LES
PRÊTRES PÉDOPHILES
Recopilation
d'articles de presse de diverses sources
Les
scandales de prêtres pédophiles accusés par
leurs victimes d'abus sexuels se suivent et ne se ressemblent pas.
De plus en plus fréquents, ils éclatent au grand jour.
Semaine après semaine, de nouveaux cas arrivent devant les
tribunaux, et ce n'est pas fini...
Les publications dans les quotidiens et sur internet ne sont que
la partie émergée de l'iceberg.
Mais non moins scandaleux est l'acharnement de l'Église pour
étouffer ces affaires, cacher et protéger ses ministres
déviants. La bête, n'arrivant plus à cacher
ses vices immondes, a choisi de les exhiber au grand jour en les
dénonçant elle-même. Instinct de survie?
>
Les directives secrètes du Vatican pour protéger les
prêtres pédophiles
Scandale
après scandale, l'Eglise catholique s'enfonce à chaque
fois un peu plus dans le mensonge et l'ignominie. Les affaires de
pédophilie ont révélé depuis quelques
années les travers d'une institution qui impose le célibat
et la chasteté à ses membres en vertu d'un ordre moral
castrateur. Début août 2003, la chaîne de télévision
états-unienne CBS a révélé l'existence
d'un rapport daté de 1962 destiné à protéger
les prêtres pédophiles. Rédigé par le
cardinal Alfredo Ottaviani, le document promettait l'excommunication
aux personnes qui dévoileraient ces affaires. La responsabilité
de ce rapport incombe aux plus hautes sphères du Vatican
comme il y a été conservé dans ses archives
et qu'il fut probablement approuvé par Jean XXIII.
La pédophilie des prêtres est qualifiée de "pire
des crimes" et on mesure mieux le sordide de leur existence
quand sont spécifiés avec précision les actes
à dissimuler : "l'agression sexuelle commise par un
prêtre" ainsi que "la tentative d'agression à
l'encontre de jeunes des deux sexes ou avec des animaux". Quelle
autorité morale accorder à cette institution quand
ses représentants en sont réduits à de telles
monstruosités ?
Le secret est imposé aussi bien au coupable comme à
la victime, l'un comme l'autre devant "promettre solennellement
d'observer sans faute le secret sous peine d'excommunication",
le silence étant tenu au nom du Saint Office. Ordre est intimé
aux évêques de mener leur enquête "avec
le plus grand secret" et "dans un silence perpétuel".
[...]
Le rapport a été utilisé jusqu'en 2002, date
à laquelle d'autres directives ont été données
par une Eglise catholique apparaissant de plus en plus comme une
mafia qui protège l'ignoble au détriment de la justice
et des centaines de victimes.
Mais l'affaire ne s'est pas limitée aux Etats Unis d'Amérique
en vertu de l'étendue planétaire des ingérences
papales. Quelques jours après la révélation
de CBS, les médias anglais se sont fait, eux aussi, l'écho
d'un scandale similaire au sein du royaume anglican. Le document
diffusé par le Vatican en 1962 avait, en fait, été
transmis à tous les evêques de la planète. Il
n'est donc pas douteux qu'une traduction française puisse
être exhumée d'un des multiples évêchés
de notre pays...
Jocelyn
Bézecourt
www.atheisme.org
>
Un prêtre accusé de pédophilie devant les assises
du Territoire de Belfort.
Par Le National
LURE,
Haute-Saône (AP) -- Le procès d'un prêtre de
47 ans, accusé d'atteintes sexuelles sur trois adolescents,
s'ouvre lundi devant la cour d'assises du Territoire de Belfort,
qui siège à Lure en Haute-Saône sous la présidence
de Marie-Agnès Crédoz.
En
détention provisoire depuis 27 mois, André Montrichard,
qui avait été aumonier des collèges et lycées
de Belfort puis curé de la paroisse, comparaît pour
''tentatives de viols sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité
et atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans par la même personne''.
Sa défense est assurée par Me Alain Dreyfus-Schmidt.
Le
prêtre est soupçonné de s'être livré
à des actes pédophiles sur des adolescents entre 1989
et son arrestation en juin 1998. C'est un médecin qui avait
alerté la justice après avoir découvert des
traces de sévices sur l'un des jeunes garçons. Par
la suite, plusieurs victimes présumées du prêtre
se sont fait connaître de la justice.
Pour trois d'entre elles, des garçons âgés de
12 et 15 ans au moment des faits, il y a prescription de l'action
publique. Le prêtre comparaît donc pour des gestes commis
sur trois autres garçons, âgés de 12 et 13 ans
au début des agressions, qui se sont déroulées
sur plusieurs années. André Montrichard aurait profité
des dissensions entre ces adolescents et leurs parents pour les
attirer chez lui ou dans sa chambre lors de camps de vacances.
La première victime, âgée aujourd'hui de 22
ans, a subi les faits lors d'un camp de vacances en 1991 alors qu'elle
avait 13 ans. Le jeune homme souffre depuis de graves problèmes
psychiques avec l'émergence d'une tendance pédophile.
Le second, âgé de 17 ans, et abusé au cours
de cathéchisme en 1995 alors qu'il avait 12 ans, présente
des tendances suicidaires. Seul le dernier, âgé de
19 ans, semble avoir réussi à préserver son
équilibre mental; les faits ont été commis
alors qu'il avait 13 ans, le prêtre était un ami de
la famille.
Le prêtre ne souffre pas de troubles mentaux, selon les experts
qui ont préconisé une thérapeutique chimique.
>
L'Abbé Bissey
Au
premier jour du procès de l'évêque de Bayeux
pour "non-dénonciation d'atteintes sexuelles sur mineur
de quinze ans", le tribunal est revenu sur l'attitude de l'écclésiastique
et de son bras droit, après que la mère d'une victime
les eut avertis des "actes de pédophilie" commis
par l'abbé Bissey.
C'est la première fois qu'un évêque comparaît
pour de tels faits. Le procès de Mgr Pican, accusé
de "non-dénonciation" des actes de pédophilie
de l'abbé Bissey, s'est ouvert, jeudi 14 juin, devant le
tribunal correctionnel de Caen (Calvados). Pour répondre
à une question de Me Jean Chevais, avocat des parties civiles,
qui cherchait à savoir si aujourd'hui encore l'évêque
se bornerait à ne pas dénoncer l'un de ses prêtres
accusé de pédophilie, l'ecclésiastique a répondu
: "Ma conscience ayant joué dans l'option ultime de
mon choix personnel : non." Et d'ajouter plus tard qu'aujourd'hui,
face à un tel cas, "(il) le (conduirait) à se
dénoncer". "Je m'investirai plus personnellement
que par délégation", a assuré Mgr Pican.
Le prévenu s'est dit "écrasé par le volume
des confidences qui lui sont faites" mais reste néanmoins
fier de ce que tous "peuvent s'adresser à (lui) comme
à quelqu'un qui n'a pas dénoncé".
Premier à témoigner, Michel Morcel, vicaire général
et donc bras droit de Mgr Pican au moment des faits, est celui à
qui la mère d'une victime était venue, en décembre
1996, révéler les agressions sexuelles commises sur
son fils par le Père René Bissey quelques années
auparavant. Il a reconnu avoir transmis à son évêque
toutes les informations, mais il est devenu très évasif
quand il lui a été demandé de détailler
ces informations.
Les deux ecclésiastiques ont reconnu que les termes d'"actes
de pédophilie" avaient bien été employés.
"J'ai été convaincu de la réalité
des faits rapportés par le Père Morcel, a affirmé
Mgr Pican, compte tenu de la nature spirituelle des relations que
le vicaire entretenait avec la mère" de cette victime
"Pour moi, il s'agissait d'attouchements", a cependant
affirmé Mgr Pican, qui a plaidé "une erreur d'appréciation"
de la gravité des actes. L'ecclésiastique a assuré
avoir découvert ceux-ci comme une "révélation"
lors du procès de l'abbé en octobre dernier. Un procès
en assises à l'issue duquel le prêtre avait été
condamné à dix-huit ans de réclusion pour viol
et atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans.
"ASSURER LA PROXIMITÉ" AVEC L'ABBÉ BISSEY
Selon leurs dires, ni l'un ni l'autre n'ont cherché
à en savoir plus sur la nature des agressions commises par
le prêtre ni alors ni plus tard, lorsque le Père Bissey
a reconnu devant le vicaire général avoir agressé
d'autres jeunes garçons."Nous étions dans une
situation très délicate par rapport à l'état
de santé de René Bissey, qui était très
dépressif", a plaidé M. Morcel. Soumis au feu
roulant de questions du président du tribunal, Emile Hector,
et d'un des avocats des parties civiles, Me Jean Chevais, Michel
Morcel a reconnu n'avoir jamais douté de la véracité
des faits rapportés par Mme X... Interrogés également
sur les mesures conservatoires prises pour empêcher le prêtre
de récidiver, les deux responsables catholiques ont répondu
qu'ils pensaient que les faits étaient anciens. Mgr Pierre
Pican, toujours par l'intermédiaire de son vicaire général,
aurait conseillé à René Bissey de suivre une
psychothérapie, mais celle-ci n'a commencé qu'en avril
1997, soit quatre mois après la démarche de Mme X...
"C'est le manque d'investigations autour des autres victimes
qui a manqué à notre vigilance", a déclaré
l'évêque.
Au président qui s'étonnait que l'abbé Bissey
soit resté au contact d'enfants après ses aveux, il
a répondu qu'il avait été "attentif au
suivi de l'action par (son) vicaire général".
Concernant le manque d'intérêt pour les victimes, Michel
Morcel a déclaré : "Je devais continuer à
assurer la proximité avec cet homme." L'évêque
lui aurait seulement demandé "d'être présent,
proche de cet homme pour qu'il prenne conscience de la responsabilité
de ses actes".
Mgr Pierre Pican, 66 ans, déjà entendu lors du procès
de l'abbé Bissey, risque jusqu'à trois ans d'emprisonnement
et 300 000 francs d'amende.
LEMONDE.FR | 14.06.01 | 19h44, Avec AFP et Reuters
>
Première condamnation d'un évêque depuis la
Révolution
04
septembre 200
CAEN
(AFP) - Mgr Pierre Pican, condamné mardi à trois mois
de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les
actes pédophiles de l'abbé Bissey, est le premier
évêque dans ce cas, un jugement qui devrait faire jurisprudence
en matière de non-dénonciation dans le cadre du secret
professionnel.
Mgr Pican, 67 ans, est le premier évêque de France
à être condamné par la justice depuis la Révolution
française. Un jugement que l'évêque de Bayeux-Lisieux
a accueilli sans un mot avant de quitter le tribunal, sans faire
de commentaire.
"J'espère que cette condamnation sera l'occasion pour
l'Eglise d'une prise de conscience pour ne plus couvrir ce type
de faits, de délits et de crimes", a noté mardi
à l'issue du jugement Me Jean Chevais, avocat de familles
de victimes.
Du côté des parties civiles, cette nouvelle n'a pas
soulevé l'enthousiasme mais plutôt un soulagement à
l'issue de trois années de combat contre le silence de l'Eglise.
Trois années déjà marquées par la condamnation
en octobre 2000 de l'abbé René Bissey à 18
ans de réclusion pour viol et atteintes sexuelles sur mineurs
de 15 ans entre 1987 et 1996.
"Il faut qu'aujourd'hui la loi canonique suive la loi républicaine",
a déclaré Daniel Rebillard, le père de Yann,
la victime principale, en sortant de l'audience.
"La protection des enfants passe avant tout et passe surtout
avant la défense de l'image de l'Eglise. Je dis l'Eglise,
ça pourrait être n'importe quelle institution, le combat
aurait été le même", a noté Me Chevais.
Selon l'avocat "le secret professionnel va évoluer,
en tous cas c'est une décision qui va faire jurisprudence".
Une jurisprudence qui devrait s'appliquer à tout responsable
d'institution, quelle qu'elle soit, soumis au secret professionnel.
"Il y a une remise en cause évidente et il y a une réduction
du champ du secret professionnel", a commenté Me Thierry
Massis, avocat de Mgr Pican, qui considère que "le contexte
d'aujourd'hui sur les questions de la pédophilie a sûrement
joué un rôle dans l'évaluation de la question
du secret".
Un secret professionnel qui était en effet au coeur des débats
lors du procès de Pierre Pican les 14 et 15 juin. Mais le
tribunal correctionnel de Caen dans ses motivations a été
clair: il n'y avait pas eu confession ni confidence à proprement
parler entre l'abbé Bissey et Mgr Pican, René Bissey
s'étant entretenu avec l'évêque à le
demande de ce dernier.
De plus, le tribunal a considéré que Mgr Pican s'était
délibérément abstenu de dénoncer son
abbé, le protégeant lui plutôt que les enfants.
Lors de l'énoncé du jugement, l'évêque
de Bayeux-Lisieux a également été condamné
à verser 1 franc symbolique de dommages et intérêts
à chacune des quatre parties civiles, une somme conforme
à ce qu'elles avaient réclamé.
L'évêque bénéficie d'une période
huit jours pour faire appel.
A Paris, le père Stanislas Lalanne, porte-parole de la conférence
des évêques de France, a pris "acte avec regret"
de la condamnation de Mgr Pican, "même si la peine infligée
est moins importante que celle qu'avait réclamée le
procureur de la République"
>
L'Eglise et la justice s'opposent sur la question du secret dans
une affaire de viol *
Un
religieux appartenant à la congrégation des frères
de Saint-Jean a été mis en examen pour "viols
par personne ayant autorité" par le juge d'instruction
du tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine), Thierry
Bellancourt. Cette affaire, révélée par Le
Parisien du 5 octobre (2001), pose à nouveau la question
du secret professionnel reconnu aux ministres des cultes. Selon
les premiers éléments de l'information judiciaire
ouverte le 27 juillet (2001), le religieux aurait abusé d'une
jeune fille domiciliée à Boulogne-Billancourt, mineure
au moment où les faits ont commencé. Le suspect a
été placé sous contrôle judiciaire.
