en devient fausse) laisserait un arriere gout d'amertume (un individu sain d'esprit devrait le ressentir) - deux articles (en plus de celui suggere par Herr Doktor) de Zurek qui resument de facon plus ou moins abordable (certains diront plus moins que plus plus) et complete le DQ: 1) "
Quantum Darwinism and Envariance" et 2) "
Relative States and the Environment: Einselection, Envariance, Quantum Darwinism, and the Existential Interpretation" (les allergiques aux formulettes peuvent les sauter sans capotes pour se concentrer sur le blabla) [cf peut-etre aussi quelques conferences en ligne
ici]. Enfin, en francais (surtout), voir p.e. les (resumes de)
cours d'Haroche.
Bref, rien a foutre du fait que l'adjonction de "darwinien" a "quantique" soit due ici a des analogies plus ou moins digestes. L'important, c'est ce que tente de resoudre le DQ (avec en prime quelques experiences qui semblent corroborer une telle approche). Et la rose, poils a la couperose. Il est cependant amusant de constater que les
processus de type darwinien sont effectivement tres a la mode ces dernieres annees, que leur exhibition soit justifiee ou non. Sont-ce des meta-lois universelles dont on capture parfois quelques instances? No se.