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Les religions et leurs préceptes moraux peuvent-elles être tenues pour responsables et instigatrices des atrocités que commettent des hommes en leur nom ? A contrario, ces célèbres humanistes chrétiens sont-ils guidés par leur coeur ou par cette morale religieuse qu'ils revendiquent? Mais de quelle morale s'agit-il? De quelle moralité parlons-nous ??
Quelle lamentable erreur; Quelle négation de l'Humanité; Quelle démission de la raison que de croire que la foi en Dieu rendrait l'Homme bon et sage !!!


Dieu, le Mal et la Morale

I) Le mal dans l'optique traditionnelle

Pour l'athée, Dieu n'est que 3 voyelles et une consonne. Pour discuter de Dieu, il faut donc nous en remettre à ses attributs qui se trouvent par exemple dans le catéchisme officiel de l'Eglise catholique.
Dieu est présenté comme :
1. Omnipotent
2. Omniprésent
3. Omniscient ; Il est donc doué de prescience, il est capable d'anticiper.
4. Dieu est un être infiniment bon
5. Il est aussi qualifié d'éternel, de parfait, d'infiniment sage et de totalement libre.

Vis à vis de tous ces attributs, la question de l'existence du mal pose problème ; C'est peut-être Albert Camus qui l'a exprimé de la façon la plus lapidaire :
" On connaît l'alternative, a-t-il écrit, ou nous ne sommes pas libres et responsables et Dieu tout puissant est responsable du mal. Ou nous sommes libres et responsables, mais Dieu n'est pas tout puissant . "
Epicure, plus complet, pose le problème comme suit :
" Ou bien Dieu veut supprimer les maux, mais il ne le peut pas. Ou bien il peut mais il ne le veut pas. Ou bien il ne le peut ni ne le veut... S'il le veut et ne le peut pas, il est impuissant, ce qui est contraire à sa nature. S'il le peut et ne le veut pas, il est mauvais, ce qui est également contraire à sa nature. S'il ne le veut ni ne le peut, il est à la fois mauvais et faible, c'est-à-dire qu'il n'est pas Dieu... Mais s'il le veut et le peut, ce qui seul convient à ce qu'il est, d'où vient donc le mal, et pourquoi ne le supprime-t-il pas?"

Nous reviendrons sur tout cela, admettons pour l'instant que le mal soit l'avatar de la liberté et voyons quel est le dessein, le plan de Dieu pour l'éradiquer. Ne participe-t-il pas au mal dans la mise en œuvre de ce plan ? La réponse est pour moi positive ; en voici quelques justifications :

A - Poursuivant un dessein salvateur, Dieu s'est choisi un peuple, et dans la longue pérégrination qui le conduira à la terre promise il apparaît comme un Dieu guerrier, " le Dieu des armées". Voilà que le Dieu de tous devient le Dieu nationaliste de quelques uns, le peuple élu, la race élue.
Qui mènerait les guerres pour la conquête de la terre promise? YAHVE par l'intermédiaire des soldats de son "peuple saint": plus que des guerres saintes, les guerres d'Israël furent des guerres divines. Le courage du soldat efficace sera de croire que le bras de Dieu guide le sien.
On est horrifié à la lecture des guerres sauvages de l'Ancien Testament et même les interprétations les plus indulgentes ne gommeront pas la violence de ce Dieu . N. LOHFING, un professeur jésuite d'exégèse, le reconnaît .
Les théologiens nous expliquent que le Dieu de l'AT fait l'éducation de son peuple pour l'amener progressivement à la morale du NT . Ainsi le Père René COSTE qui fut président de Pax Christi écrit dans un ouvrage collectif " La religion et la guerre " que la persistance en Israël de l'usage guerrier des peuples du Proche-Orient nous révèle, je cite, " à quel niveau exact de civilisation Dieu a voulu prendre son peuple choisi pour en faire son éducation. En fait, Israël fut souvent moins cruel que ses voisins " et ainsi " il témoigne d'un vrai progrès dans le droit de la guerre ". (1)
A tout cela, quelqu'un que vous connaissez bien, Robert JOLY, a répondu par ces mots : " Si Dieu se veut pédagogue, pourquoi commencer si bas, dans la violence totale ? C'est comme si pour être assurés que nos enfants fassent des progrès, il fallait d'abord les inciter au crime. " (2)
En l'occurrence, le criminel n'est-il pas ici Dieu lui-même puisqu'il guide le bras du soldat fidèle ?