Au cours de ses recherches, la police judiciaire des Hauts-de-Seine
a découvert qu'une enquête préliminaire avait
été ouverte auprès du tribunal ecclésiastique
(ou officialité) de Lyon, à la demande de l'évêque
d'Autun (Saône-et-Loire), Mgr Raymond Séguy. Celui-ci
est en effet l'évêque responsable de la congrégation
des frères de Saint-Jean, fondée en 1975 par le Père
Marie-Dominique Philippe. Cette enquête a été
confiée au Père Jacques Braux, vice-official (juge
ecclésiastique) du tribunal de Lyon, dont dépend le
diocèse d'Autun.
Le juge d'instruction de Nanterre a demandé au Père
Braux la communication des pièces en sa possession. Celui-ci
a refusé, invoquant le secret professionnel des ministres
des cultes. Passant outre, le juge a délivré une commission
rogatoire à la police judiciaire, qui a effectué,
le 6 août, une perquisition dans les locaux de l'officialité.
Selon le Père Maurice Bouvier, official de Lyon, les policiers
ont saisi "une quantité importante de documents et de
dossiers informatiques, relatifs notamment à des procédures
canoniques qui n'ont aucun rapport avec l'enquête canonique
portant sur un prêtre de la congrégation de Saint-Jean".
En particulier, les services de police auraient emporté des
dossiers concernant des demandes de nullité de mariage, "touchant
au plus intime de la vie des personnes", insiste le juge ecclésiastique.
Plusieurs couples auraient déjà écrit à
l'archevêché de Lyon, craignant que leurs problèmes
conjugaux ne soient divulgués sur la place publique. Parmi
les documents saisis se trouveraient également des échanges
de correspondance entre l'officialité de Lyon et le Saint-Siège.
Leur saisie pourrait être assimilée à un vol
de courrier diplomatique.
ENQUÊTE D'UN TRIBUNAL ECCLÉSIASTIQUE
Pour le Père Bouvier, la démarche du juge d'instruction
de Nanterre constitue "une violation particulièrement
grave du secret professionnel protégé par les lois
de la République". L'officialité interdiocésaine
de Lyon a donc adressé au juge Bellancourt, il y a deux semaines,
une demande de restitution des pièces saisies et d'annulation
de la procédure.
Au parquet de Nanterre, on reconnaît que la situation est
"inédite". Pour les spécialistes en droit
canonique, il ne fait aucun doute que les enquêtes des tribunaux
ecclésiastiques sont couvertes par le secret professionnel.
"Une des fonctions de l'évêque est de rendre la
justice à l'intérieur de son église. Par conséquent,
la juridiction ecclésiastique fait partie de l'exercice du
culte et doit être protégée comme telle par
le secret professionnel", affirme le Père Jean-Paul
Durand, doyen de la faculté de droit canonique de Paris.
Sur ce point, l'Eglise catholique s'appuie sur un arrêt de
la Cour de cassation du 29 mars 1989, rendu dans une affaire concernant
l'officialité du diocèse de Nouméa (Nouvelle-Calédonie).
La haute juridiction avait rappelé que "nul ne peut
être contraint à produire en justice des documents
dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et touchant
à l'intimité de la vie privée des personnes".
Dans un communiqué du 5 octobre (2001), l'officialité
de Lyon précise qu'elle "entend bien participer, dans
la mesure de ses moyens, au travail de la justice". Mais elle
se refuse à "trahir la confiance qui lui est accordée
par les croyants". Déjà, dans le procès
pour "non-dénonciation d'atteintes sexuelles sur mineur
de quinze ans" contre Mgr Pierre Pican, évêque
de Bayeux (Calvados), en juin, l'enjeu était la question
de la "confidence".
* Xavier Ternisien, Le Monde, 09 octobre 2001, p. 22, lemonde.fr
| 08.10.01 | 17h15
>
Monseigneur Pican invite les victimes de l'abbé Bissey au
pardon
Non
seulement l'évèque de Bayeux et Lisuex, Mgr Pican,
condamné en septembre (2001) à trois mois de prison
avec sursis pour non-dénonciation d'atteinte sexuelle sur
mineurs, ne fait pas amende honorable, mais il demande aux victimes
des actes pédophiles de l'abbé René Bissey
"un moment de pardon".
Invité lundi 24 décembre (2001) sur France Bleu Basse
Normandie, le prélat les a interpellées en c sens
: "Aux victimes du père BIssey ; j'oserai dire : qu'elles
aient la patience [...] de profiter de toutes les occasions pour
qu'un moment de pardon, peut-être, puisse être formulé
dans l'intime de leur coeur en direction de l'auteur", a-t-il
déclaré,
Mgr Pican a toutefois nuancé ses propos en reconnaissant
que ce pardon ne pourrait probablement pas intervenir 'avant des
années".
Interrogé sur sa condamnation, le prélat a déclaré
:"J'ai eu le sentiment, qui demeure un peu, des immenses limites
de la justice humaine". Et il a ajouté, pour que l'on
comprenne bien :"Je ne suis pas de près ou de loin,
impliqué dans cette affaire. Je le suis en qualité
de responsable."
Libération, 26 décembre 2001, p. 12
>
Pédophilie: L'Église canadienne se soustrait aux directives
de Rome
Jeanne
Corriveau, Stéphane Baillargeon, Le Devoir Edition Internet,
10 janvier 2002.
L'Église
catholique canadienne n'entend pas faire traiter les cas de pédophilie
chez ses prêtres par les tribunaux ecclésiastiques,
allant ainsi à l'encontre des directives adressées
en novembre dernier par le Vatican à tous les évêques
catholiques. Elle laissera plutôt aux tribunaux civils le
soin de juger les responsables d'agressions sexuelles, estimant
ces juridictions plus aptes à examiner ce type de cause.
Les scandales de moeurs qui ont éclaboussé l'Église
catholique au cours des dernières années ont forcé
le Vatican à édicter une procédure visant à
trancher les cas d'agressions sexuelles et de pédophilie
dans les rangs de ses prêtres. Une lettre envoyée en
novembre à tous les évêques catholiques du monde,
dont le contenu n'avait jusqu'alors pas été ébruité,
détaille les procédures à suivre: les clercs
fautifs seront soumis à un procès ouvert, soit devant
un tribunal ecclésiastique local, soit devant la congrégation
vaticane. Ces procédures exemptent donc les évêques
d'aviser les autorités judiciaires des cas soumis à
leur attention.
Rome exercera ainsi une forme de contrôle sur le problème
qui a maintes fois entaché l'image de l'Église catholique.
Publiée mardi dans l'Acta Apostolicæ Sedis, la publication
officielle du Vatican, la lettre envoyée aux évêques
avait été validée par un document Motu Proprio
signé par le pape Jean-Paul II.
Au Canada toutefois, pas question de se plier à cette directive,
indique Mgr Peter Schonenbach, secrétaire général
de la Conférence des évêques catholiques du
Canada. Lors d'un voyage à Rome en novembre dernier, le président
de cette conférence, Mgr Jacques Berthelet, et Mgr Schonenbach
avaient d'ailleurs fait savoir au cardinal Joseph Ratzinger, l'auteur
de la directive, que ces procédures ne pourraient pas être
appliquées au Canada. "Nous avons déjà
une longue histoire de protocole dans chaque diocèse pour
que les évêques sachent comment gérer ce genre
de problème. Quand il y a soupçon d'activité
criminelle, nous travaillons tout de suite de concert avec les autorités
compétentes de justice. Et ça, nous ne pouvons y déroger",
explique Mgr Schonenbach. Mgr Ratzinger s'est d'ailleurs rendu à
leurs arguments, reconnaissant que la qualité du système
de justice canadien le permet.
Le recours à un tribunal ecclésiastique pourrait survenir
dans le cas d'un évêque appelé à statuer
sur le traitement à accorder à un prêtre ayant
déjà purgé une peine de prison à la
suite d'une condamnation, suggère Mgr Schonenbach. Il rappelle
que les tribunaux ecclésiastiques s'apparentent aux tribunaux
professionnels des médecins et des avocats et qu'ils peuvent
traiter les causes de délits commis contre l'eucharistie
et le sacrement de pénitence. Mais selon lui, ils demeurent
inadéquats pour les causes d'agressions sexuelles commises
à l'endroit de mineurs.
La politique de justice en vase clos du Vatican étonne l'avocate
criminaliste Sophie Bourque: "Par contre, la position de l'Église
catholique canadienne est conforme à la position de transparence
qui prévaut dans la société à l'heure
actuelle, où on demande de plus en plus de transparence de
nos institutions. Mais il faut dire qu'on a eu notre lot d'incidents,
avec les cas de l'orphelinat de Terre-Neuve, d'Hubert O'Connor en
Colombie-Britannique et des autochtones dans les orphelinats, un
dossier qui n'est d'ailleurs pas réglé. L'Église
canadienne a été sur la sellette et obligée
de prendre position avant d'autres Églises."
Selon l'avocate, la décision d'intenter des poursuites criminelles
contre un agresseur devrait appartenir à la victime et non
à l'Église. Le droit criminel canadien n'oblige pas
un individu à dénoncer un crime à la police,
rappelle-t-elle. La Loi sur la protection de la jeunesse au Québec
prévoit toutefois que toute personne ayant connaissance d'un
cas d'agression sexuelle commise sur la personne d'un mineur doit
le signaler à la Direction de la protection de la jeunesse.
Le père Francis G. Morrisey, professeur à la faculté
de droit canonique de l'Université Saint-Paul, juge favorablement
les nouvelles directives du Vatican. "Je crois que la décision
du Saint-Siège montre une volonté de prendre très
au sérieux les cas de pédophilie. D'ailleurs, cette
décision n'empêchera pas la poursuite des responsables
en vertu du droit civil. [...] En même temps, cette décision
témoigne d'une volonté de centralisation additionnelle
de la part du Vatican, ce qui constitue un élément
négatif."
Il faut situer les directives portant sur la pédophilie dans
l'ensemble des nouvelles dispositions annoncées en latin
dans le dernier annuaire Acta Apostolicæ Sedis (Actes du Siège
apostolique), faisant le point sur l'activité de la Curie
romaine en 2001. Selon le nouveau Code de droit canonique promulgué
sous l'autorité de Jean-Paul II en 1983, certaines offenses
devaient dorénavant s'ajouter à la liste dont le traitement
est réservé au Vatican, soit, en fait, à la
Congrégation pour la doctrine de la foi, héritière
contemporaine de l'Inquisition. "Mais on ne savait pas quelles
offenses précisément", a expliqué le professeur
Morrisey, joint hier à Ottawa. "Les anciennes normes
de 1962 restaient en vigueur jusqu'au 11 novembre 2001. Maintenant,
on sait qu'une dizaine de situations, dont celles ayant trait à
la pédophilie, devront être référées
obligatoirement à la Congrégation pour la doctrine
de la foi."
Ces offenses se regroupent sous trois types de délits: ceux
contre l'eucharistie (par exemple, "jeter les saintes espèces"),
ceux ayant trait aux sacrements de pénitence (par exemple,
la violation du secret de confession), les fautes contre la morale
en fonction du sixième commandement du Décalogue ("luxurieux
point ne sera de corps ni de consentement"), dont, justement,
les relations sexuelles avec des mineurs.
Jusqu'au 11 novembre dernier (2001), l'évêque pouvait
donc lui-même intenter des poursuites pour ce genre de faute
en vertu du droit canonique. Dorénavant, il doit obligatoirement
référer la cause au Saint-Siège. D'ailleurs,
selon le professeur Morrisey, certains évêques ne sont
tout simplement pas "équipés" pour mener
de tels procès, qui nécessitent des enquêtes
préliminaires et un jugement en bonne et due forme. "Mais
si nous avons le document du pape accordant l'autorité à
la Congrégation et la liste des offenses, nous ne connaissons
pas la liste des procédures à suivre", a ajouté
le professeur de droit, qui juge cette situation regrettable. "C'est
toujours un secret et c'est très embêtant. On ne sait
toujours pas comment seront menés les procès canoniques."
Les situations nationales varient. Certains pays en Amérique
latine et en Europe (dont l'Espagne et l'Italie) ont signé
un concordat avec le Vatican stipulant qu'une décision ecclésiastique
a un effet civil, par exemple dans les cas de divorce. Ce n'est
pas le cas aux États-Unis et au Canada, où le droit
de l'État conserve sa préséance sur l'Église.
>
Pédophilie : des instructions difficiles
Les
informations judiciaires relatives à des viols ou des atteintes
sexuelles sur des enfants, sont des affaires extrêmement difficiles
à instruire, pour lesquelles la justice souffre d'un manque
de moyens criant.
Selon le ministère de la Justice, le nombre de condamnations
pour crimes sexuels (viols) concernant des mineurs est passé
de 331 en 1990 à 599 en 2000, tandis que les condamnations
pour délits sexuels passaient dans le même temps de
1.861 à 4.425. " Ces dossiers sont, la plupart du temps,
de véritables casse-tête chinois. Les accusations portées
sont très graves et les éléments de preuves
extrêmement difficiles à rassembler ", reconnaît
Me Costantino, avocat de l'association Enfance et Partage.
