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Giordano Bruno

« Communiquer est une manifestation essentielle du fait d’exister. La première action d’un régime sur la pente de la dictature est de restreindre la liberté de communication : le droit d'exister, de se manifester, de s'exprimer. Comme n’importe quel abuseur, sa meilleure protection contre les conséquences de ses actes néfastes est la loi du silence, la censure, la crainte que "les autres" ne s'expriment. »

 

Giordano Bruno
Mort pour avoir eu raison trop tôt

Rome, le 17 février 1600 sur le Campo Dei Fiori, un homme est amené et attaché sur le bûcher dressé à cette occasion. Le feu y est bouté. Cet homme meurt, brûlé vif. Aucun cri ne sort de sa bouche ; sa langue a été préalablement arrachée pour éviter qu'il ne profère une dernière fois ses paroles infâmes. Auparavant, cet homme a croupi 7 ans dans les geôles du Vatican, a subi plus de 20 fois la question. Il ne s'est jamais rétracté !
Cet Homme, cet hérétique, c'est Giordano Bruno. Son crime, être un libre penseur pour son époque et, surtout, avoir eu raison trop tôt !

Le petit Filippo Bruno naît en janvier 1548 à Nola près de Naples. A 14 ans, il part pour Naples, à l'université publique où il découvre la mnémotechnique, l'art de la mémoire, qu'il maîtrisera vite parfaitement. Il découvre aussi la querelle entre les platoniciens et les aristotéliciens.
En 1565, il entre chez les Frères prêcheurs de San Domenico Maggiore. Pendant 10 ans, Bruno, qui a adopté le prénom de Giordano, lie sa vie aux Dominicains et digère une culture dogmatique et multidisciplinaire. Sa trajectoire semble conforme à la devise dominicaine " par le verbe et par l'exemple ". Il devient prêtre en 1573 et lecteur en théologie en juillet 1575.

Les indices de ruptures sont pourtant présents très tôt. Accusé de profanation du culte de Marie des sa première année de noviciat (il en avait ôté l'image de sa cellule), Bruno possède un esprit rebelle, à la curiosité vorace. Il lit Erasme (hérétique depuis 1559), s'intéresse à la magie, l'hermétisme, et surtout il développe une passion pour la cosmologie détachée de l'approche théologique. Il finit par repousser le dogme de la trinité.
Cela lui vaut une instruction à son encontre pour hérésie. Il devance la sentence, abandonne le froc dominicain et s'enfuit de Naples en février 1576.

Pendant 15 ans, il va bourlinguer à travers toute l'Europe, vivant souvent au jour le jour, affinant sa pensée originale.
Il reste tout d'abord en Italie pendant 2 ans puis, sous la pression, s'exile à Chambéry puis à Genève où il espère y trouver la paix. Il s'intègre à la communauté calviniste mais un conflit avec la hiérarchie lui vaut une deuxième excommunication. Il repart vers Lyon puis Toulouse. Il réussit à y enseigner pendant deux ans la physique et les mathématiques. Son ouvrage sur la mnémotechnique « Clavis magna » le fait remarquer d'Henry III. Celui-ci l'amène à Paris et devient son protecteur. 5 ans de tranquillité. Il enseigne au Collège de France, adopte une position conciliante entre les protestants et les ligueurs, et développe sa pensée.

1583, Bruno part pour Londres puis Oxford. Sa réputation l'a précédé. Ses idées malmènent l'opinion anglicane et suscitent des disputes passionnées. Pendant deux ans, il répond par la plume et se pose comme un philosophe, théologien et scientifique novateur et impertinent.
En 1584 paraissent « La cène des cendres », « La cause, le principe et l'un », « De l'infini, l'univers et les mondes ». Ces ouvrages exposent sa vision cosmographique révolutionnaire, presque visionnaire ! Il détruit le géocentrisme, soutient et dépasse Copernic, " L'univers est infini, peuplé d'une multiplicité de mondes analogues au nôtre". Il évoque même la possibilité de vie extraterrestre.
1585, trois nouveaux ouvrages : « L'expulsion de la bête triomphante » règle, au nom d'un activisme humaniste, le compte des attitudes calvinistes et catholiques. « La cabale du cheval de Pégase » démolit la théorie aristotélicienne et « Les fureurs héroïques » amènent l'idée d'un univers qui n'a plus de centre et, donc, dieu, plus de lieu !!!