B - Je fais l'impasse sur l'épisode scandaleux de JOB pour en venir tout de suite à la Rédemption : n'est-elle pas aussi une participation au mal ?
Diderot la caractérise dans ses secondes pensées philosophiques par ces termes: " Ce Dieu qui fait mourir Dieu pour apaiser Dieu. "
Elle est en fait le rachat du mal par le mal ! Quel père accepterait aujourd'hui les souffrances et la mort de son fils, même pour une fin sublime ?
Dans le même ordre d'idées, le Dieu qui mit à l'épreuve ABRAHAM en lui demandant de sacrifier son fils est-il concevable pour notre morale ?
Une autre question : Le sacrifice rédempteur est ancien (2000 ans) Comment se fait-il que Dieu n'ait pas encore arrêté la marche satanique de ce monde afin d'économiser des souffrances et des vies ? Ne serait-il pas un peu sadique ? !

C - Enfin Dieu ne participera-t-il pas encore au mal à la fin de l'histoire qui ne sera pas une partie de plaisir si j'en crois MATHIEU XXIV qui annonce : ce sera "l'abomination de la désolation [...] il y aura alors en effet une grande détresse telle qu'il n'y en a pas eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à maintenant et qu'il n'y en aura jamais plus". (MAT. XXIV: 15et 21)
Au jour du jugement un tri sera fait entre les bons et les mauvais et ces derniers prendront le train de l'enfer. Jusqu'à depuis peu l'enseignement catholique sur l'enfer a été terrible , on peut dire même, délirant, mais curieusement, elle a récemment gommé ses excès.
Même si l'enfer biblique est moins terrible que l'enfer catholique, il demeure au minimum, d'après les Ecritures, un lieu où la séparation d'avec Dieu a comme conséquence un mal être éternel.
Pour une mauvaise vie terrestre, très limitée dans le temps, une sanction définitive de mal être éternel est incompatible avec l'attribut d'infinie bonté de Dieu ou alors sa morale est différente et en deçà de la nôtre.
Avec tout cela l'Eglise demande de croire en la bonté de la divine Providence définie par le catéchisme comme étant "les moyens par lesquels Dieu conduit avec sagesse et amour toutes les créatures jusqu'à leur fin ultime. (§321).
Quels que soient les écueils humains DIEU va réaliser inexorablement son dessein primitif d'un monde parfait et bon. Sa Providence, je cite, "prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu'aux grands événements du monde et de l'histoire." (§303).
Les hommes "peuvent entrer délibérément dans le plan divin, par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par leurs souffrances. Ils deviennent alors pleinement collaborateurs de Dieu et de son Royaume." (§307).
Enfants du ghetto par vos souffrances vous avez été " collaborateurs de Dieu ." ! Et vous avez collaboré à quoi ? Eh bien au plan de Dieu qui a prévu de tirer des pires maux , " de plus grands biens " (§412) dit le Catéchisme où l'on peut même lier cette citation : " O heureuse faute (la faute originelle) qui a mérité un tel et un si grand rédempteur. "
Lequel d'entre nous, à la place du Père suprême, sachant que surviendrait le mal, l'aurait permis, même en organisant une fin sublime pour les victimes? Et il est un mal que toutes les sublimes félicités divines ne justifieront jamais, c'est la souffrance des enfants que le philosophe et moraliste Marcel CONCHE qualifie de "mal absolu".
Pourquoi la souffrance de l'enfant serait-elle le mal absolu? Parce que l'enfant, nous dit M. CONCHE, "N'a pas encore l'usage de la liberté, donatrice de sens. Il lui manque la capacité de prendre du recul par rapport à lui-même, de se dépasser. L'adulte supporte le présent à partir de l'avenir et, ayant réfléchi à ce qui compte pour lui et par quoi il décide de se définir, agit ou réagit en fonction d'une unité de direction qu'il a imprimée à sa vie. Il peut toujours décider de souffrir ou qu'il a souffert, pour quelque chose. Mais l'enfant souffre pour rien." (3)
Aussi grande qu'ait été la souffrance de JESUS, elle ne peut être mise sur le même plan que la souffrance de l'enfant torturé; elle n'égalera pas la souffrance des petits enfants martyrisés car JESUS savait qu'il souffrait pour une grande cause; les petits enfants, eux, ne savaient rien! Il n'est donc pas soutenable de dire que " sur la croix, le Christ a pris sur Lui tout le poids du mal". (§1505)
Si nous avons été créés "à l'image de Dieu" il nous est donc légitime de l'interpeller sur sa création où il se trouve que tant de vies sont broyées. Pourquoi a-t-il créé alors qu'il ne pouvait pas ne pas savoir, vu ses attributs, que le pire des maux, le mal absolu, surviendrait dans sa création ?
Le croyant innocente Dieu en raisonnant ainsi: "Les attributs de Dieu ne sont pas bafoués par sa création. Si le mal existe, c'est simplement parce que Dieu n'a pas voulu être un tyran ; il a engendré des créatures ayant fait un mauvais usage de leur liberté."