L'administration de la preuve est au cur de cette difficulté,
dans des affaires qui se résument souvent à la parole
de la victime, parfois difficile à décrypter ou analyser,
contre celle de l'accusé. " Il existe une opposition
entre, d'un côté, une logique de souffrance, de passion,
de conviction, et de l'autre une logique judiciaire dans laquelle
le travail central reste d'établir des infractions et de
rassembler des éléments de preuve ", explique
Yvon Tallec, de la section des mineurs au parquet de Paris.
Si, dans les affaires de viols, les expertises médicales
permettent parfois d'établir clairement les faits, parvenir
à des certitudes juridiques est plus difficile dans les instructions
portant sur les attouchements sexuels, qui relèvent du tribunal
correctionnel.
La Nouvelle République du Centre Ouest - 18.01.2002
>
L'Eglise
catholique américaine face aux abus sexuels des prêtres
Elle
vit sa plus grave crise depuis un siècle
En pleine semaine de Pâques, deux des trois principaux hebdomadaires
américains, US News et Time, se demandent si l'Eglise peut
"sauver son âme" ou "se sauver elle-même".
Le troisième, Newsweek, avait déjà consacré
sa couverture, il y a un mois, au scandale des prêtres pédophiles,
sous le titre : "Le sexe, la honte et l'Eglise catholique".
Le sujet ne quitte pratiquement pas la première page des
quotidiens.
Les révélations sur les agressions sexuelles commises
par des prêtres et, plus encore, la mise au jour des efforts
de la hiérarchie pour étouffer ces affaires, en proposant
aux victimes de se taire en échange d'énormes indemnisations,
provoquent un malaise dans les rangs catholiques et une avalanche
de condamnations de la part des non-catholiques.
Cette crise, la plus grave qu'ait connue l'Eglise américaine
depuis un siècle, est née de la découverte
qu'un ancien prêtre du Massachusetts, John Geoghan, aujourd'hui
condamné à dix ans de prison pour avoir abusé
d'un enfant, avait fait en réalité 130 victimes au
cours d'une longue carrière qui l'avait mené de paroisse
en paroisse, l'archevêché de Boston se contentant de
le muter à chaque nouvel incident. Le cardinal Bernard Law,
archevêque depuis 1984, est désigné comme complice
dans certaines plaintes de victimes, et un prêtre de Boston
a demandé sa démission.
LA QUESTION DU CÉLIBAT
Un deuxième cardinal, l'archevêque de New York,
Edward Egan, est mis en cause car lui aussi, quand il était
évêque de Bridgeport, dans le Connecticut, préférait
muter les prêtres accusés d'agressions sexuelles plutôt
que de les dénoncer ou de les suspendre. Le diocèse
de Bridgeport a dû payer, en 2001, entre 12 millions et 15
millions de dollars aux victimes de six ecclésiastiques.
L'archevêque de Washington, le cardinal Theodore McCarrick,
n'a pas hésité, lui, quand le curé de Saint-Augustin,
la plus ancienne paroisse noire de la capitale américaine,
a été accusé par deux femmes d'avoir abusé
d'elles il y a vingt ans. Le Père Russell Dillard, bien qu'ami
personnel du cardinal, a été suspendu, le 21 mars,
sans même être autorisé à s'expliquer
devant ses paroissiens.
Son cas montre, d'ailleurs, l'impropriété du mot de
pédophilie pour rassembler ces affaires car, le plus souvent,
les personnes agressées sont des adolescents ou, s'agissant
du Père Dillard, des adolescentes ; les pédophiles,
au sens strict, semblent peu nombreux. Cependant, la blessure causée
par l'agression est liée au statut de l'agresseur autant
qu'à l'âge de la victime. "Qu'un prêtre
s'en prenne à vous sexuellement, c'est comme si la loi de
la gravitation universelle cessait de s'appliquer", dit David
Clohessy, un consultant politique de Saint-Louis, dans le Missouri,
qui a créé un site Internet pour les "survivants"
(www.survivorsnetwork.org).
Quinze ans après les affaires révélées
au milieu des années 1980, il est clair que la hiérarchie
de l'Eglise américaine n'a pas pris les mesures qui s'imposaient.
"Ce qui l'a emporté, c'est ce que nous appelons la culture
du clin d'il approbateur", n'hésite pas à
déclarer Scott Appleby, professeur d'histoire du catholicisme
américain à l'université catholique Notre-Dame,
dans l'Indiana. "Je ne dis pas, ajoute-t-il, que les évêques
sont portés à l'indulgence envers les pédophiles
ou envers les prêtres ayant des relations sexuelles avec des
mineurs, mais il y a un climat général d'impunité
pour ceux qui ne respectent pas le vu de chasteté."L'explication
de ce climat réside sans doute, en partie au moins, dans
la baisse du recrutement des prêtres. Aussi la question du
célibat est-elle de nouveau posée, non parce qu'il
serait la cause de comportements déviants ou agressifs, mais
parce qu'il détournerait de la prêtrise de nombreux
jeunes gens désireux de vivre pleinement leur vie selon les
normes d'aujourd'hui ou bien redoutant de ne pouvoir assumer le
sacrifice de leur sexualité.
Les propos de Jean Paul II dans sa lettre aux prêtres pour
le Jeudi saint, rendue publique le 21 mars, ont été
ressentis par beaucoup comme allusifs et plus soucieux du tort causé
à l'Eglise que des souffrances endurées par les victimes.
Le pape ayant parlé du "mystère du mal"
auquel ont succombé les coupables, la journaliste Maureen
Dowd commentait, cinglante, dans le New York Times : "Il n'y
a rien de mystérieux dans la pédophilie. C'est un
crime."
Comme le dit un prêtre, on ne peut pas imaginer de principes
de vie plus à contre-courant de la société
américaine que les vux de pauvreté, de chasteté
et d'obéissance. En outre, l'anticatholicisme ne dort jamais
tout à fait dans un pays où il fut aussi virulent
et souvent plus violent que l'antisémitisme. En même
temps, souligne M. Appleby, l'Eglise catholique est aux Etats-Unis,
en dehors de la puissance publique, l'organisation qui entretient
le plus grand nombre d'écoles et d'hôpitaux, ce qui
lui vaut un large respect. Encore faut-il qu'elle en soit digne.
Patrick Jarreau, LE MONDE | 27.03.02 | 16h10
>
Plus de 60 millions de catholiques
Le
nombre de catholiques a doublé, aux Etats-Unis, en cinquante
ans, passant d'un peu moins de 30 millions en 1950 à 63,7
millions aujourd'hui, selon les évaluations universitaires.
Minoritaire dans un pays de 280 millions d'habitants, le catholicisme
n'en est pas moins la confession la plus nombreuse. Les autres religions
chrétiennes réunissent 94 millions de membres, divisés
en 220 dénominations ; le groupe le plus vaste est celui
des églises baptistes, également en augmentation et
qui comptent 36 millions de fidèles. La progression du catholicisme
s'explique, notamment, par l'immigration latino-américaine,
qui fait de Los Angeles une ville catholique aussi importante que
New York.
Si le nombre des croyants augmente, celui des prêtres et,
plus encore, des religieuses catholiques ne cesse de diminuer. On
compte 46 000 prêtres dans les 194 diocèses, dont beaucoup
de paroisses n'ont qu'un seul desservant. Les religieuses, qui étaient
180 000 dans les années 1960, sont aujourd'hui moins de 80
000.
>
Un désaveu pour le clergé
Sans
qu'aucun chiffre précis puisse être avancé,
le nombre de prêtres accusés d'agressions sexuelles
sur des mineurs serait d'environ deux mille, les faits s'étant
produits au cours des trente dernières années. De
nombreuses plaintes ont été déposées
après les révélations retentissantes du mois
de février concernant un ancien prêtre du Massachusetts.
Certaines évaluations situent autour de 1 milliard de dollars
le montant total des indemnisations que les diocèses pourraient
devoir verser aux victimes et, parfois, à leurs familles.
Les catholiques sont extrêmement critiques quant au comportement
de la hiérarchie face aux délinquants sexuels. Une
étude menée de l'institut de sondages Zogby International
montre que 75 % des Américains se disant catholiques ont
un jugement négatif, exprimé aussi par 56 % de ceux
qui vont à la messe chaque jour. Globalement, la confiance
des catholiques dans leur clergé est tombée de 84
%, en octobre 2001, à 68 % aujourd'hui. A Boston, où
de nombreux fidèles demandent la démission du cardinal
Bernard Law, une "contre-messe" du Vendredi saint doit
être organisée, en signe de protestation, à
l'extérieur de la cathédrale.
>
L'Eglise catholique irlandaise gravement atteinte par un scandale
de pédophilie
Trois
mille témoignages de sévices
L'Eglise
catholique irlandaise est rattrapée par son passé.
Le premier scandale public suscité par les révélations
d'abus sexuels commis sur des enfants par des membres du clergé
irlandais remonte à 1994. Depuis, des centaines d'adultes
ont fait connaître les sévices sexuels, voire les viols
dont ils avaient été victimes, dans des institutions
gérées par l'Eglise : collèges, orphelinats,
centres d'apprentissage, maisons de redressement, hôpitaux.
Plus de 3 000 personnes ont proposé de témoigner des
abus qui leur ont été infligés. En janvier
dernier, l'Eglise et l'Etat se sont entendus pour les indemniser
- en échange d'un abandon de leurs poursuites judiciaires
- pour une somme qui pourrait s'élever à 500 millions
d'euros, dont un quart sera versé par les congrégations
religieuses. Ces violences et ces crimes ont, pour la plupart, cessé
à la fin des années 1970.
PLAINTES SANS SUITE
Mais des sévices ont continué, ternissant gravement
l'image de l'Eglise, à mesure qu'ils étaient rendus
publics. Ils étaient le fait de prêtres ou d'enseignants
d'écoles catholiques, parmi lesquels plusieurs ont été
jugés et emprisonnés. Le cas le plus connu est celui
du Père Sean Fortune, qui s'est suicidé en 1999 après
avoir été inculpé d'abus sexuels sur 66 enfants.
C'est à son propos que ce dossier, si embarrassant pour l'Eglise
et, à un moindre degré, pour le gouvernement de centre
droit, qui est proche d'elle, défraie à nouveau la
chronique, après la diffusion par la BBC le 19 mars - puis
par la télévision irlandaise le 2 avril - d'un documentaire
accusant le Père Fortune d'avoir poussé au suicide
quatre jeunes garçons et mettant en cause Mgr Brendan Comiskey,
évêque de Ferns (sud-est de l'Irlande) pour n'avoir
donné aucune suite aux plaintes formulées contre le
prêtre dès les années 1980.
L'évêque, âgé de 66 ans, a été
contraint de démissionner le 1er avril. Il a remis en personne
sa démission au pape qui l'a acceptée samedi 6 avril.
Dimanche, le cardinal Desmond Connel a reconnu à Dublin le
"terrible mal" fait à des enfants par "certains
de ceux qui étaient nos frères". Il a présenté
les excuses de l'Eglise aux victimes, lors d'une messe de commémoration
du bicentenaire de l'ordre des Frères chrétiens. Cet
ordre, pilier du système éducatif irlandais depuis
deux siècles et présent dans une vingtaine de pays,
est l'un de ceux dont la réputation a été flétrie
par des actes pédophiles commis en son sein.
Le gouvernement a chargé le juge George Birmingham, l'un
des plus respectés du pays, d'enquêter sur les actes
pédophiles dont sont accusés plusieurs prêtres.
Les victimes demandent que toute la lumière soit faite, rien
de plus mais rien de moins. "Je continue de croire en Dieu,
mais je ne crois plus du tout dans les institutions de l'Eglise",
déclarait au quotidien Irish Times, Marie Collins, une quinquagénaire
qui habite Dublin. Un prêtre a abusé d'elle lorsqu'elle
avait 13 ans.
Jean-Pierre Langellier, Le Monde, 9 avril 2002, p. 6, LE MONDE |
08.04.02 | 15h23
>
Jean-Paul II : la pédophilie, " péché
effroyable "
"CES
ABUS sont immoraux à tous points de vue et la société
les considère à juste titre comme un crime ; c'est
aussi un péché effroyable aux yeux de Dieu "
: c'est en ces termes que, pour la première fois hier, Jean-Paul
II s'est exprimé sur la grave crise que traverse l'église
catholique aux Etats-Unis en raison des actes pédophiles
commis par des prêtres.
Dans un discours adressé aux treize cardinaux américains
réunis au Vatican jusqu'à ce soir, le pape qui s'est
déclaré " profondément peiné ",
a affirmé que " les gens ont besoin de savoir qu'il
n'y a pas de place dans le clergé (...) pour ceux qui veulent
faire du mal à la jeunesse ".
Exprimant sa " solidarité aux victimes de violences
sexuelles et à leur famille où qu'elles soient ",
le souverain pontife a invité les fidèles à
ne pas oublier " l'immense bonté spirituelle et sociale
" d'une vaste majorité des prêtres américains.
" Une grande oeuvre d'art peut être imparfaite mais sa
beauté demeure ", a estimé le souverain pontife.
Ces deux jours de confrontation pourraient permettre de définir
la façon dont l'Eglise américaine sanctionnera les
prêtres pédophiles et sa position quant à la
remise d'éventuels coupables aux autorités judiciaires.
Le Code de droit canon prévoit des punitions pouvant aller
jusqu'à l'interdiction d'exercer le ministère.
Quant au président de la conférence épiscopale
américaine, Mgr Wilton Daniel Gregory, il a déclaré
hier qu'au sein de l'église catholique aux Etats-Unis, "
la lutte continue pour s'assurer que les séminaires et la
prêtrise ne sont pas dominés par des hommes homosexuels
". En janvier dernier, le Vatican avait autorisé les
recteurs des séminaires à recourir à des psychologues
pour déterminer la personnalité d'un candidat au sacerdoce.
