Narnia sort sur les écrans !
Le crypto-catéchisme de C. S. Lewis est proposé à nos chères têtes blondes. L'adaptation hollywoodienne de la série de livres bien-pensants sur le monde de Narnia (90 millions d'exemplaires vendus) aura coûté 200 millions de dollars rien que pour le premier film, "
Le lion, la sorcière blanche et l'armoire magique"
C. S. Lewis, auteur catholique engagé, a écrit ses romans pour jeunes enfants avec pour objectif avoué, du moins aux parents, d'habituer les jeunes cervelles aux thèmes chrétiens. Il n'y est jamais explicitement question de christianisme : tout est dans le symbolisme.
SYNOPSIS - La sorcière blanche, qui représente le Diable, fait céder Edmund (Judas), à la tentation avec des loukoums. Je suppose que les pommes sont passées de mode. Pour sauver Edmund de son vilain péché, le bon lion Aslan (Jésus) se sacrifie et meurt dans une scène sado-masochiste rarement vue en littérature enfantine. Les filles (Marie-Madeleine) le pleurent longuement mais Aslan ressuscite d'entre les morts, amen, et s'ensuit une bataille contre la sorcière satanique.
J. R. R. Tolkien était l'ami de C. S. Lewis. Bien que catholique lui aussi, Tolkien détestait la série Narnia : il lui reprochait la symbolique chrétienne trop voyante et son caractère de bric-à-brac. Car si Seigneur des Anneaux est le résultat d'un grand effort de cohérence interne, Narnia n'est guère qu'un collage où l'on retrouve des animaux mythologiques, des animaux humanisés de Beatrix Potter, des thèmes de chevalerie de pacotille… et le Père Noël en guest-star.
Aux Etats-Unis, la promotion de ce film a été assurée par Motive Marketing, qui s'étaient auparavant chargés de la Passion du Christ de Mel Gibson. Du coup, les baptistes fondamentalistes ont cessé leur
boycott assez inefficace contre Walt Disney, qu'ils accusaient de promouvoir l'homosexualité, et ont pris le relais en promouvant le film auprès de leurs ouailles.
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Un post précédent sur le sujet de Narnia)
Si la série Narnia voit le jour sur les écrans, c'est grâce à Philip F. Anschutz, un chrétien américain richissime – sa fortune est évaluée à près de cinq milliards de dollars. Sa maison de production, Walden Media, finance la moitié du projet, l'autre moitié étant prise en charge par le distributeur Walt Disney.
Walden Media vend également une "Etude de la Bible de 17 semaine basée sur Narnia" destinée aux enfants. Et finance une initiative du gouverneur de Californie Jeb Bush, frère du président américain, pour permettre à tous les écoliers de son Etat de lire les livres de la série Narnia. Selon l'association laïque
Americans United for Separation of Church and State, cette action est contraire à la séparation constitutionnelle des églises et de l'Etat.
En France où le film sort mercredi prochain, les thèmes chrétiens sont apparemment mis en sourdine par les promoteurs. Si le journal de droite catholique Le Figaro Magazine fait sa une avec Narnia, l'
article en ligne est assez neutre. (
Attention : contient une photo explicite d'une petite fille avec un satyre).
Certaines critiques du film estiment en tout cas que les sommes colossales dépensées dans les effets spéciaux (par WETA, qui avait travaillé sur le Seigneur des Anneaux) ne parviennent pas à cacher
l'incohérence de l'univers de C. S. Lewis, et que les thèmes chrétiens sont particulièrement appuyés.
La
critique du Guardian, dont je recommande la lecture, estime par exemple que le sentimentalisme omniprésent y est "
profondément manipulateur", que Narnia représente "
tout ce qui est le plus haïssable dans la religion" et recommande aux non-croyants auxquels les thèmes chrétiens omniprésents donneraient la nausée de garder un sac à vomi à portée de main...