En d'autres termes, Dieu se "laverait les mains" du mal de sa création. Il ne serait pas responsable comme n'est pas responsable le fabricant de voitures quand un accident survient à son client pour faute de conduite.
Comparaison n'est pas raison ; Dieu n'est pas fabricant de voitures. Dieu, avant de créer, savait que des "accidents" pouvaient se produire, il savait même qu'ils allaient se produire (rien n'échappe à Dieu par définition).
La sagesse aurait donc voulu qu'il s'abstienne de créer afin que le mal n'entache pas sa perfection ou qu'il crée des créatures vraiment parfaites, c'est à dire capables de résister au mal..
Au vu des Ecritures il apparaît que Dieu s'est bien posé le problème du mal. Nous apprenons qu'il n'est pas étranger à son plan. Vous connaissez en effet le fameux arbre de la connaissance du bien et du mal de la Genèse !
Que l'on considère la lettre ou l'esprit de ce verset, cet arbre fatidique prouve qu'avant de créer, Dieu savait ce qu'était le mal ! Ainsi cet être tout puissant a créé des individus libres tout en sachant que la liberté serait source de mal. Dieu est donc indirectement responsable du mal , même s'il ne l'a pas souhaité .
On peut même aller plus loin et se demander si Dieu n'a pas été, dans un certain sens, un Dieu tentateur. Il semble logique, en effet, d'admettre que c'est Dieu qui a tout "amorcé" en voulant mettre à l 'épreuve nos premiers parents. Il a fourni le papier et les allumettes…
Qu'ADAM et EVE, soi disant parfaits, aient été aussi faibles et tous les deux, ne laisse de surprendre ! En effet, ils succombèrent avec une insouciance et une désinvolture d'enfants, si l'on réfléchit à la gravité de l'ordre donné à l'Homme. Etaient-ils vraiment libres?
M. CONCHE a dit, fort justement, et avec on ne peut plus de force que le mal n'est pas nécessaire à la réalité de la vraie liberté :
"Si ce qui est lié à la liberté, dit-il, c'est la possibilité du mal non le mal lui-même, Dieu aurait pu vouloir un monde où il y aurait eu la liberté sans le mal...(Or il suffit qu'il ait pu le faire pour que Dieu ait dû le faire.)
Le philosophe conteste même que la liberté implique la possibilité du mal car, écrit-il
". La liberté que le chrétien accorde à Dieu n'implique d'aucune façon la possibilité du mal : donc, ce qui implique la possibilité du mal, ce n'est pas la liberté comme telle. .… la liberté et la capacité de mal sont évidemment en relation inverse. Non seulement il y a des degrés de liberté, mais devenir plus libre, c'est devenir moins capable de mal. A la limite, le sage (Socrate si l'on veut) a perdu jusqu'à la capacité de mal faire." (4)
Remarquons à ce propos qu'après la fin de l'histoire, une fois les conditions de perfection retrouvées, le plan de DIEU prévoit une vie éternelle, pour ceux que le jugement dernier aura déclaré justes, sous de nouveaux cieux et une nouvelle terre où désormais ne surviendra plus le mal. Se trouve ainsi démontrée une adéquation possible entre une parfaite liberté et l'impossibilité du mal. La raison se demande alors immédiatement pourquoi ce qui sera possible, à la fin, ne l'a-t-il pas été, au commencement?
Dans cet ordre d'idée, le Fils rédempteur a effectivement montré que la liberté sans le mal était possible.. Il a été effectivement homme dans toute l'acception du terme, un "simple homme" (PHL II:7), un "second ADAM" (avant la chute) et il n'a pas péché, sa liberté fut donc bien parfaite ! Alors pourquoi Dieu n'a-t-il pas octroyé la même liberté à Adam et Eve afin que jamais le mal ne tache la création ? La liberté de nos premiers parents et, il ne faut pas l'oublier, celle du chérubin qui devint Satan, était donc imparfaite, "partielle", pour reprendre l'adjectif de St AUGUSTIN, sinon ils n'eussent pas péché, de même que Jésus n'a pas péché.
Il apparaît donc que la liberté de nos premiers parents a été bien médiocre pour qu'elle se déconnecte si facilement de l'intimité avec le divin. Il est absolument impossible d'innocenter Dieu de cette médiocrité. Pourquoi donc le premier Adam n'a-t-il pas usé de sa liberté comme le second qui a été plus intensément tenté par Satan ? Il semble inexcusable que Dieu n'ait pas donné à nos premiers parents cette liberté dont nous parle St AUGUSTIN, pleine, pure, totale, qui en vertu de sa qualité ne trébuche pas à la première épreuve comme n'a pas trébuché Jésus.
Peut-être dira-t-on, l'humanité du couple originel était d'un degré inférieur à celle de Jésus puisqu'il fut Dieu fait homme. Selon cette optique, Dieu ne pouvait alors créer que de l'imparfait; en conséquence, il aurait dû s'abstenir pour que sa perfection soit.
Il reste cependant que MARIE, la " seconde Eve " bien que n'étant pas de nature divine fut, selon le dogme catholique d'une liberté parfaite ; elle n'a en effet jamais péché. Alors pourquoi donc la liberté de la première Eve n'a-t-elle pas été à la hauteur de celle de la seconde ??