Philippe Baverel, Le Parisien, mercredi 24 avril 2002, p. 15
>
Tolérance presque zéro de l'Église catholique
américaine
Associated
Press - Dallas
Après
plusieurs mois de scandales qui ont gravement ébranlé
l'institution aux États-Unis, la conférence épiscopale
de l'Église catholique américaine réunie à
Dallas a renoncé vendredi à exclure les prêtres
pédophiles mais a décidé que les coupables
se verraient interdire tout contact avec les paroissiens.
Les évêques ont mis plusieurs mois à définir
une politique nationale, dont la charte devra recevoir le feu vert
du Vatican et être respectée par les 178 diocèses
du pays. Elle a été approuvée à Dallas
par 239 voix contre 13, sous les applaudissements de l'assemblée.
À
lire: les principaux points de la charge
"À
compter de ce jour, personne qui soit connu pour avoir sexuellement
abusé d'un enfant ne travaillera dans l'Église catholique
aux États-Unis", a déclaré l'évêque
Wilton Gregory, qui présidait la conférence. Il a
présenté des excuses au nom de son institution pour
sa "reconnaissance tragiquement lente de l'horreur" de
la pédophilie.
En vertu
de la politique définie par la conférence, les coupables
d'abus sexuels passés ou à venir resteront techniquement
prêtres mais se verront interdire tout travail lié
à l'Église, de la célébration de la
messe à l'enseignement dans une école paroissiale
ou aux soupes populaires. Bref, les coupables seront tenus à
l'écart des paroissiens.
Les prêtres
peuvent toujours être défroqués mais la décision
reviendra à l'évêque, sur l'avis d'un conseil
composé principalement de laïcs.
Depuis
janvier, date où le scandale des prêtres pédophiles
a éclaté, au moins de 250 des 46 000 prêtres
américains ont été suspendus ou ont démissionné
après des plaintes pour abus sexuels. Quatre évêques
ont également quitté leurs fonctions mais aucun n'a
démissionné pour avoir mal géré les
cas de prêtres pédophiles.
Avant
la réunion, il y avait des rumeurs selon lesquelles les évêques
allaient adopter une politique de "tolérance zéro"
et défroquaient tous les prélats accusés d'abus
sexuels. Une idée finalement abandonnée par la conférence
épiscopale qui a argué qu'il semblait injuste de condamner
des évêques en fin de carrière pour des faits
qui dataient de plusieurs dizaines d'années en arrière.
L'évêque
de Salt Lake City, George Niederauer, membre du comité qui
a présenté la charte, a expliqué que ce programme
permettrait de protéger les enfants. Mais les victimes se
sont dites indignées d'une telle décision.
Sheila
Daley, une membre du mouvement catholique libéral "Call
to action", a qualifié cette charte de "faible"
et "inadéquate". "Tant que les auteurs (de
ces abus sexuels) peuvent utiliser le mot "Père""
pour se décrire, ils restent susceptibles de leurrer d'autres
victimes", a-t-elle souligné. Son mouvement était
favorable à la politique de "tolérance zéro"
pour les auteurs des agressions les plus graves et à la politique
de "deuxième chance" pour les auteurs de délits
moins importants.
Selon
le Cardinal Anthony Bevilacqua de Philadelphie, cette politique
reflète le besoin de montrer une "compassion digne du
Christ" aux évêques.
>
Le secret de la confession, jusqu'où ?
par Marion Festraëts
L'Express du 10/02/2000
[L'Express
en ligne du 06/09/2001 - Le tribunal correctionnel de Caen a condamné
mardi 4 septembre Mgr Pierre Pican à trois mois d'emprisonnement
avec sursis et 1 franc de dommages et intérêts aux
quatre parties civiles pour n'avoir pas signalé à
la justice, alors qu'il en avait connaissance, les agissements pédophiles
du père René Bissey. Il s'agit de la première
condamnation pénale d'un évèque depuis la Révolution
française.]
Mgr
Pierre Pican avait-il eu connaissance des penchants pédophiles
du père René Bissey? Et, si oui, pourquoi l'a-t-il
laissé au contact des jeunes sans le dénoncer? La
justice tranchera
Depuis
le 11 septembre 1998, jour de son arrestation, le père René
Bissey, 55 ans, attend son procès en cour d'assises derrière
les barreaux de la prison de Caen. Le curé est accusé
d'avoir agressé sexuellement et violé une douzaine
de jeunes garçons entre 1985 et 1996, profitant des liens
d'amitié et de confiance tissés avec leurs familles
pour mieux abuser d'eux. Une affaire dramatique, mais presque banale:
ces dernières années, on a vu se multiplier les affaires
de pédophilie mettant en cause le clergé catholique,
du bas de l'échelon aux degrés les plus élevés
de la hiérarchie - comme en Belgique, en Irlande, au Canada,
aux Etats-Unis et en Autriche, où la révélation
des murs du cardinal Groer divise l'Eglise depuis 1995.
Mais
dans l'affaire Bissey - et pour la première fois en France
- l'institution ecclésiastique est directement impliquée,
au-delà du simple cas personnel: Mgr Pierre Pican, évêque
du diocèse de Bayeux-Lisieux, a été mis en
examen le 24 janvier, par le juge d'instruction Antoine Brugère,
pour "non-dénonciation de crime" et "non-dénonciation
d'atteinte sexuelle sur mineurs de moins de 15 ans", à
la suite de la plainte déposée par quatre des familles
des victimes, constituées parties civiles. En clair, on accuse
Mgr Pican d'avoir su, mais de n'avoir rien dit et pis, peut-être:
d'avoir laissé faire. Au nom du secret de la confession?
Dès
la fin de l'année 1996, la mère de l'un des enfants
agressés aurait alerté l'évêché,
sans vouloir entreprendre d'action judiciaire. Convoqué par
sa hiérarchie à deux reprises - en décembre
1996 et avril 1997 - le prêtre aurait avoué ses penchants
pédophiles avant d'être expédié pour
six mois en maison de repos puis réintégré
dans une autre localité, avec mission de prendre en charge
l'Action catholique de la jeunesse. "Mgr Pican avait eu connaissance
des faits dès la fin de 1996, soutient Me Patrick Quentin,
l'avocat des quatre familles. Il est inadmissible que René
Bisset ait été replacé en paroisse en juillet
1998, pour s'occuper des jeunes. C'était tout simplement
l'inciter à recommencer!"
Réagissant
à sa mise en examen, Mgr Pican a déclaré dans
un communiqué que cette affaire soulevait "des questions
graves et délicates ayant notamment trait à la place
et au rôle du secret dans notre société, en
vue de la protection de la personne humaine". Un exposé
qui ne cadre pas avec sa réaction lors du dépôt
de la plainte des familles en juillet. Il avait alors affirmé:
"Les accusations qui sont portées contre moi [...] ne
reposent sur aucune réalité et sont infondées.
[...] Je n'avais pas été informé des actes
reprochés au père Bissey." Oui ou non, l'évêque
savait-il? Et, s'il savait, l'argument du secret est-il recevable?
L'Eglise
continue de fermer les yeux
Au moment où l'on évoque enfin au grand jour le drame
de la pédophilie, alors que toutes les institutions y sont
désormais attentives et n'hésitent plus à dénoncer,
que l'Education nationale a fait son mea culpa sur la loi du silence,
qui a prévalu pendant des décennies, pour enfin mettre
en place une série de mesures de protection des enfants,
l'Eglise continue de fermer les yeux sur les affaires qui l'éclaboussent
- en n'omettant jamais d'avoir un mot de compassion pour les victimes.
A l'annonce de la mise en examen de Mgr Pican, de nombreux membres
de la hiérarchie se sont indignés que l'on fasse peser
un tel soupçon sur l'un des leurs, et ont mis en garde contre
tout amalgame entre les agissements du père Bisset et leur
non-dénonciation par Mgr Pican. Certains fulminent même
contre "ces juges et ces procureurs qui cherchent depuis longtemps
à se payer des évêques" et "qui ont
enfin réussi"...
Pour
sa part, Mgr Louis-Marie Billé, président de la Conférence
des évêques de France, a déclaré être
"confiant dans le fait que, si Mgr Pican a tu ces choses, il
l'a fait parce qu'il a estimé en conscience être tenu
au secret de telle manière qu'il ne pouvait pas faire autrement".
De son côté, Mgr Joseph Duval, évêque
de Rouen, réclamait le 2 février sur l'antenne de
Radio chrétienne en France un non-lieu pour Mgr Pican: "C'est
la question du secret professionnel [...] qui est en jeu. Si un
prêtre dans l'exercice de son ministère, confession
ou autre, connaît un fait condamnable, il est tenu par le
secret professionnel et ce secret doit être respecté,
c'est la loi." Ou plutôt c'était la loi. L'Eglise
s'appuie sur un arrêt de la Cour de cassation de 1891 - antérieur
à la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat -
indiquant que les prêtres étaient tenus de conserver
le secret d'une confidence reçue en confession aussi bien
que dans le cadre d'une simple conversation. Mais aujourd'hui cette
règle ne prévaut plus dès lors qu'une personne
est en danger. Le Code pénal prévoit depuis 1992 que
les sanctions prévues dans le cas de violation du secret
professionnel ne s'appliquent pas dans les situations de sévices
sur mineurs de moins de 15 ans.
Le
bulletin du secrétariat de la Conférence des évêques
de France rappelait même en 1998 que "le Code pénal
réprimant la non-assistance à personne en péril
s'applique à l'ensemble des personnes tenues au secret de
par leur appartenance institutionnelle. Médecin, mais plus
largement chacun des protagonistes d'un secret confié, juge,
enseignant, prêtre, directeur spirituel...". Dans un
Dictionnaire de théologie catholique de 1941, Nicolas Iung
écrivait déjà: "Il sera permis de dévoiler
un secret chaque fois qu'il n'y aura pas d'autre moyen d'éviter
qu'un tiers ne subisse injustement un tort sérieux."
Par ailleurs, l'usage veut qu'un évêque ou qu'un supérieur
de séminaire ne soit jamais le confesseur des prêtres
de son diocèse ou de ses séminaristes, pour "garder
sa liberté de parole et de mouvement". Encore faut-il
que cette liberté serve à quelque chose.
Le
bénéfice du doute pour les prêtres
Pourtant, l'institution ne semble pas prête à
faire la moindre concession sur cette sacro-sainte loi du secret:
si le père Stanislas Lalanne, porte-parole de la Conférence
épiscopale, reconnaît que "l'Eglise se trouve
peut-être en situation de fragilité car elle est en
contact permanent avec les enfants et les jeunes", il insiste
sur "le respect absolu de la confidence reçue, qui fait
partie de la tradition de l'Eglise". En observant que, "pour
le dépositaire du secret, celui-ci peut donner lieu à
un conflit de conscience entre le respect de la confidence reçue
et le bien des personnes", le père Lalanne met en garde
contre "une société du droit de savoir, de la
transparence, où tout doit être dit". Quant au
père Charles Bonnet, supérieur du séminaire
d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), il déclare ne pas
être "persuadé qu'il soit très sain qu'un
évêque aille dénoncer ses prêtres: ce
serait trahir leur confiance". Un argument irrecevable aux
yeux des familles des victimes, qui ne se satisfont pas des justifications
embarrassées de la hiérarchie ecclésiastique
et jugent impardonnables les atermoiements des évêques:
"Il ne peut pas y avoir de secret professionnel dans ce domaine-là,
assène Me Quentin. Chacun se défend comme il peut,
mais l'Eglise n'est pas crédible. Elle se trompe en voulant
protéger ses moutons noirs."
Pour
le père Charles Bonnet, le bénéfice du doute
doit s'appliquer aux prêtres mis en cause par des dénonciations
potentiellement calomnieuses: "Je suis pour la circonspection.
Les rumeurs vont vite. Des cas de vengeance, j'en ai connu. Dans
des affaires récentes, on a pu voir beaucoup de fausses accusations.
Il faut être très prudent, car, lorsque la justice
a quelqu'un dans le collimateur, elle le broie." Dans les affaires
récentes, on a surtout vu beaucoup de condamnations. A trop
privilégier la prudence, l'Eglise semble finalement se dérober
à son nécessaire examen de conscience, protéger
les coupables et faire peu de cas des victimes.
Longtemps
muette, l'institution ecclésiale se décide à
affronter le cas des prêtres déviants
L'Eglise
catholique est-elle enfin prête à faire la lumière
sur ses affaires de pédophilie? Après la triste chronique
judiciaire de cet automne - René Bissey, un prêtre
du Calvados, et André Montrichard, un abbé belfortain,
condamnés aux assises à dix-huit et huit ans de réclusion;
Gérard Mercury, un prêtre récidiviste du diocèse
de Bordeaux, mis en examen - l'institution ecclésiale, longtemps
accusée d'avoir péché par son opacité
et ses réticences à affronter ce sujet, se décide
à "prendre la mesure du problème", selon
Mgr Louis-Marie Billé, président de la conférence
épiscopale. La pédophilie sera ainsi à l'ordre
du jour de la prochaine assemblée annuelle des évêques
de France, réunie à Lourdes du 4 au 10 novembre. Une
première, en forme de mea culpa: "Si nous pensions que
tout allait bien, nous n'en parlerions pas", souligne Mgr Billé.
Un moyen de se purifier à bon compte
Alors que l'évêque de Bayeux, Mgr Pierre Pican, est
mis en examen pour "non-dénonciation de crime"
dans le cadre de l'affaire Bissey, de plus en plus d'évêques
rompent avec la "langue de buis": "Nous ne pouvons
que dénoncer les crimes sexuels, d'où qu'ils viennent,
et qu'empêcher résolument de nuire les personnes perverses",
martèle Mgr Marcel Herriot, évêque de Soissons.
