tjrev a écrit:
Bigre ! Et bien, vous donnez quand même de l'eau au moulin des Témoins de Jéhovah malgré vos bonnes réponses !
Oui, c'est possible.
La question est maintenant de savoir si pour contrer les arguments créationnistes, il vaut mieux :
a) des propositions-type académiques mais grossières, sur l'évolution, frisant parfois la caricature, ou
b) des propositions plus fines et nuancées, mieux justifiées et précisant mieux les limites d'un procédé, au risque d'être interprétées dans un tout autre sens.
Je n'en sais rien de ce qui est le plus efficace, mais a priori je préfère la franchise et les explications incluant leurs limites - donc l'option b dans tous le cas. Au risque de donner de l'eau aux moulins.
D'habitude, les créationnistes focalisent sur mutations et macro-évolution. S'attaquer à ces points en particulier d'une manière grossière est un peu leur dada. Ce qui est subtile (ou assez inusité ?) dans les deux paragraphes que tu mettais plus haut, est justement qu'ils ont focalisé sur la spéciation, et
par des affirmations que pourrait tenir un évolutionniste convaincu qui discuterait de l'impact ou importance relative de la pression sélective, etc. Et ils ont donc mis une affirmation correcte pour le premier point (mutations), et une autre affirmation correcte sur le second point (sélection naturelle). C'est assez tordu. Comme l'a relevé Herr Doktorr : le premier joue entre autres sur les mots "entièrement (nlle)", et le second est correct aussi car il y manque entre autres les agents de variation (dont les mutations) qui sont traités et "réfutés" dans le premier point. Une assez subtile technique de vendeurs dans l'âme, par des affirmations "vraies", du moment que ces processus pris seuls ne sont pas fonctionnels ni suffisants pour expliquer l'évolution.
tjrev a écrit:
Ce qui va produire cette nouvelle espèce est la variation naturelle des êtres vivants (utilisation abusive du terme mutation par les TdJ) qui est le socle, la racine, le point de départ de l'évolution biologique. Or, à moins d'être tombé sur un forum qui réfute l'évolution, la variabilité génétique est incontestable et largement documentée.
Tu me permets de pinailler ?
Si on tient vraiment réduire la spéciation à une seule donnée en une seule phrase, il serait plus opportun de la réduire à une ou des
barrières à la reproduction entre A et B. Je ne suis pas fan de phrases définitives focalisant sur un seul point, mais c'est pourtant ce point-là qui tranche le mieux une spéciation accomplie. Car la
variation naturelle est souvent un paramètre et constante intraespèce, et a par conséquent moins de pouvoir explicatif pour la spéciation (même si une barrière reproductive peut naître de variations spontanées, bien évidemment).
Et puis en fait, ces TJ sur les paragraphes cités ne réfutent même pas la variabilité génétique, ils l'admettent au point 1 puisqu'ils admettent les mutations. La stratégie et propos de ces TJ (toujours sur les paragraphes en question) est justement de ne pas mettre en complémentarité variations et pression sélective... pour faire croire que la
spéciation est réfutée. Et par conséquent l'évolution.
Tu peux donc crier dans la nuit à des convaincus que la spéciation est, et que variation + sélection (mais pas seulement, hein...) font la paire, aucun problème.
Par contre, si je puis me permettre vu que ces
TJ new generation sont pas mal futés pour répandre leurs dogmes nauséeux, il va falloir les contrer - si c'est ton ambition - par des affirmations évolutives très fines. Ce genre de trucs-ci par ex :
tjrev a écrit:
* végétal : par exemple l'hybridation naturelle entre deux types de tournesols identifiés comme des espèces distinctes à produit une descendance qui ne pouvait plus se croiser avec les tournesols ancestraux, réalisant ainsi une nouvelle espèce. Cette spéciation a même été reproduite en laboratoire.
* animale : On a pu montrer que des remaniements chromosomiques chez des souris tunisiennes provoquaient des isolements reproducteurs et donc la naissance de nouvelles espèces, l'espèce descendante vivant au même endroit que la parente. (voir aussi Moustiques du métro de Londres, Souris de Madère,etc)
[...]
Si ces conditions se maintiennent assez longtemps, la fréquence du variant avantagé dans la population finira par atteindre 100%. L'espèce aura donc quelque peu changé: elle n'est pas stable dans le temps. La sélection naturelle se traduit donc simplement par un succès reproductif différentiel.
... même s'ils sont corrects en théorie et justifiés par des exemples, sont trop simplistes et ont aussi pas mal de contre-exemples - théoriques comme empiriques (particulièrement ce qui est souligné, même si ces paragraphes sont copiés-collés d'une page web de G. Lecointre...). Et seraient finalement des arguments facilement réfutés par des gens tordus qui étudient l'évolution rien que pour la contrer (mais peut-être que je me fais trop d'idées sur ces "créationnistes" nlle génération). Pour pinailler sur l'évolution, les évolutionnistes sont à la première place de toutes manières. Pinailler c'est bon pour la santé.