A ce stade de la réflexion, nous aboutissons à une impasse. Il est rationnellement impossible de concilier le mal et Dieu. La situation du croyant est pourtant loin de s'en trouver désespérée. La théologie est entre autres faite pour répondre aux questions les plus délicates. L'échappatoire pour le problème qui nous préoccupe est de considérer que le mal est un mystère.
Nous pouvons lire ceci dans le catéchisme officiel de l'Eglise catholique :
" (L'action de Satan) est permise par la divine Providence qui avec force et douceur dirige l'histoire de l'homme et du monde. La permission divine de l'activité diabolique est un grand mystère, mais "nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l'aiment"
Faire appel au mystère, c'est ni plus ni moins "convertir en solution, l'absence même de solution" (5) "pour en finir avec le problème et pour étouffer le scandale". (6). Et cela encore se discute car ce serait ainsi accepter que notre inacceptable soit acceptable pour Dieu ce qui implique que sa morale "supérieure" serait inférieure à la nôtre! Pour nous "un Dieu qui laisse les enfants au désespoir est pire que les hommes. Si donc il est "bon", c'est en un sens qui n'a plus aucun rapport avec ce que nous entendons par là. Dès lors nous pouvons tout aussi bien dire "mauvais, puisque les notions de bien et de mal sont confondues. (7)
Le croyant, adepte du mystère, ne pouvant valider cette conséquence doit, envers et contre tout, conserver un Dieu bon, donc admettre que la morale divine puisse s'accommoder par exemple des génocides du XXème siècle et que le supplice des enfants puisse être légitimé selon des critères étrangers à notre raison et aux raisons de notre conscience. Nous aboutissons là à une démission de la raison afin de rendre acceptable ce qui la nie, attitude des plus dangereuses, car c'est ainsi ouvrir la porte, au nom de la foi, aux extrémismes de la pensée dont l'histoire montre qu'ils peuvent nourrir les fanatismes les plus sanguinaires.