Pour Mgr Jacques Noyer, son homologue d'Amiens, "les prêtres
ne doivent pas échapper aux sanctions que la société
prévoit pour ces crimes". Les conclusions d'une commission
d'experts - psychiatres, juristes, moralistes et canonistes - qui
planche sur le sujet depuis quelques mois, devraient aider les évêques
à définir une ligne de conduite. L'Eglise dispose
déjà d'un éventail de mesures: un prêtre
peut être "suspens", c'est-à-dire interdit
d'exercer un ministère et de célébrer l'eucharistie,
strictement cantonné à des travaux de bureau ou encouragé
à se retirer dans un monastère. Certains évêques
vont jusqu'à évoquer la possibilité de "réduire
à l'état laïque" les clercs "déviants".
Une procédure lourde, dépendant de Rome, qui exclut
le prêtre du corps clérical. "On est tenté
de détacher le membre pervers de l'institution en le mettant
dehors, admet Mgr Noyer. C'est un moyen de se purifier à
bon compte. Je n'écarte pas cette solution dans certains
cas, mais si cette solution nous libère en tant qu'institution,
elle ne rend pas l'homme moins dangereux", prévient-il.
En attendant, l'Eglise entend faire en sorte que les prêtres
pédophiles ne bénéficient plus du mutisme de
l'institution. Quitte à les dénoncer. Une révolution.
>
Mouvement International Nous Sommes Église
(International Movement We Are Church)
En
tant que catholiques, hommes et femmes, nous nous sentons profondément
concernés et blessés par les abus sexuels sur des
religieuses et d'autres femmes commis par des ministres ordonnés
de notre Église dans au moins 23 pays du monde entier. La
confirmation officielle de rapports sur des violences sexuelles
perpétrées par des prêtres sur des religieuses,
rapports connus par le Vatican depuis des années, met le
doigt dans la plaie douloureuse du péché structurel
de l'Église.
C'est dans les structures misogynes et de profond mépris
des femmes qu'il faut chercher les causes principales des comportements
gravement dysfonctionnels de ces ministres. L'espace public accordé
maintenant a ces faits scandaleux est une nécessité
pour briser enfin la résistance contre des corrections urgentes
au sein du fonctionnement de l'Église catholique, comme l'a
récemment montré le débat public sur la pédophilie
de prêtres en France, en Amérique du Nord et en Australie.
Notre solidarité va d'abord aux victimes de cette violence.
Le Mouvement International Nous Sommes Église exige des responsables
au Vatican et des Églises locales de prendre les mesures
nécessaires pour procéder a des réparations
au moins matérielles et financières des préjudices
infligés aux victimes. C'est une honte que des actes semblables
aient été commis par ceux qui incarnent aux yeux du
monde l'autorité canonique de notre communauté de
foi.
Le Mouvement International Nous Sommes Église exige en outre
de tous les Cardinaux convoqués en consistoire par le Pape,
au mois de mai prochain, qu'ils assument leur pleine responsabilité
pour l'Église universelle et mettent comme point le plus
urgent de l'ordre du jour la réforme structurelle de l'Église.Les
Droits Humains ne peuvent pas être prêchés au
monde de manière crédible sans balayer d'abord devant
la porte de l'Église et cesser de refuser aux femmes leur
pleine égalité dans l'Église. Aussi longtemps
que les femmes continueront a être exclues de la dignité
du sacrement de l'ordre - les rapports mentionnés en sont
une douloureuse illustration - l'Église pèche, car
elle fournit une justification théologique et canonique a
toute discrimination des femmes, à toute oppression des femmes
et à toute violence contre les femmes.
Le Mouvement International Nous Sommes Église est né
a Rome en 1996 de l'union d'initiatives nationales qui promouvaient
dans leurs pays respectifs la campagne de signatures pour la réforme
structurelle de l'Église initiée en Autriche sous
le nom de Kirchenvolks-Begehren (Requête du peuple ecclésial).
Avec d'autres forces qui luttent pour le changement de par le monde,
IMWAC est engagé à promouvoir un processus conciliaire
qui permette à tou-te-s les fidèles de participer
à l'aggiornamento urgent des structures ecclésiales.
Samedi 24 mars 2001
>
Les secrets du Vatican
Marc Rochette
Le Nouvelliste
Le
13 septembre 1996, un ancien évêque catholique de Colombie-Britannique,
Hubert O'Connor, était condamné à deux ans
et demi de prison pour crimes sexuels à l'endroit de jeunes
Amérindiennes alors qu'il était directeur d'un internat.
Il devenait du même coup le membre le plus haut placé
de l'Église catholique du Canada à être condamné
sous de telles accusations.
Il y a également eu ces cas d'abus sexuels commis par des
prêtres à l'endroit de mineurs dans un orphelinat de
Terre-Neuve. Mais si l'on se fie aux nouvelles directives du Vatican,
ces affaires de moeurs auraient bien pu être étouffées
en prenant le chemin du Saint-Siège. Car on veut y centraliser
toutes ces histoires de pédophilie impliquant des membres
du clergé et imposer ainsi la règle du silence.
C'est
d'ailleurs avec la même obsession de contrôler l'information
que, contrairement à nombre de documents du Vatican, ces
règles de confidentialité n'avaient pas été
diffusées à la presse au moment de leur élaboration,
il y a plusieurs mois.
La
lettre envoyée en novembre à tous les évêques
catholiques du monde, et dont le contenu n'avait pas été
ébruité jusqu'à présent, détaille
les procédures à suivre: les clercs fautifs seront
soumis à un procès ouvert, soit devant un tribunal
ecclésiastique local, soit devant la congrégation
vaticane. Or, une telle politique exempt les évêques
d'aviser les autorités judiciaires des cas soumis à
leur attention.
De
cette façon, Rome pourra exercer une forme de contrôle
sur le problème qui a maintes fois entaché l'image
de l'Église catholique. Et la correspondance expédiée
aux évêques avait été validée
par nul autre que le pape Jean-Paul II.
Pourtant,
celui-ci s'était dit publiquement angoissé, en novembre
1993, d'apprendre le scandale des abus sexuels dont s'étaient
rendus responsables certains prêtres au Canada, surtout dans
les années 1970.
"Le
scandale provoqué par certains membres du clergé qui
ont failli dans le domaine du célibat a été
une source de grande souffrance pour l'Église au Canada",
avait-il déclaré tout en affirmant qu'il avait prié
pour "les victimes des mauvaises conduites sexuelles et pour
ceux qui en ont été les coupables".
Or,
ces propos prennent plutôt des allures de voeux pieux par
rapport aux victimes quand, dans la pratique, le Vatican opte pour
une politique de justice en vase clos, soumettant les affaires de
pédophilie au secret pontifical.
Heureusement
que l'Église catholique canadienne fera fi de cette approche
fort déplorable. En effet, la Conférence des évêques
catholiques du Canada a déjà fait savoir qu'elle ne
fera pas traiter ces tristes cas par les tribunaux ecclésiastiques.
Elle laissera plutôt aux tribunaux civils le soin de juger
les responsables d'agressions sexuelles, estimant ces juridictions
plus aptes à examiner ce type de cause.
Le
recours à un tribunal ecclésiastique pourrait toujours
survenir dans le cas d'un évêque appelé à
statuer sur le traitement à accorder à un prêtre
ayant déjà purgé une peine de prison à
la suite d'une condamnation. D'ailleurs, il s'agirait là
d'une juste utilisation de ce fameux tribunal ecclésiastique.
Dans
sa déclaration de novembre 1993, Jean-Paul II avait profité
de l'occasion pour reconfirmer la doctrine de l'Église sur
le célibat sacerdotal. Or, un tel statut, imposé semble-t-il
pour des raisons de discipline de vie, n'est pas étranger
aux dérapages sexuels observés au sein du clergé.
Et la situation est d'autant plus désolante qu'une telle
mesure ne repose même pas sur des bases bibliques, les saintes
Écritures témoignant au contraire d'apôtres
mariés.
Si
les secrets de Fatima ont su captiver l'imaginaire, les secrets
du Vatican, eux, ont plutôt pour effet de soulever l'indignation.
>
Un scandale de pédophilie ébranle le clergé
californien
mardi 5 mars 8h03 HNE
LOS
ANGELES (Reuters) - Une dizaine de prêtres catholiques de
l'archidiocèse de Los Angeles ont été limogés
dans le cadre d'un vaste scandale de pédophilie, rapporte
le Los Angeles Times lundi.
Citant des sources anonymes, le Times écrit que le cardinal
Roger Mahoney a demandé à une dizaine de membres du
clergé de Californie du Sud de partir à la retraite
ou de renoncer à exercer leur ministère. L'archidiocèse
de Los Angeles n'a fait jusqu'ici aucune déclaration publique.
Les actes de pédophilie présumés s'étendraient
sur les dix dernières années et aucun n'aurait été
signalé récemment, ajoute le Times. Tous les prêtres
impliqués ont été soumis à un suivi
psychologique.
Le clergé catholique américain applique une politique
de "tolérance zéro" sur les affaires de
pédophilie depuis le cas de John Geoghan, un ancien prêtre
de Boston condamné pour attentats à la pudeur sur
au moins 130 enfants au cours des 30 dernières années.
Geoghan avait été suspendu en 1994 puis exclu de l'Église
en 1998.
La semaine dernière, deux prêtres de l'archidiocèse
de Saint Louis, dans le Missouri, ont été suspendus
de leurs fonctions en raison d'allégations concernant des
actes pédophiles dans les années 1980.
Dimanche, un prêtre du diocèse d'Orange County, en
Californie, a annoncé à une assistance médusée
qu'il avait été contraint à démissionner
pour un attentat à la pudeur sur un garçon il y a
19 ans, écrit encore le Los Angeles Times.
>
Jean Paul II accable les prêtres pédophiles
Dans
une allusion aux scandales pédophiles qui frappent l'Eglise,
le pape s'est dit, jeudi, profondément blessé par
ce qu'il a qualifié de "forme la plus grave de l'expression
du mal".
S'exprimant pour la première fois au sujet de la vague de
scandales pédophiles qui frappe l'Eglise catholique, le pape
Jean Paul II s'est dit, jeudi 21 mars, profondément blessé
par ce qu'il a qualifié de "forme la plus grave de l'expression
du mal".
Dans sa lettre annuelle aux prêtres publiée traditionnellement
à l'occasion du jeudi saint, le souverain pontife souligne
que l'Eglise catholique souhaite manifester sa préoccupation
auprès des victimes et indique qu'elle s'attachera à
répondre à chacune de ces situations douloureuses
avec un souci de vérité et de justice. De source proche
du Vatican, on précise que la question, à laquelle
le pape fait référence dans l'un des paragraphes du
document de 22 pages sans mentionner le terme de pédophilie,
a été abordée en réponse à des
demandes l'invitant à s'exprimer sur les scandales qui ternissent
l'image de l'Eglise, aux Etats-Unis notamment, où le clergé
catholique est accusé d'avoir sciemment dissimulé
des affaires.
"A ce jour également, les prêtres sont personnellement
et profondément affectés par le péché
de certains de leurs frères qui ont trahi la grâce
de l'ordination en succombant à la forme la plus grave du
mystère du mal à l'uvre à travers le
monde", a déclaré le pape, estimant que ces scandales
ont jeté une ombre de suspicion sur d'autres prêtres
innocents. Les prêtres doivent surmonter les faiblesses humaines
en s'engageant davantage dans leur quête de sainteté,
a-t-il ajouté.
LES ABUS SEXUELS, PRODUIT DE LA CULTURE MODERNE
Plutôt que de répondre spécifiquement aux
huit questions sur le sujet qui lui étaient soumises lors
d'une conférence de presse au Vatican, le cardinal Dario
Castrillon Hoyos, responsable de la Congrégation pour le
clergé, s'est contenté de lire un communiqué
de deux pages. Selon ce document, les abus sexuels sont le produit
de la culture moderne, marquée par une libération
sexuelle à laquelle les prêtres n'échappent
pas. Le cardinal a réfuté les négligences dont
l'Eglise a été taxée et a rappelé chacune
des déclarations du pape au sujet des actes pédophiles
au sein du clergé.
Mgr Castrillon s'est en outre refusé à tout commentaire
au sujet des affaires qui défraient la chronique aux Etats-Unis.
Le clergé américain est notamment accusé d'avoir
fermé les yeux sur le passé trouble du Père
John Geoghan, un prêtre de 66 ans aujourd'hui défroqué,
jugé en janvier pour des abus sexuels commis dans les années
1980-1990. Aujourd'hui, pas moins de 200 plaintes ont été
déposées contre le Père Goeghan, qui fut déplacé
de paroisse en paroisse pour éviter l'émergence du
scandale, et contre d'autres prêtres de l'archidiocèse
de Boston.
L'affaire a pris une ampleur telle que George W. Bush lui-même
a été amené à intervenir. Mercredi,
le président américain s'est dit convaincu que l'Eglise
saurait trouver les moyens "de mettre de l'ordre dans ses affaires".
De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer
la révocation des cardinaux impliqués dans le scandale
et pour demander l'ouverture d'une enquête interne. Ces derniers
ont le soutien du pape, a indiqué Mgr Castrillon, ajoutant
qu'ils avaient entamé un examen approfondi de leur gestion
de la crise. Le Vatican s'est, pour sa part, lancé dans l'élaboration
d'un document censé permettre l'identification des profils
psychologiques à risques et de leur barrer la route de l'ordination.