De retour à Paris, le roi lui retire sa protection. C'est de nouveau l'exil. Il part pour l'Allemagne. Il se fixe 2 ans à Wittenberg, mais en automne 1588, c'est l'église luthérienne, cette fois, qui l'excommunie. Il reprend une fois de plus la route pour Francfort. Sa production littéraire, elle, ne faiblit pas. Il ordonne sa pensée ; « De immenso » précise les fondements de sa cosmographie , « De monade » établit un rapport organique entre les nombres et les figures géométriques, « De minimo » apporte une réflexion saisissante sur l'infiniment petit, annonçant les réflexions à venir sur l'atome. Son dernier ouvrage « De la composition des images, des signes et des idées » expose son sophistiqué système mnémotechnique.

En août 1591, Bruno accepte l'invitation du patricien vénitien Mocenigo et s'installe dans la cité des doges. Mocenigo veut le secret de la mémoire, mais Bruno est orgueilleux, refuse et souhaite reprendre la route. Vexé, Mocenigo le dénonce à l'inquisition. Le 23 mai 1592, Bruno est arrêté et emprisonné !

Son procès s'ouvre, d'abord à Venise. On lui reproche ses positions théologiques hérétiques. Bruno se défend habilement, plaidant le repentir avec beaucoup de sincérité, mais sans renier un seul mot… Et ça marche ! Venise s'apprête à le libérer. C'est sans compter sur Rome ! Le pape le veut ! Une première requête par le Cardinal de Santaseverina, l'inquisiteur suprême, échoue. Qu'à cela ne tienne, c'est le pape lui-même, par l'intermédiaire de son nonce apostolique, qui plaide l'extradition de Bruno, et l'obtient. C'est la seule fois dans l'histoire où Rome remettra en cause un verdict vénitien. Le 9 janvier 1593, une galère emporte Giordano Bruno vers les geôles du Vatican, sa dernière demeure.

Et son procès reprend. Il va durer sept ans. Il subira plus de vingt fois la question, jouera au chat et à la souris avec ses juges, dont le fameux Cardinal de Santaseverina, celui-là même qui mènera le procès contre Galilée.
Il négociera une rétraction à la condition que le Pape se rallieà son avis.
Début 1600, le Pape Clément VIII le somme de se soumettre, il réplique : " je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n'y à rien à rétracter ". Le 20 janvier 1600, Clément VIII ordonne au tribunal de rendre sa sentence. Elle sera exécutée le 16 février 1600.

Pourquoi un si long procès ?
Arrivé à Rome, on aurait pu croire en une justice expéditive et une affaire pliée en un mois ! Pendant sept ans, l'église va essayer par tous les moyens de faire abjurer cet importun… sans succès.
Elle sait que les théories de Bruno sont plus proches de la réalité que la version officielle mais, si elle l'admet, tout son édifice dogmatique s'écroule. Devant l'échec de ses tentatives, elle n'aura d'autres recours que de le brûler, en lui ayant auparavant ôté tout moyens de clamer une dernière fois sa vérité. Son testament, rédigé quelques jours avant son exécution, sera déchiré sans être ouvert.

Le 16 février 1600 est mort Giordano Bruno. Mort pour avoir eu raison trop tôt.

Le 3 février 2000, le Cardinal Poupard, responsable au Vatican du « Pontificam consilium cultura » (qui réhabilita Galilée) déclare : " La condamnation pour hérésie de Giordano Bruno, indépendamment du jugement qu'on veuille porter sur la peine capitale qui lui fut imposée, se présente comme pleinement motivée ".

Mort pour avoir eu raison trop tôt, plus de 400 ans trop tôt !

Jean Louis Piette

 

 

Michel Servet
Condamné et exécuté... deux fois !