Il apparaît finalement clairement que contrairement à ce qu'affirme la dernière encyclique de Jean-Paul II la foi est contre la raison et la morale ! c'est pour cela que je fais mienne la position du philosophe Marcel CONCHE qui écrit :
" D'un point de vue moral, je n'ai pas le droit de croire, je ne puis croire en Dieu. "Il est moralement nécessaire d'admettre l'existence de Dieu" dit KANT ; sur ce point le renversement du kantisme s'impose inévitablement, et il faut dire: IL EST MORALEMENT NECESSAIRE DE NIER L'EXISTENCE DE DIEU. " (8)
Permettez-moi de terminer ces propos par une prière qui sera un plagiat du fameux " Notre Père " des catholiques :

" Notre Père
Qui êtes je ne sais où,
Toujours absent.
Que votre nom soit désacralisé
Il est trop tard pour régner.
Pourquoi votre volonté n'a-t-elle pas été faite
Sur la terre comme au ciel ?
Pourquoi ne donnez-vous pas à chacun
De ces petits enfants souffrants
Le pain quotidien ?
Pourquoi n'avez-vous pas pardonné
A nos premiers Parents désobéissants
Comme nous pardonnons
A ceux qui nous ont offensés ?
Pourquoi les avez-vous laissés
Succomber à la tentation
Et nous avoir ainsi livré au mal ?
Ainsi ne soit-il pas. "

 

II. Le mal dans l'optique évolutionniste
(Extrait de l'essai: "Création ou Evolution? La science et le crépuscule des dogmes" )

Préliminaire:
Pour le bonne compréhension de ce qui suit il est nécessaire d'avoir lu dans la rubrique "Science et dogmes", le chapitre intitulé: "Tentative moderne de conciliation" qui indique la position actuelle de l'Eglise catholique quant à la théorie de l'Evolution. Je rappellerai simplement que cette dernière est acceptée à 50% c'est à dire pour l' évolution organique, corporelle seulement, Dieu étant spécialement intervenu pour insuffler l'esprit et la conscience.

Le problème du mal se pose différemment dans l'optique des nouvelles conceptions du péché originel. Nous remarquerons en préliminaire que St Augustin, à l'origine de ce dogme, avait été lui aussi hanté par la question de la souffrance des enfants et qu'il y avait vu un fort argument justifiant le péché originel. Il écrit " En présence des souffrances si nombreuses et si grandes des enfants, il est impossible de dire que Dieu est juste quand on nie le péché originel ." (Contre Julien). Si en effet les petits enfants sont innocents et qu'ils souffrent, c'est Dieu qui en porte la responsabilité; dans le cas contraire suite à héritage du péché originel, c'est l'homme et Dieu est sauf! Nous devinons donc que dans l'optique évolutionniste Dieu sera en bien mauvaise posture, au banc des injustes, condamné par la voix même de Saint Augustin.
Pour les croyants évolutionnistes, ceux qui ont fait le deuil du péché originel , Dieu ne parle plus, au commencement de l'humanité, à un couple parfait. A partir du moment où il intervient dans l'évolution organique pour donner l'âme qui fera d'une forme animale une forme humaine, son plan est de faire croître l'homme vers la perfection qui surviendra on ne sait quand, après la fin de ce système de choses qui présentement doit nécessairement composer avec les forces du mal.