Avec Reuter
>
La plainte qui inquiète l'Eglise de France
par Marion Festraëts et Guillaume Serina
[L'Express
en ligne du 22/03/2002 - La plainte déposée contre
Mgr Jean-Michel di Falco a été classée sans
suite le 21 mars. Les faits qui lui étaient reprochés,
des agressions sexuelles sur mineur à l'époque où
le prêtre exerçait dans une institution religieuse
parisienne, tombent sous le coup de la prescription. La loi prévoyant
une période de dix ans à compter de sa majorité
pour que la victime se manifeste, le procureur de la République
de Paris a constaté qu'aucune poursuite judiciaire n'était
possible. Jean-Michel di Falco, quant à lui, a maintenu sa
plainte pour dénonciation calomnieuse à l'encontre
du plaignant, et déclaré que cette affaire avait été
montée de toutes pièces dans le but de lui nuire.]
Aujourd'hui adulte, "Marc" affirme avoir été
abusé sexuellement, de 1972 à 1975, par Jean-Michel
di Falco, alors aumônier et directeur d'école. Il a
décidé de porter l'affaire en justice. Embarras à
l'épiscopat.
Il
avait 12 ans, de grands yeux bruns ourlés de longs cils,
la silhouette gracile de sa soeur au même âge, le visage
fin des garçons qui préfèrent le chant à
la bagarre. Ses copains de classe le surnommaient "la Fille"
- aujourd'hui encore, sa voix tremble lorsqu'il dit la confusion
dans laquelle le plongeait ce sobriquet de cours de récré.
Marc * dit avoir été, trois années durant,
agressé sexuellement, violé, sali. Pas par n'importe
qui. Les faits que révèle la revue catholique contestataire
Golias dans son numéro de mars devraient faire l'effet d'une
bombe posée au coeur d'une Eglise de France déjà
secouée par de nombreuses affaires de pédophilie.
Car l'homme que Marc accuse devant la justice aujourd'hui se nomme
Jean-Michel di Falco. Il porte la mitre et la crosse épiscopales,
et, pour avoir occupé le poste de porte-parole de la Conférence
épiscopale de 1987 à 1996, est l'un des évêques
les plus connus de France. Pendant neuf ans, ce fringant ministre
du culte fut très demandé sur les plateaux de télévision,
où il exprimait ses convictions avec aisance et persuasion.
Son autobiographie (Le Garri, chez Lattès), publiée
en 1992, narre ses premiers pas à Marseille, le départ
de son père alors qu'il a 4 ans, sa vocation précoce.
Mauvais élève, il passe un CAP de fraiseur avant d'entrer
au séminaire, puis prend une revanche sur ses souvenirs de
cancre en consacrant une partie de sa carrière à l'enseignement
et à la pédagogie. Bref, il devient une figure charismatique
et médiatique, un porte-étendard de l'Eglise.
Golias
rapporte qu'une plainte pour viol et abus sexuels a été
déposée contre lui le 14 novembre 2001 auprès
du parquet des mineurs du tribunal de grande instance de Paris.
Une enquête préliminaire, diligentée par la
brigade des mineurs, est en cours. Mgr di Falco devait être
convoqué et entendu par les enquêteurs ces jours-ci.
C'est la première fois qu'un membre de la hiérarchie
catholique française est directement mis en cause pour des
abus sexuels commis contre un enfant. Par l'intermédiaire
de son avocat, Me Paul Lombard, l'évêque a contre-attaqué
en portant plainte à son tour contre Marc, pour "dénonciation
calomnieuse". "C'est l'un des cas de diffamation les plus
écoeurants dont j'ai jamais été témoin",
explose l'avocat, qui affirme qu'il s'agit d'un complot.
Les
faits remonteraient aux années 1972- 1975.
A l'époque, Marc est élève de cinquième
au collège Saint-Thomas-d'Aquin, à Paris. Ses camarades
de classe, qui ont fréquenté l'école primaire
attenante, l'entraînent à la rencontre du directeur
de cet établissement, un jeune prêtre sémillant
de 31 ans, avec lequel ils sont restés en bons termes: Jean-Michel
di Falco. Au fil des semaines, le prêtre et l'enfant se seraient
liés d'amitié, jusqu'à ce que, sans bien savoir
comment, Marc se retrouve, selon lui, dans les bras de l'adulte.
"Je me souviens de m'être senti incapable de réagir,
alors que ma tête me disait que tout cela n'était pas
normal, confie Marc. Mon éveil sexuel n'était pas
encore à l'ordre du jour, et je ne comprenais rien. J'étais
choqué, comme paralysé, déconnecté,
décérébré, sourd, j'attendais que ça
se passe. J'éprouve encore aujourd'hui ce réflexe
de tétanie muette quand on me touche alors que je ne veux
pas que l'on me touche."
Pourtant,
Marc va continuer à fréquenter le prêtre, devenu
un ami de la famille. Un foyer pas très heureux: "Mon
père faisait les trois-huit et se tuait au travail. Il ne
causait pas. Je n'ai pas souvenir qu'il m'ait appelé un jour
par mon nom." Sa mère, fragile, anémiée,
"renfermée sur elle-même", accueille souvent
à sa table ce jeune prêtre si moderne qui l'écoute
et la conseille.
A
l'époque, sa mère ne soupçonne rien
Marc, désespérément seul entre ces parents
qui ne se parlent guère et deux soeurs de huit et quatre
ans ses aînées, croit trouver en Jean-Michel di Falco
l'amour et l'attention qui lui font défaut. Le prêtre
l'emmène au théâtre, lui apprend à conduire
sur sa R 12 break blanche, lui offre des cadeaux, un magnétophone
miniature, un vélo, sa vieille Mobylette grise, avec un phare
carré. "Il était doux, permissif, mais surtout
il me regardait. J'avais une importance et une attention que l'on
ne m'accordait pas chez moi." En échange de ces marques
d'intérêt, Marc dit devoir se plier plusieurs fois
par mois aux jeux sexuels de l'ecclésiastique.
©
J.-P. Guilloteau/L'Express
Marc, le plaignant.
Sa mère s'émeut un peu des histoires "salaces"
- "qui ne cadrent pas avec l'âge de l'enfant et la soutane
de Jean-Michel", se souvient-elle - rapportées par Marc
au retour de leurs virées, s'agace de leurs sorties tardives
au théâtre en pleine semaine, s'étonne de voir
son fils circuler avec tant d'aisance dans l'appartement du prêtre
lorsqu'ils lui rendent visite, s'inquiète des changements
d'humeur du jeune garçon: elle dit s'en être ouverte
au prêtre. Mais elle ne soupçonne rien. Pas plus que
la soeur aînée du garçon, qui ne cache cependant
pas "sa gêne et son malaise" face à l'ecclésiastique,
dont elle fuit la compagnie. Un incident, néanmoins, s'imprime
dans sa mémoire: lors d'un séjour au ski à
Rencurel, près de Grenoble, où elle accompagne son
frère et Jean-Michel di Falco, elle se heurte violemment
au prêtre. Celui-ci insiste pour que l'enfant dorme dans la
même chambre que lui, alors que la jeune femme s'y oppose
fermement - Marc lui a confié que le père di Falco
"l'embêtait"... Les portes claquent, raconte-t-elle,
la valise du garçon fait des allers et retours entre les
deux chambres, jusqu'à ce que le prêtre obtienne gain
de cause.
Jamais,
pourtant, la famille de Marc ne se doutera de quoi que ce soit.
Il faut dire que l'époque n'est pas à ce genre de
révélation. Comme le dit la mère de Marc, "notre
société n'était pas prête à entendre
le cri d'horreur et la parole d'un enfant contre une soutane. Pas
question de mettre la vertu des prêtres en question".
Nul ne parle publiquement de pédophilie, au point que Marc
lui-même, honteux, ne décrypte pas ce qui lui arrive.
Il a 15 ans quand, selon lui, un événement vient mettre
un terme définitif à sa "relation" avec
le prêtre, qui se délite depuis l'apparition des premiers
signes de la puberté: après un mois et demi d'absence
- une hépatite le cloue au lit - l'adolescent est, sans la
moindre explication, renvoyé de Saint-Thomas-d'Aquin juste
avant les vacances de Noël 1975. Ses parents s'en émeuvent
auprès du directeur de l'établissement, qui confirme
l'exclusion tout en répétant qu'il n'a rien à
reprocher à Marc. Désemparés, ses parents l'envoient
finir l'année scolaire en Allemagne, histoire de parfaire
sa maîtrise de la langue. Lui en profitera pour "connaître
des filles, vite!": "J'avais, malgré moi, découvert
la sexualité et le plaisir avec un homme. Il fallait que
je sache où j'en étais."
Psychothérapies
en série
L'adolescent ne reverra le père di Falco qu'à
une occasion: la mort de son père. Il a alors 16 ans. Sa
mère ne connaît qu'un prêtre pour célébrer
la messe d'enterrement: Jean-Michel di Falco. "Je ne pouvais
pas m'empêcher de me répéter: "Ce mec-là
n'a pas à enterrer mon père! " raconte Marc.
Comment pouvais-je accepter que l'homme qui incarnait ce secret
parade devant l'autel de la mort de mon père sans m'en rendre
complice?" Marc se mure dans la honte, taraudé par la
hantise que "ça se voie": "J'y pensais tous
les jours, vivant avec l'humiliation d'avoir couché avec
un homme adulte et, surtout, la culpabilité d'y avoir pris
une forme de plaisir, fût-il mécanique. Jusqu'à
maintenant, j'ai vécu en enfer." Il échoue dans
ses études, rate ses histoires d'amour, se rend insupportable
à son entourage. Comédien - une vocation née
à l'âge de 12 ans - il redoute par-dessus tout l'introspection
dont se nourrit le théâtre: "A force de me heurter
aux autres, j'ai construit une sorte d'autisme."
En
1989, il se décide à entreprendre une psychothérapie,
puis une autre, et une autre encore. En 1995, il parvient enfin
à mettre un nom sur ce qu'il a subi: pédophilie. Au
milieu des années 1990, on commence juste à parler
publiquement des abus sexuels commis sur les enfants. Marc se dit
alors qu'il a peut-être été viré de l'école
à cause de cette histoire, parce que quelqu'un savait: "Je
me suis senti abandonné, explique-t-il. Je me suis mis à
pleurer, au milieu de la rame de métro, derrière le
livre de psychologie que j'étais en train de lire."
Pour que personne d'autre ne souffre à cause de son silence,
pour que l'histoire ne se renouvelle pas, il voudrait parler. Mais
n'y arrive pas. En 2000, après avoir vu Carole Bouquet, marraine
de l'association La Voix de l'enfant, marteler à la télévision
le devoir de parler de ceux qui savent, il se décide. Il
écrit à l'actrice, puis rencontre l'une des responsables
de l'association, Martine Brousse, qui lui annonce que, les faits
étant prescrits, La Voix de l'enfant ne peut guère
l'aider.
Alors,
en mars 2001, Marc finit par adresser une longue lettre au cardinal
Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris et supérieur
hiérarchique de Jean-Michel di Falco, qu'il termine par ces
mots: "Quand nous savons, jusqu'où va l'approbation?"
Depuis 1975, le jeune prêtre a gravi bien des échelons,
devenant en 1987 porte-parole de la Conférence épiscopale,
puis coiffant la mitre en 1997 pour embrasser les fonctions d'évêque
auxiliaire du diocèse de Paris. Le cardinal répond
immédiatement au courrier de Marc: "Votre lettre, que
j'ai lue avec beaucoup d'attention, m'a surpris et vivement touché,
écrit le cardinal. J'imagine aisément la peine et
le temps qu'il vous a fallu pour l'écrire." Il lui demande
de prendre contact avec le père jésuite Henri Madelin,
rédacteur en chef de la revue Etudes, qui fera office de
médiateur. Marc le rencontre à trois reprises, le
18 avril 2001, le 16 mai puis le 3 août. Une confrontation
avec Mgr di Falco est proposée, que Marc refuse. Selon lui,
le père Madelin - qui n'a pas souhaité répondre
à nos questions - lui aurait transmis lors de leur dernier
rendez-vous un message oral du cardinal Lustiger, lui annonçant
qu'il allait "interrompre" la carrière de Jean-Michel
di Falco et le "déplacer". Depuis, des bruits circulent
avec insistance sur une éventuelle mutation de l'évêque
au Vatican, où il a déjà fait un passage éclair
en 1996-1997 en qualité de directeur du séminaire
français. On lui confierait à Rome une mission liée
à l'Afrique francophone.
Marc
ne s'est pas satisfait de la réponse du cardinal: "Comment
être sûr que di Falco ne nuira plus? Qu'il ne sera pas
en contact avec des enfants?" Bien que les faits soient anciens
- le délai de prescription de l'action publique s'achève
en principe dix ans après la majorité du plaignant
- il se résout alors à déposer plainte pour
viol et abus sexuels au parquet des mineurs du tribunal de grande
instance de Paris. L'avocat de Marc, Me Jean-Baptiste Moquet, s'appuie
sur une jurisprudence invoquée dans des affaires d'abus de
biens sociaux, selon laquelle "le délai de prescription
ne commence à courir qu'à partir du moment où
l'action publique peut être exercée par la révélation
des faits". Pour l'avocat, "l'impossibilité pour
la victime de se défendre fait partie à la fois des
conditions de réalisation du crime et du sentiment d'impunité
de leur auteur, l'enfant ne pouvant révéler ce qu'il
a subi et s'enfermant dans le mutisme". En d'autres termes,
le délai ne devrait courir qu'à partir du moment où
Marc a eu pleinement conscience que son agresseur était pénalement
condamnable, en 1995.