Le 17 juin 1553, le tribunal laïque de Vienne (dans le Dauphiné) qui rend les sanctions sur recommandations de l'inquisition catholique de Lyon, condamne Michel Servet à être brûlé vif avec ses écrits. Il le sera… en effigie !
- Le 26 octobre 1553, le Petit Conseil de Genève, suivant les avis de Jean Calvin, condamne Michel Servet à être brûlé vif avec ses écrits.
- Le 27 octobre 1553, la sentence est exécutée, au sommet de la colline " Le Champel ". Les fagots sont trop peu nombreux et encore humides. Le supplicié mettra des heures à mourir, criant : « O malheureux que je suis, qui ne peux terminer ma vie ! Les deux cents couronnes que vous m'avez prises, le collier d'or que j'avais au cou et que vous m'avez arraché, ne suffisaient-ils pas pour acheter le bois nécessaire à me consumer ? »

Michel Servet est né à Villanueva d'Aragon ou à Tudela, en1509 ou 1511. Enfant surdoué issu d'une famille aisée, il est envoyé par son père à l'age de 14 ans à l'université de Toulouse pour y étudier, brillamment d'ailleurs, le droit. Il y apprend aussi le Latin, le Grec, l'Hébreu et l'Arabe. Il voyage ensuite dans l'Europe. Paris, Bâle, Strasbourg, l'Italie… Bâle de nouveau. Il y rencontre le réformateur Oecolampade et y discute à armes égales de la trinité. Il publie en 1531 (à 20-22 ans !) « Des erreurs de la trinité ». Il y développe le principe que " l'essence divine est indivisible et qu'il ne peut y avoir de diversité de personnes dans la divinité."
Servet porte ainsi ses critiques sur des parties de l'édifice chrétien que les réformateurs veulent conserver intactes.
Les critiques fusent à l'encontre de ce " fanatique de détestable origine Espagnole " qui répand " une doctrine fausse et pernicieuse ". Il n'en a cure et publiera l'année suivante un deuxième opuscule où il se déclare indépendant des deux églises.

La coupe déborde et, sentant les ennuis arriver, Servet prend la fuite et se retrouve à Lyon et à Paris. Il y exerce la profession d'imprimeur, traduit et annote la « Géographie » de Ptolémée, se lance ensuite dans des études de médecine, aurait (c'est controversé) découvert la petite circulation sanguine, se fait exclure de la faculté de médecine de Paris pour s'être livré à l'astrologie et à la divination, redevient correcteur d'imprimerie à Lyon, termine ses études de médecine à Padoue et s'installe à Vienne. Il est appelé par Pierre Paulmier, l'archevêque de cette cité à devenir son médecin personnel et le président de la confrérie de Saint Luc (équivalent de l'ordre des médecins).

Il a pignon sur rue. C'est un homme respectable et respecté. Il poursuit ses réflexions théologiques mais dans la plus grande discrétion.

Il correspond avec Calvin, le critique, lui transmet des instructions et des corrections de son livre " l'institution chrétienne ". Ce dernier tente par deux fois de raisonner Servet puis, vexé, coupe tout contact avec lui.

En 1553, Michel Servet publie, en grand secret, la « Restitution de la religion chrétienne ». La trinité n'a pas de fondements bibliques, Jésus-Christ n'est pas préexistant. Il s'oppose au baptême des enfants, estimant qu'il faut être conscient de ce qu'on fait pour être baptisé. Il s'oppose à la peine de mort pour les crimes d'hérésie, lui préférant le bannissement.

Surviennent alors une succession de bizarres événements. Un ami de Calvin, Guillaume de Trie, se chamaille avec un cousin habitant Lyon, Antoine Arneis. Ce dernier, écrivant à de Trie que les Genevois mènent une vie désordonnée et que la pagaille règne, celui-ci lui répond qu'à Vienne on tolère les pires hérétiques, au point de les héberger au palais archiépiscopal. Arneis s'étonne, demande des précisions et des preuves. De Trie obtient de son ami Calvin les lettres écrites par Servet et les envoie à Lyon. Ces documents se retrouvent on ne sait comment dans les mains de l'inquisition.
Il n'en faut pas plus pour démarrer une enquête. Michel Servet est arrêté et jugé avec les lettres confiées par le réformateur Calvin comme pièces à conviction !!
Malgré une défense brillante, Servet sent que cela va mal finir et réussit à s'évader en avril 1553. Il tente alors de rejoindre l'Italie mais, inconscience suprême, passe par Genève où il est reconnu et arrêté une deuxième fois.

Calvin n'a pas officiellement de pouvoir à Genève, mais sa réputation et son ascendant on fait de lui un dictateur moral. Il mène, a distance, la charge contre Servet par une plainte en 39 articles dénonçant les " opinions téméraires énoncées par Servet envers la trinité et la nature divine ". Servet se défend mais, en donnant le choix au petit conseil entre Calvin et lui, il signe son arrêt de mort. Il ne fait pas le poids contre Calvin. Le tribunal, après avoir sollicité l'avis des églises et des gouvernements Suisses et reçu d'eux l'acceptation d'une éventuelle peine capitale, rend son verdict le 26 octobre 1553.