Premier point, la perfection humaine n'est pas première, elle est à venir. Nous devons donc constater que Dieu parfait n'a pas immédiatement créé du parfait et qu'il n'a pas reculé devant l'imparfait, ce qui fait tout de suite problème! Ne voulait-il pas ou ne pouvait-il pas créer immédiatement le parfait? Le fait même de poser ces questions est contradictoire avec ce que la foi nous dit qu'il est: il peut ce qu'il veut et il est bon. Or force est de constater avec le présent système de chose, une certaine impuissance car , si nous en restons à l'histoire des êtres vivants, plus de trois milliards d'années (les plus anciens fossiles ont cet âge) auront été nécessaires pour créer des hommes imparfaits et on ne sait même pas combien de temps il faudra pour les rendre parfaits. Il est ici bien adéquat de reprendre la réflexion de Bertrand Russel: "Si j'étais tout puissant et si je disposais de millions d'années pour me livrer à des expériences, dont le résultat final serait l'homme, je ne considérerais pas que j'aurais beaucoup de raisons de me vanter." (9)
Deuxième point, cette imperfection d'origine fait des hommes, des producteurs naturels de maux autant que de biens. Comment situer le péché parmi ces maux? La question se pose en effet de savoir quand ils ont commencé à pécher étant donné qu'on ne peut parler de péché sans que quelque loi divine ait été imposée. Le Créateur avait parlé dans le Jardin du Paradis, mais quand s'est-il manifesté au cours de l'évolution? Nul ne le sait. Si l'humanité, telle qu'on se la représente aujourd'hui, a péché à un moment donné, cela, implique nécessairement que Dieu a présenté à cette humanité, d'une façon ou d'une autre, un code de vie à suivre. Pas de péché, répétons le, sans quelques lois ou préceptes à respecter, ("je n'ai connu le péché que par la loi" - Rom 7: 7 ) . Si l'Homo habilis, comme le pense le jésuite Gustave Martelet, est dans l'enfance spirituelle, on ne peut nier à l'homme du paléolithique supérieur, celui des grottes de Lascaux ou de Chauvet, la qualification d'homme. L'art est là pour témoigner qu'ils sont nos égaux quant aux potentialités psychiques. Simplement leur sagacité est fécondée par un acquis culturel modeste. Peut-on alors penser que Dieu se soit révélé à ces populations humaines, leur donnant, ou inscrivant dans leur cœur, bien avant Moïse, quelques tables de la loi pour les tester? La Révélation, avec la nouveau concept d'Adam, n'autorise absolument pas à le dire. D'ailleurs, aurait-ce été le cas, malgré la finesse de leur conscience et la qualité de leur liberté, ces hommes étaient encore bien démunis face à leur énigme et celui de leur environnement naturel très contraignant et certainement pas paradisiaque. Leurs connaissances étaient encore bien rudimentaires et leur discernement avait encore bien des progrès à faire. Dieu, dans ces conditions, aurait-t-il vraiment cru que la vertu triompherait?…Non tout cela ne tient pas. La théologie moderne considère finalement Dieu comme un ingénu qui aurait cautionné une création progressive de l'humanité absolument incapable de relever un défi moral, au moment choisi. En acceptant l'évolution biologique, la théologie fait de Dieu un monstre moral car, dans ce paradigme, tout marché de Dieu avec l'homme, ne pouvait s'avérer n' être qu' un marché de dupes, quand bien même on choisirait la date de ce marché, tardivement, sur l'échelle des temps géologiques.
Nous avons donc affaire à un Dieu qui aurait objectivement voulu, avec ce projet évolutif, un monde où sévit le mal physique qui tient à la pression des conditions naturelles environnementales et le mal moral tenant à l'imperfection humaine. Cela fait beaucoup pour un Dieu infiniment bon et puissant! Le voilà inévitablement soupçonné d'impuissance et de malice!
Dans la nouvelle théologie, le péché originel n'est plus à la base de tous les maux. Il perd sa spécificité, son originalité, il est en quelque sorte abaissé au niveau du péché du monde, du péché de tous les jours. Cela est magnifiquement dit par l'historien protestant Pierre Chaunu:
"Le péché originel, écrit-il en 1987, c'est le seul péché que j'ai commis, c'est le seul dont je m'accuse, c'est le seul que je commets à tous les instants de ma vie. Je m'appelle Adam. C'est le péché de mon père, mais c'est le péché qu'il a mis dans mes chromosomes. Je ne peux pas, à la limite, ne pas commettre le péché originel. Je ne peux plus ne pas le commettre, je le commets constamment ! Constamment j'abuse de ma liberté, constamment je choisis de m'affirmer au détriment des autres, constamment je me comporte comme un dieu". (10)
En fait, dans l'optique évolutionniste, tout péché, au commencement de l'humanité, disparaît, car si l'homme n'est pas né au paradis, il n'y a plus non plus l'injonction d'obéissance solennellement donnée par le créateur à ses créatures, insuffisamment évoluées pour exercer dignement leur liberté.
L'acceptation de l'évolution biologique par les théologiens implique finalement que l'humanité soit née païenne. Les premiers "péchés" d' habilis ne pouvaient être que des transgressions à leurs propres interdits (interdits humains!) car "quand les païens sans avoir de loi, font naturellement ce qu'ordonne la loi, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes, eux qui n'ont pas de loi. Ils montrent que l'œuvre voulue par la loi est inscrite dans leur cœur; leur conscience en témoigne également ainsi que leurs jugements intérieurs qui tour à tour les accusent et les défendent." (Rom :14,15). A l'aube de l'humanité nous sommes dans le domaine de la faute humaine, pas dans celui du péché! Cela est en contradiction totale avec l'esprit des premiers chapitres de la Genèse. C'est pour cela qu'il nous semble que l'acceptation, même à 50% ( pour le corps seulement) de la théorie de l'évolution biologique entraîne irrémédiablement la mort du dogme du péché originel. Finalement, sans s'en apercevoir, l'Eglise, en ne rejetant pas l'évolutionnisme, a choisi une option qui, implicitement penche vers le matérialisme, aussi paradoxal que cela puisse paraître !