La
parole de l'un contre la parole de l'autre
Jean-Michel di Falco, probablement convoqué par la brigade
des mineurs ces jours-ci, n'a pas voulu répondre à
nos questions. Son avocat, Me Paul Lombard, affirme tout ignorer
de la plainte: "Les faits sont faux, martèle-t-il. C'est
de la diffamation pure et simple, devant laquelle nous ne resterons
pas inactifs. Au-delà de la personne de Mgr di Falco, c'est
un véritable complot." De son côté, le
cardinal Lustiger n'a pas souhaité s'exprimer officiellement
sur cette affaire. A l'archevêché de Paris, où
l'on ne nie pas que Jean-Michel di Falco a connu Marc, on déplore
les rumeurs qui courent depuis des années sur la sexualité
du prélat. On est également convaincu du caractère
mensonger du témoignage de Marc. Dans ces affaires-là,
insiste-t-on, c'est la parole de l'un contre la parole de l'autre.
Certains estiment même que le plaignant est instrumentalisé
par des personnes malintentionnées. Les policiers ont d'ores
et déjà recueilli les dépositions de Marc et
des membres de sa famille, ainsi que celles d'anciens camarades
de classe, d'Henri Madelin, de l'ancien directeur du collège
Saint-Thomas-d'Aquin et d'un jeune prêtre parisien.
Si
cette affaire ne connaît pas de précédent en
France, elle fait cependant écho aux scandales qui ébranlent
actuellement le clergé catholique américain: l'évêque
de Palm Beach (Floride), Anthony O'Connell, a dû remettre
sa démission le 8 mars à la suite de la révélation
des abus sexuels qu'il aurait fait subir à un jeune séminariste
de 13 ans, au milieu des années 1970. Par ailleurs, John
Geoghan, un ancien prêtre de Boston, vient d'être condamné
à dix ans de prison pour des attouchements. Un autre prêtre,
Patrick O'Shea, a été relaxé grâce à
la prescription, malgré 224 accusations de pédophilie
pour des faits commis entre 1964 et 1980. En Europe, l'Eglise autrichienne
se remet à peine de l'émotion provoquée par
la révélation des moeurs perverses de l'ancien archevêque
de Vienne, le cardinal Hans Hermann Groer, également ancien
président de la Conférence épiscopale: entre
1995 et 1998, des moines bénédictins et d'anciens
pensionnaires d'un internat où il avait été
éducateur avaient révélé les sévices
sexuels que leur avait fait subir le primat septuagénaire
trente ans plus tôt. Le silence du vieil ecclésiastique
avait profondément choqué les catholiques autrichiens,
dont beaucoup ont même pris la décision de quitter
l'Eglise.
En
France, le premier évêque impliqué indirectement
dans une affaire de pédophilie aura été Mgr
Pierre Pican. Le prélat du diocèse de Bayeux et Lisieux
a été condamné en septembre 2001 à trois
mois de prison avec sursis pour avoir omis de dénoncer aux
autorités les agissements criminels de l'abbé René
Bissey. Curieusement, le 24 décembre 2001, l'évêque
a invité les victimes du prêtre à un "moment
de pardon" pour l'auteur de leurs souffrances.
Pour
tenter de détecter les vocations de candidats aux penchants
suspects, le pape a annoncé le 4 février qu'il encourageait
le recours aux psychologues dans les séminaires, jusqu'alors
refusé par Rome. Un pas décisif, à l'heure
où certains disent de plus en plus haut ce que beaucoup pensent
tout bas: l'acceptation sans réticence par les futurs prêtres
d'un célibat imposé devrait inciter l'institution
à plus de vigilance sur leur libido.
*
Le prénom du plaignant a été modifié
pour préserver son anonymat.
Curriculum
de Monseigneur Jean-Michel di Falco
1941 Naissance
à Marseille.
1960-1963 Titulaire d'un CAP de fraiseur, il entre au séminaire
des vocations tardives de Rencurel (Isère).
1963-1968 Après ses études au grand séminaire
et l'obtention d'une licence de philosophie, il est ordonné
prêtre pour le diocèse de Marseille.
1969-1974 Directeur et aumônier des classes élémentaires
de l'école Saint-Thomas-d'Aquin, à Paris.
1974-1984 Directeur et aumônier des classes élémentaires
de l'école Bossuet, à Paris.
1982-1987 Délégué général
de Chrétiens-Médias, fédération
nationale des organismes catholiques d'information et de communication.
1987-1996 Secrétaire général adjoint
et porte-parole de la Conférence des évêques
de France.
1996-1997 Directeur du séminaire français de
Rome; conseiller culturel de l'ambassade de France près
le Saint-Siège.
1997 Nommé évêque auxiliaire et vicaire
général du diocèse de Paris.
|
>
Clergé pédophile et célibat du prêtre
LE MONDE | 22.03.02 | 10h23
Des
dégats "incommensurables" ! L'expression vient
du président de la conférence des évêques
des Etats-Unis qualifiant l'énorme scandale qui a éclaté
fin février à Boston et se répand dans tout
le pays, provoqué par les révélations quasi
quotidiennes de faits de pédophilie imputés à
des membres du clergé catholique. Le mot "incommensurable"
vise en premier lieu les conséquences psychologiques subies
par les jeunes victimes d'abus sexuel, mais aussi l'effondrement
de la crédibilité d'une Eglise - qui avait réussi
à se tailler une place honorable dans un pays où elle
fut si longtemps étrangère - et de celles du prêtre,
exclusivement homme et célibataire, et du religieux soumis
au vu de chasteté, figures emblématiques et
populaires du catholicisme.
En France, depuis 1995, une trentaine de prêtres ont été
poursuivis par la justice et condamnés. En Grande-Bretagne,
21 cas de pédophilie de prêtres ont été
recensés entre les années 1995 et 1999. Aux Etats-Unis,
des dizaines de prêtres ont été suspendus par
leur hiérarchie et certains traînés devant les
tribunaux. Tirant avec retard les leçons de la condamnation
à dix ans de l'un des siens, le cardinal Bernard Law, archevêque
de Boston, a lui-même délivré au procureur de
sa ville une liste de 90 noms de prêtres. Certains conservateurs
crient à la chasse aux sorcières, mais, dans ses 194
diocèses, l'épiscopat des Etats-Unis entend mener
une politique de "tolérance zéro". Et il
se fait l'auxiliaire de la justice, sur fond de "repentance"
et d'indemnisation coûteuse.
Dans l'océan protestant américain, de plus en plus
coloré par un évangélisme intolérant,
l'Eglise catholique - 60 millions de fidèles - avait conquis
une place originale et estimée grâce à son combat
contre la peine de mort, pour sa défense des valeurs familiales
et sa contribution à l'intégration de populations
pauvres et hispaniques. Aujourd'hui, constate à la "une"
l'International Herald Tribune (18 mars), les fidèles doutent,
le clergé est démoralisé, la hiérarchie
honteuse : tout le capital de sympathie accumulé depuis l'élection
du premier président catholique des Etats-Unis (John Kennedy)
est en voie de se dilapider par la faute de prêtres pédophiles
dont la perversion, longtemps cachée, est jetée en
pâture à tous les publics.
Le nombre n'est pas en cause. Le crime sexuel paraît d'autant
plus abominable qu'il est commis par des hommes consacrés
à Dieu. C'est la contrepartie de l'estime et du respect encore
portés au prêtre et au religieux, même si, dans
les sociétés d'ancienne chrétienté comme
la France, leur prestigieux statut d'hier a été entamé.
La nouveauté est que le lien est désormais établi,
aux Etats-Unis comme en France, entre l'obligation du célibat
des prêtres et les abus sexuels commis par une infime minorité
d'entre eux. "Si le célibat était facultatif,
y aurait-il moins de scandale de ce type dans le clergé ?"
Iconoclaste, la question taboue a été posée,
à Boston même, dans la très officielle revue
du diocèse d'où est parti le scandale. Autrement dit,
le procès du célibat ecclésiastique est intenté
de l'intérieur même de l'Eglise.
Malgré une prise de conscience tardive, la hiérarchie
catholique se montre déterminée à faire le
"ménage" et à traiter plus énergiquement
le mal. Après une époque d'assez grande tolérance
dans l'accueil des futurs prêtres, des instructions sont données
dans toutes les maisons de formation (séminaires, noviciats)
pour détecter les tendances pédérastiques des
candidats au sacerdoce ou à la vie religieuse. La vigilance
a pris le dessus, la direction de conscience a été
renforcée, des formations sur la sexualité sont données.
Mais le propre d'une personnalité perverse est de se cacher
et, malgré les consignes de rigueur, le discernement à
l'entrée des séminaires et des noviciats, dans un
contexte d'extrême érosion des vocations, se révèle
délicat.
LA FIN D'UNE HYPOCRISIE ?
Le célibat est-il en cause ? Les spécialistes assurent
que rien ne permet d'affirmer que l'abrogation de cette règle
absolue ferait reculer les abus sexuels de prêtres. S'appuyant
sur des statistiques qui montrent que la moitié des 5 000
plaintes par an enregistrées en France, pour incestes et
autres abus, viennent de l'intérieur d'une famille (pères
ou compagnons de la mère), le prêtre-psychanalyste
Tony Anatrella assure que"le mariage n'a jamais eu de fonction
thérapeutique pour guérir les tendances sexuelles
déviantes d'un individu". Autrement dit, il n'y aurait
pas de lien entre la pédophilie et la norme du célibat.
Le choix libre laissé au prêtre entre le célibat
et le mariage ne serait pas la solution de prévention miracle.
Mais ne marquerait-il pas la fin d'une hypocrisie qui porte un tort
croissant à l'image de l'Eglise ? Le concubinage et l'homosexualité
de prêtres sont des phénomènes aujourd'hui reconnus
par des hiérarchies plus ou moins résignées.
Aux Etats-Unis, seul un prêtre sur deux (ils sont 40 000 environ)
se conformerait pleinement aux normes du célibat. Dans un
pays africain comme le Zimbabwe, compte tenu du faible nombre de
prêtres vivant en célibataires, le nonce apostolique
se disait récemment incapable de proposer à Rome des
noms de futurs évêques. Le théologien Eugen
Drewermann avait aussi fait scandale en assurant qu'en Allemagne
deux prêtres sur trois vivaient en concubinage. Il y a quelques
années encore, des affaires de murs avaient éclaboussé
jusqu'à des membres de l'épiscopat en Irlande (Galway)
et en Suisse (Bâle).
Le débat sur le célibat du prêtre risque de
resurgir de la pire des manières. Il était soulevé
autrefois par ceux qui pensaient que la liberté de choix
(mariage ou célibat) redresserait, comme par miracle, la
courbe des vocations et soulagerait des communautés pauvres
en prêtres. Aujourd'hui, c'est à travers la délinquance
sexuelle et l'hypocrisie de quelques-uns que la question est à
nouveau soulevée. Elle n'a aucune chance de déboucher
sous l'actuel pontificat de Jean Paul II qui, dès le premier
jour, avait verrouillé sur ce point tout débat. Elle
ne peut pourtant plus être ignorée, tant l'alarme est
donnée par des prêtres et des évêques
eux-mêmes, déjà surencombrés de tâches
et soumis parfois à une odieuse suspicion.
L'Eglise n'a pas pour habitude de changer son droit pour répondre
à une situation particulière. Si elle défend
la discipline actuelle du célibat (en vigueur depuis le XIIe
siècle), ce n'est pas à cause de l'aversion qu'elle
aurait pour l'exercice de la sexualité. La vraie raison est
la radicalité exigée de la vie du prêtre, dont
l'engagement se veut signe de fidélité et de stabilité.
Mieux qu'aucun autre, un écrivain comme Bernanos a décrit
hier les rapports toujours étroits entre la tentation de
la chair et la grâce. On ne peut pas ignorer le respect de
la chasteté par la majorité du clergé, ni la
lutte à laquelle il contribue contre toute forme d'exploitation
sexuelle. Mais peut-on garder un silence devenu pesant et maintenir
une règle qui n'est pas de droit divin, alors qu'elle peut
être délibérément violée par quelques-uns
?
Henri Tincq
>
Le clergé américain s'avoue malade du sexe. Les évêques
votent l'exclusion des prêtres coupables d'abus.
Par Pascal RICHE - samedi 15 juin 2002
" Nous
sommes ceux qui nous sommes souciés davantage de prévenir
le scandale que de chercher à prévenir ces abus..."
Mgr Gregory, président de la conférence épiscopale
Washington de notre correspondant
C'est
un grand hôtel de Dallas, au Texas, qui a servi de cadre au
plus spectaculaire acte de repentance collective de l'histoire de
l'Eglise catholique. Là, dans une grande salle, près
de 300 évêques en robe noire, figés et recueillis,
ont écouté les victi-mes d'actes pédophiles
com mis par des prêtres, ils ont reconnu leurs fautes, demandé
pardon. Les télévisions ont retransmis, souvent en
direct, une partie des discours et témoi-gnages. CNN avait
pour l'occasion concocté un de ses bancs-titres dont elle
a le secret : les mots "Church Sex Crisis" (Crise sexuelle
dans l'Eglise) scintillant dans une lumière divine tombant
d'un vitrail, avec, en fond sonore, des chants grégoriens.
Jeudi, dans un discours d'ouverture extrêmement abrupt, le
président de la conférence épiscopale Mgr Wilton
Gregory (évêque de Belleville, dans l'Illinois) a plaidé
coupable sans chercher aucune circonstance atténuante : "Nous
som mes ceux qui, par ignorance ou par manque de vigilance, ou encore,
Dieu nous pardonne, en toute connaissance de cause, avons maintenu
dans leur ministère des personnes ayant exercé des
sévices sexuels sur des enfants ; ceux qui les avons nommés
dans d'autres communautés où ils ont continué
leurs abus. Nous sommes ceux qui ont choisi de ne pas rapporter
les actions criminelles commises par des prêtres aux autorités.