La sentence sera exécutée le lendemain, après une dernière tentative de Calvin pour obtenir, en vain, la rétraction de Michel Servet.

En 1554, Calvin publie un livre intitulé : « Déclaration pour maintenir la vraie foy touchant la trinité contre les erreurs de M Servet par Jean Calvin, ou il est montré qu'il est licite de punir les hérétiques et qu'à bon droit ce meschant e été exécuté par justice en la ville de Genève ». Il y explique qu'il était partisan de condamner Servet à mort mais pas à le brûler vif ; qu'il aurait fallu le tuer autrement, de manière plus discrète... !


Michel Servet

Cette histoire prouve, si besoin en était, que les réformateurs ne cédaient en rien aux catholiques quand il s'agissait d'intolérance et, plus encore, que les deux religions étaient capables de coopérer contre " l'ennemi commun " hérétique.

Jean Louis Piette

 

 

Des sorcières comme tout le monde

Cette histoire raconte le procès et l'exécution d'une sorcière. Une sorcière comme tant d'autres. Elle n'a pas laissé son nom à la postérité, elle ne figure dans aucun livre d'histoire. Elle vivait à la fin du XVI ème siècle aux alentours de Spa dans les Ardennes belges. Spa se trouvait, à l'époque, dans la principauté épiscopale de Liège. Le pouvoir, temporel et spirituel, était donc aux mains d'un prince-évêque, dans une nation indépendante et neutre par rapport aux puissances avoisinantes. Cette neutralité faisait d'ailleurs la richesse du pays qui s'était fait une réputation et une prospérité dans la fabrication et la vente d'armes à tous les belligérants capables de les payer.
Cette pauvre femme s'appelait Jehenne, fille de Henry, Jehan Anseau de Spa.
La langue a été modernisée pour améliorer la compréhension du texte.

Le 23 août 1581, le châtelain de Franchimont, Robert de Linden, ordonna une enquête dans le bourg de Spa en présence des échevins Collin et Lambert. Cette enquête portait sur certaines personnes qui avaient la fâcheuse réputation d'être des sorciers ou des sorcières et par conséquent, on faisait appel à ceux qui les connaissaient, soit pour avoir vu certains indices qui permettaient de les condamner, soit pour en avoir entendu le récit.
Les témoins se présentèrent, le 3 février 1582, devant la cour de justice de Spa où fut jugée Jehenne.

Le premier témoin fut le curé de la localité, sire Léonard, qui déclara que l'inculpée avait la réputation d'être une maquerelle (sorcière) non seulement à Spa, mais également dans d'autres endroits. Ensuite, que plusieurs femmes enceintes lui avaient confié qu'elles en avaient peur et qu'un de ses paroissiens lui avait rapporté que naguère, passant la soirée dans sa propre maison avec quelques amis, tout d'un coup, par la cheminée, surgit un chat tout noir, il se glissa entre eux et la cuisine et sa présence causa un grand trouble dans l'assemblée. Elle n'était, de plus, guère pratiquante car, en trois ans, elle ne s'était rendue que quatre fois à la messe. Enfin, ceci était notoire, on avait brûlé comme sorciers sa grand-mère, son père, deux de ses sœurs et un de ses frères.

Le suivant, Mathieu, fils de Henry Mathi de Creppe, affirma, lui aussi, que la dite Jehenne avait la réputation d'être sorcière. Elle avait fait mourir un enfant dans des circonstances curieuses. S'étant rendue dans une maison (laquelle ?) et ayant mangé avec l'enfant en question, ce dernier était tombé malade et, peu après, avait décédé. Enfin, sa grand-mère, son père, un de ses oncles et deux de ses autres parents avaient étés exécutés comme sorciers.

Johan Bastin, échevin de Spa, outre la réputation de sorcière qu'il avait entendu dire, déclara que l'inculpée avait fait mourir un enfant à Maître Raymondy de Liège, un autre à Hubert le Daglier de Malmédy et un troisième à Henry Mathi de Creppe et, il a oui dire qu'un chat tout noir descendit un soir de la cheminée lors d'une réunion de plusieurs personne dans sa maison. Elle ne fréquentait guère l'église et sa conduite laissait beaucoup à désirer.