Je te donne un seul exemple de manque de finesse dans les explications évolutives - mais sans prendre position sur l'utilité ou pas d'approfondir et nuancer les explications face à des TJ. Chacun son opinion.
tjrev a écrit:
* animale : On a pu montrer que des remaniements chromosomiques chez des souris tunisiennes provoquaient des isolements reproducteurs et donc la naissance de nouvelles espèces, l'espèce descendante vivant au même endroit que la parente. (voir aussi Moustiques du métro de Londres, Souris de Madère,etc)
Ici par ex, je suis bien conscient que ces souris tunisiennes avec fortes variables chromosomiques sont un exemple souvent fourni comme processus de spéciation, dans un discours anti-créationnisme. Ce sont comme déjà dit des propositions-type d'un site de vulgarisation sur l'évolution bien connu.
Le problème ici est que - même si cela pourrait être un bon exemple de processus intime de la spéciation - on ne peut pas trancher catégoriquement sur ce qui a provoqué la spéciation entre des populations de souris avec une souche commune, et cohabitant dans la même ville :
- même si l'incompatibilité, ou barrière à la reproduction due à des caryotypes trop différents (2n=22 pour la variété bien connue, versus 2n=40, caryotype standard pour la majorité des autres) est maintenue ici par le nombre de translocations robertsoniennes assez énorme, c'est probablement ici un état et résultat postérieur, ayant suivi et non pas précédé leur spéciation. C'est bien un "plus", c à dire un élément indéniable pour une spéciation accomplie ici, ou pour la maintenir ainsi, mais pas nécessairement LA causalité originelle de cette spéciation. La causalité singulier de toutes manières, hein, bof. Car lorsque le nombre de fusions est moindre, il n'y a parfois pas la moindre barrière à la reproduction (malgré les problèmes de gamétogénèse liés à ces translocations): pas mal d'exemples accomplis démontrent que des réarrangements chromosomiques tout aussi énormes n'empêchent pas du tout l'organisme d'être fécond avec sa souche à caryotype normal. C'est même une nécessité en quelque sorte pour que ce "mutant" ait un partenaire et puisse éventuellement transmettre sa particularité chromosomique. Sinon, il n'aura pas de descendance fertile.
Lorsqu'ils passent outre les mécanismes de réparation, ces pépins ou réarrangements chr. - surtout s'ils sont équilibrés comme ici, où l'information génétique est maintenue) - peuvent donc ne pas du tout perturber l'organisme et ne l'empêcher nullement de se reproduire avec la population souche.
Pour résumer : chez ces fameuses souris de Tunisie, l'accumulation de fusions centriques participe bien à empêcher un flux génétique avec les autres, mais n'est pas nécessairement l'explication antécédente et historique, unique, de leur spéciation. Ce cumul peut être postérieur à une séparation précédente sous d'autres raisonnements peu élucidés, à laquelle a bien entendu pu participer (ou pas !) un premier réarrangement.
http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=15385786(cette publi est très probablement free on line, disponible sur le web en plusieurs endroits. C'est une publication très célèbre)
Quant aux exemples de gros réarrangements chromosomiques [équilibrés] sans grand impact pour l'organisme, pas pathologiques pour un sou ni n'empêchant la fertilité, ils sont tout autour de nous - parfois à l'insu de notre plein gré. Les trisomies sont en revanche un exemple de pépin génétiquement
"déséquilibré", un surplus, et c'est une autre affaire - bien qu'elle puisse être reliée. Bref, c'est un petit exemple, mais peu approfondi, que les choses ne sont pas aussi simples que quelques phrases lapidaires, face à des gens (des créationnistes) qui peuvent être assez tordus.
Malgré nos bonnes intentions, je suis partisan d'éviter les patacaisses trop approximatifs :
Citation:
la fréquence du variant avantagé dans la population finira par atteindre 100%
Ici il y aurait des pages de réfutation possible car cette proposition est carrément mensongère, malgré qu'elle semble couler de source. Mais là je n'ai plus envie, on n'est pas là pour pinailler sur tout. Je m'en remets à mon tour au bon conseil de Maiiiiitre Byoga:

tjrev a écrit:
Or ce qui définit une espèce est un ensemble monophylétique d'individus se reconnaissant comme partenaires sexuels et capables de donner une descendance féconde.
Ici, puisque tu tiens à énoncer de grands principes, vaut mieux alors pécher par défaut que par excès. Reformuler ainsi ta phrase serait plus prudent et efficace :
"Ensemble d'individus interféconds capables de donner une descendance interféconde."Pourquoi cette reformulation et ces suppressions ?
Déjà car monophylétique est de trop ici, et parfaitement inutile. Et surtout car... ben chais pas si tu es majeur et si on peut en parler en toute franchise, mais tu es au courant que chez pas mal de mammifères d'espèces assez apparentées à nettement moins, ça fornique pas mal interespèces, non ? Lors de promiscuité du moins. Ce quand bien même ces amourettes donnent peu de rejetons dans la plupart des cas. Comme quoi la "reconnaissance comme partenaires sexuels" est une donnée et critère pour le moins ambigu, à éviter comme la peste dans une définition d'espèce si on ne veut pas qu'elle fasse marrer l'auditoire d'ânes bâtés et obsédés sexuels que nous sommes dans ce forum. Vaut mieux réduire une définition aux seules propositions rigoureuses, même si on a tous un grand sens de l'humour.


Je ne pourrais me pardonner de te déniaiser avec des images autrement plus explicites, dans l'autre sens aussi, démontrant que la reconnaissance comme partenaires est réciproque... et plus proches de nous que celles-ci, mais bon.