Nous sommes ceux qui nous sommes souciés davantage de prévenir
le scandale que de chercher à prévenir ces abus..."
Traumatisés. Puis, quatre victimes, une femme et trois hommes,
sont montées à la tribune, racontant leur traumatisme,
leur vie sexuelle gâchée à jamais, leurs rapports
familiaux faussés, leurs dépressions, leurs pulsions
suicidaires... Le premier à parler, Craig Martin, un homme
fort de 46 ans, portant une cravate rouge et une raie au milieu,
a lu un témoignage bouleversant, la voix par moments entrecoupée
de sanglots. Une prétendue partie de pêche, une nuit
"horrible" dans un motel : il a été abusé
par un prêtre qui "offrait aussi de l'amour et de la
gentillesse". Personne ne lui avait alors dit ce qui était
bien, ce qui ne l'était pas. Il raconte sa vie gâchée,
son alcoolisme, ses pulsions sexuelles mal contrôlées,
ce "désespoir qui [le] tue".
Dans la salle, certains des 300 évêques ont pris leur
tête dans leurs mains, d'autres prient, d'autres pleurent.
Lorsque des actes de pédophilie ont été dénoncés
dans leur diocèse, les évêques ont souvent traité
avec les victimes sur un plan légal, en passant par des avocats
: pour beaucoup, c'est la première fois qu'ils sont confrontés
directement au cauchemar des victimes. D'autres orateurs, intellectuels
catholiques, dénoncent la culture fermée du clergé,
et appellent les évêques à résister aux
ordres de Rome et à ouvrir l'Eglise aux laïques. "Vos
excuses ne seront pas entendues tant que vous n'aurez pas désigné
par son nom l'acte de protéger des prêtres pédophiles
: un péché, né de l'arrogance du pouvoir",
lance Scott Appelby, professeur à l'université Notre-Dame
(Indiana). Dans la salle, le cardinal Bernard Law de Boston, qui
a couvert plusieurs scandales et refusé de démissionner,
écoute, visage fermé. Les prêtres étaient
venus débattre à Dallas des sanctions à prendre
contre les prêtres pédophiles (1), mais la journée
de jeudi les a obligés à discuter de leurs propres
responsabilités.
Tolérance "presque zéro". Une "Charte
pour la protection des enfants et des jeunes" a été
adoptée vendredi à l'issue d'un vote à bulletin
secret, par 239 voix pour et 39 contre. Le nouvel article 5 prévoit
désormais non plus l'exclusion "immédiate"
mais l'exclusion "permanente" du ministère pour
les "prêtres et diacres" reconnus coupables d'abus
sexuels. Ce terme remplace celui d'"ecclésiastiques",
qui englobait les prêtres, les diacres mais aussi les évêques
eux-mêmes, au motif que les évêques relèvent
directement de l'autorité papale et ne sauraient faire l'objet
de sanctions disciplinaires de la part de leurs pairs.
Mais le texte prévoit aussi que les prêtres ne seront
pas nécessairement défroqués et auront la possibilité
de recevoir une simple "dispense des obligations des ordres
saints". Autrement dit, ils ne pourront plus célébrer
la messe (sauf en privé), mais conserveront le droit de porter
le col romain et d'administrer, dans certains cas, les derniers
sacrements. "A partir d'aujourd'hui, quiconque étant
connu pour avoir abusé sexuellement d'un enfant ne travaillera
pas dans l'Eglise catholique des Etats-Unis", a assuré
l'évêque Gregory .
(1) A ce jour, 250 prêtres américains ont été
impliqués dans de tels actes
>
Prêtres pédophiles : Après les USA, l'Allemagne
En
réponse à la multiplication des plaintes d'adolescents
contre des prêtres pédophiles, l'Eglise catholique
allemande a annoncé qu'elle allait prendre des mesures de
prévention et de traitement des cas existants en son sein.
En
mars dernier, un diacre allemand, qui avait reconnu des abus sexuels
sur 45 adolescents âgés de 13 à 16 ans, était
emprisonné sur décision du Parquet de Hanovre (nord).
Dimanche soir, on apprenait la suspension d'un prêtre exerçant
au diocèse de Mayence (ouest), suite à la plainte
d'un adolescent de 14 ans. Devant la multiplication des accusations
portées contre des prêtres pédophiles, l'Eglise
catholique allemande a décidé de prendre des mesures.
Dans un communiqué publié hier soir et qui fait suite
à un long article de l'hebdomadaire Der Spiegel, paru ce
lundi sous le titre Pédophiles sous la robe de prêtre
- Etouffer et muter, le cardinal-archevêque de Mayence, Karl
Lehmann, indique que la conférence des évêques
adoptera en septembre un texte sur la pédophilie au sein
de l'Eglise catholique.
En France, les évêques ont rédigé en
novembre 2000 une déclaration dans laquelle ils s'engagent
à collaborer activement à la lutte contre la pédophilie.
Cette déclaration a été suivie de la mise en
place d'un Comité consultatif en matière d'abus sexuels
sur mineurs. Sa mission : répondre aux questions des évêques,
émettre des recommandations, attirer l'attention sur les
différents aspects de la lutte contre la pédophilie
et notamment les attitudes à adopter envers les enfants,
les familles et les communautés chrétiennes, la formation
initiale des différents acteurs de la pastorale et le contrôle
de leurs activités, le suivi et l'avenir des personnes condamnées.
Une brochure a par ailleurs été rédigée
à destination de tous ceux qui ont une responsabilité
éducative dans les mouvements, les services, les aumôneries,
les paroisses et l'enseignement.
Le plus haut dignitaire religieux catholique allemand se déclare
"très préoccupé" par les cas révélés
par Der Spiegel. "Nous allons vérifier rapidement et
intensivement les faits évoqués dans cet article et,
éventuellement, nous ne reculerons pas devant les nécessaires
conséquences. Plus particulièrement me touchent les
souffrances endurées par les victimes", ajoute-t-il.
"Par ailleurs nous devons nous demander, avec un esprit auto-critique,
si nous ne devons pas agir dans ce domaine de manière encore
plus décidée", déclare encore le cardinal,
qui souligne être "à l'unisson avec les demandes
du Pape Jean Paul II et la réglementation mise au point par
la conférence des évêques américains".
Le précédent américain
Jusqu'à présent, c'est surtout l'Eglise catholique
des Etats-Unis qui a été ébranlée par
des affaires de pédophilie, le Pape Jean-Paul II ayant convoqué
au Vatican les 14 plus hauts dignitaires du clergé US pour
les tancer sévèrement quant à leur laxisme
sur ce dossier. Dans la foulée, trois évêques
avaient dû démissionner, plus de 200 prêtres
ont été suspendus, tandis que plus d'un millier de
plaintes sont en cours d'examen devant des tribunaux.
Par Alexandra
GUILLET avec Afp
>
Les secrets du cardinal Law
Richard Hétu
collaboration spéciale, La Presse - New York
Le
cardinal Bernard Law
Le cardinal Bernard Law, archevêque de Boston, voulait
s'attaquer au problème des prêtres pédophiles
dans son archidiocèse, mais sans que cela se sache, histoire
de ne pas soulever un nouveau scandale.
Il s'est mis à l'oeuvre en 1993, dans la foulée d'un
procès retentissant impliquant un ancien prêtre, James
Porter, accusé par un procureur du Massachusetts d'avoir
abusé sexuellement d'enfants "dans l'église paroissiale,
dans la sacristie, dans leurs propres maisons, dans sa voiture et
dans divers autres lieux", à l'époque où
il exerçait ses fonctions ecclésiastiques (il a été
reconnu coupable).
Le
cardinal a fouillé les dossiers des quelque 700 prêtres
de l'archidiocèse. Il a identifié ceux qui avaient
déjà fait l'objet de plaintes d'abus sexuels. Il en
a mis plusieurs hors d'état de nuire en les envoyant poursuivre
leur ministère dans des prisons ou des hôpitaux où
il n'y avait pas d'enfants. Ce n'était peut-être pas
le goulag, mais c'était quand même plus contraignant
qu'un simple transfert de paroisse, le sort souvent réservé
aux prêtres fautifs de l'archidiocèse (après
une "thérapie" dont ils sortaient miraculeusement
"guéris").
Parallèlement
à cet effort, le cardinal Law a donné le feu vert
aux avocats de l'archidiocèse pour qu'ils règlent
à l'amiable les plaintes formulées par des paroissiens
contre au moins 70 prêtres. Dans leur empressement à
éviter toute poursuite civile ou criminelle, ceux-ci sont
allés jusqu'à payer 400 000 $ à des parents
qui s'étaient plaints des appels obscènes d'un prêtre
à leurs enfants.
Mais tous
les paroissiens n'ont pas accepté les sommes des avocats
de l'archidiocèse. Certains ont choisi d'intenter des poursuites
civiles ou criminelles contre une vingtaine de prêtres ou
d'ex-prêtres, dont John Geoghan, accusé d'avoir abusé
sexuellement plus de 130 enfants. Défroqué depuis
1998, Geoghan a subi à la mi-janvier le premier des deux
procès auxquels il doit faire face.
C'est
au cours de ce premier procès, qui s'est soldé par
un verdict de culpabilité, que la plupart des secrets du
cardinal Law ont été éventés (les autres
ont été révélés par les médias
locaux). Depuis, les catholiques de Boston s'indignent contre le
prélat, l'accusant d'avoir voulu camoufler le problème
des prêtres pédophiles dans son archidiocèse.
Près de la moitié d'entre eux pensent qu'il devrait
démissionner, selon un sondage publié la semaine dernière
par le Boston Globe.
Et
les révélations embarrassantes continuent.
Le
25 janvier dernier, le cardinal jurait avoir fait le ménage
dans son archidiocèse. "Il n'y a plus aucun prêtre...
qui ait, à notre connaissance, été responsable
d'abus sexuels."
Depuis
cette déclaration, le cardinal a suspendu huit prêtres
en raison des plaintes dont ils avaient déjà fait
l'objet.
Il a également
remis au procureur général de l'État deux listes
contenant les noms de plus de 80 prêtres soupçonnés
de pédophilie au cours des 40 dernières années
dans l'archidiocèse de Boston, qui comptent deux millions
de catholiques.
Dans
une lettre lue en chaire le mois dernier, le cardinal Law a reconnu
avoir failli à sa responsabilité première,
qui est de "protéger notre bien le plus précieux,
nos enfants". Il a qualifié d'"imparfaite et inadéquate"
sa réponse au "grave problème de l'abus sexuel
des enfants".
"Nous
ne pouvons confier de ministère à des gens qui se
sont rendus coupables d'abus sexuel", a-t-il écrit.
Et pourtant,
le cardinal l'a fait à plus d'une reprise avec John Geoghan,
dont le deuxième procès s'ouvrira ce mois-ci. En 1984,
un de ses évêques lui écrivait pour protester
contre le transfert de Geoghan dans une nouvelle paroisse, notant
que le prêtre avait un "passé d'activités
homosexuelles avec des jeunes garçons".
L'opinion
de l'évêque a été ignorée.
Deux
années plus tôt, une paroissienne avait été
encore plus directe dans une lettre au cardinal Law, accusant Geoghan
d'avoir abusé sexuellement de ses sept neveux.
"Peu
importe ce qu'il dit, ou ce que le docteur dit, je ne crois pas
qu'il soit guéri", écrivait la paroissienne,
en apprenant que le prêtre venait d'être transféré
dans une nouvelle paroisse.
L'opinion
de la paroissienne a été écartée, comme
l'ont été les autres plaintes contre Geoghan.
Geoghan
avait l'habitude de choisir ses victimes parmi les jeunes écoliers
de l'élémentaire. Il ciblait surtout les enfants pauvres
vivant dans des familles monoparentales. Une de ses victimes avait
quatre ans.
Notons
que ce scandale survient quelques semaines seulement après
que le Vatican eut émis, dans la plus grande discrétion,
ses nouvelles directives relatives aux affaires de pédophilie
impliquant des prêtres. Ces affaires sont soumises au secret
pontifical, disait le Saint- Siège aux évêques
du monde, et seuls des prêtres devront être impliqués
dans la gestion des cas.
L'Église
catholique canadienne s'est opposé en janvier à cette
directive, disant vouloir laisser aux tribunaux civils le soin de
juger les responsables d'agressions sexuelles.
>
Archevêché de NY: liste de prêtres accusés
d'abus sexuels
Associated Press - New York
L'archevêché
de New York a fourni au procureur du district de Manhattan Robert
Morgenthau une liste des cas impliquant des prêtres accusés
d'abus sexuels sur des mineurs. Selon le communiqué publié
mercredi par l'archevêché, cette liste se fonde sur
les dossiers du personnel catholique des "35 à 40 dernières
années".
Ces
informations sont parvenues mardi au bureau du procureur, a confirmé
Barbara Thompson, une porte-parole de Robert Morgenthau.
La
liste indique "la date et le lieu des faits présumés,
l'issue des poursuites judiciaires s'il y en a eues, ainsi que le
statut de l'accusé s'il est connu", précise le
communiqué.
L'Église
catholique américaine a été secouée
par plusieurs scandales ces dernières semaines. Mgr Edward
Egan, archevêque de New York, est notamment accusé
d'avoir étouffé des affaires sexuelles impliquant
des prêtres lorsqu'il était évêque de
Bridgeport (Connecticut) entre 1988 et 2000.
L'archevêque
assure au contraire avoir tout fait pour que de tels cas soient
immédiatement communiqués à la police.
Nota
Bene
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des amis, si certaines sources n'ont pas été citées,
c'est simplement que leur origine nous est inconnue. Et si les auteurs
de ces articles ne désirent pas qu'ils paraissent sur cette
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