Leonard dit Courgar, de Spa, témoin juré, certifie que l'on a brûlé sa grand-mère, son père, un de ses oncles et deux de ses autres parents.

Antoine, fils de Collin Le Loup, de Spa, outres les accusations déjà portées, déclara qu'elle avait fait mourir quelques poules appartenant à un certain petit Simon et le frère de ce dernier, Johan, appelé à témoigner, confirma ce fait.

D'autres témoins vinrent redire et confirmer les mêmes accusations : réputation de sorcière, l'épisode du chat noir, la mort des enfants et des poules, les antécédents de la famille. Parmi ces témoins, Maclette, épouse de Johan Bastin, Lambert Counot,échevin, collin Le Loup, bourguemestre, Noel Thomas, échevin, etc.

Les charges étant " accablantes ", le 6 février, la cour de justice de Spa dépécha à Liège, un certain Noel Thomas, afin d'obtenir, de la part du prince-éveque, la " recharge " c'est-à-dire la confirmation des charges retenues.

Peu de temps plus tard, la cour composée de Collin Le Loup,bourguemestre et des échevins Lambert, Johan Simon, Noel et Johan Bastin condamnèrent appréhensible Jehenne, fille Henry Johan Anseau " …d'avoir commis et perpétré plusieurs délicts et crimes de sortilège. Icelle sera mise, liée et estranglée à une potence jusqu'à ce que la mort s'ensuive, et puis après, son corps réduit en cendres ; et icelle condamnée aux dépens de la poursuite, à la taxe et modération de ceste cour "

Ainsi en sera-t-il fait ! La sentence sera exécutée au sommet de la côte d'Oneux, devant une foule vociférante. Ses cendres seront dispersées au gré des vents.

Voici un décompte de frais d'un autre procès, similaire :

- item pour les gardes : 24 patars.
- item pour les dépens de bouche et pour les chandelles : 5 patars
- item pour les dépens de bouche de la dite exécutée pendant qu'elle a esté en prison : 6 patars
- item pour droits des gardeurs de nuit : 2 rixdallers
- item pour dépens de cheval du seigneur bourguemestre : 1 florin brabant
- item pour le charriage des bois et fagots : 15 patars
- item pour droits de cour : 17 florins brabant
- item au maître des œuvres : 14 florins
- item au haut sergent : 1 florin brabant
- item au clercq : 1 florin brabant
- item au messager qui à esté après le maître des œuvres à Rahier : 3 patars brabant
- à cela, il faut ajouter le vin consommé par tout ce petit monde le jour de l'exécution ainsi que les taxes qui se montent à 8 florins brabant

Comme on voit, même le picotin du cheval du bourguemestre Collin était payé par la suppliciée !
Ce que ce récit ne dit pa,s mais qu'on retrouve dans d'autres minutes de procès similaires, c'est que Jehenne a plus que probablement subi la torture et, de ce fait, a avoué ses "crimes". Elle s'en est d'ailleurs repentie, ce qui lui a valu le "privilège" d'être étranglée. Si elle avait avoué sans se repentir, elle aurait été brûlée vive !

Que retenir de ce procès ?

Une famille décimée par la haine de quelques notables. Une femme à la façon de vivre sûrement peu conforme avec la société de l'époque tuée par des ragots crées alimentés et propagés par ceux qui l'inculperont, témoigneront contre elle, la jugeront, la condamneront et, finalement, l'exécuteront.
Une église catholique qui donne sa bénédiction, quand elle n'est pas à l'origine de ces pratiques (n'oublions pas que Spa se trouve sur le territoire et donc sous l'autorité de la principauté épiscopale de Liège).

Jehenne est morte, il y a maintenant plus de 400 ans, du fait de la haine et de l'intolérance d'une société modelée par cette religion catholique romaine qui tente à l'heure actuelle de se refaire une virginité mais qui n'a pas renié ses principes. Elle n'a pas eu droit, jusqu'à présent, à une quelconque réhabilitation, et il en est de même pour les milliers d'autres, souvent des femmes (par nature diaboliques) sacrifiées sur l'autel du conformisme et de l'orthodoxie.

Jean Louis Piette

Sources : Histoire & Inquisition

 
Illustrations ¬
Attente de jugement Attente de jugement Interrogatoire Sorcières Bûcher
Scènes d'inquisition

 

 

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