Dans le cadre évolutionniste les premiers maux sont liés à l'imperfection humaine, ces maux sont, plus précisément, consubstantiels à l'imperfection, où si l'on préfère, la finitude humaine. Chronologiquement parlant, compte tenu de la Révélation, le péché est entré tardivement dans le monde, principalement, à partir du moment où Dieu s'est choisi un peuple et lui a donné des lois morales à respecter. "L'universalité du péché" est à revoir! " L' Ecriture et la Tradition de l'Eglise, lit-on dans le Catéchisme, ne cessent de rappeler la présence et l'universalité du péché dans l'histoire de l'homme". (§401). Nous avons vu qu'à cette universalité du péché, Paul oppose l' universalité du salut dans le Christ. Cette symétrie n'est valable que dans la conception classique du péché originel . L'évolutionnisme s'inscrit donc en faux dans ce schéma car elle nous a amenés à distinguer les fautes purement humaines et les péchés qui sont des fautes de transgression de préceptes divins; le péché est second par rapport à la faute. C'est le mal qui est universel et c'est Dieu qui l'a objectivement voulu tant il est vrai qu'un dessein évolutif implique la perfection, à la fin, et non au commencement.
Curieusement, suite à la conception de Teilhard de Chardin, un certain nombre de théologiens ont cependant vu dans l'Evolution un moyen de résoudre l'épineuse affaire du mal. Le théologien J. BUR considère, comme Teilhard, le mal comme intrinsèquement lié à une création en devenir et, de ce fait, allant en quelque sorte de soi…
Si tant de gens empruntent à Teilhard de Chardin , c'est, qu'évolutionniste forcené, il a le plus brillamment (?) tenté de diluer le mal dans une conception totalement évolutionniste du monde. Il nous faut donc mieux cerner cette tentative afin de voir si elle tient vraiment sa promesse.
Rappelons brièvement ses vues. Sa conception pourrait-on dire est trinitaire : 1) la cosmogenèse conduit à la matière organique - 2) la biogenèse voit l'apparition de la vie et sa complexification - 3) la noogenèse concerne, avec l'homme, l'émergence de la sphère de l'esprit, et le tout est centré sur "un foyer ultime de Personnalité et de Conscience, nécessaire pour diriger et synthétiser la genèse historique de l'esprit". Ce centre il le nomme le point oméga qui est "la place idéale d'où faire rayonner le Christ que nous adorons." Le Christ est le centre de toute l'histoire universelle. Il est l'alpha et l'oméga. Teilhard de Chardin est ici à l'opposé de la vision thomiste traditionnelle (officielle) et rejoint en cela la une position franciscaine ancienne, la conception scotiste.
Quel est le statut du mal dans cette vertigineuse et mystique conception évolutive? Cette question a soulevé des polémiques. Teilhard de Chardin aurait sous-estimé le mal. C'est à notre sens, moins une sous-estimation qu'une difficulté à l'intégrer dan son système. Comme tout croyant sensé, il est profondément troublé: "Le problème du mal c'est à dire la conciliation de nos déchéances, même simplement physiques, avec la bonté et la puissance créatrices, restera toujours, pour nos esprits et nos cœurs, un des mystères les plus troublants de l'univers." (11)
L'explication classique du mal fondée sur l'interprétation littérale de la Genèse ne pouvait pas, bien sûr, satisfaire le paléontologue le mieux placé pour apprécier les progrès de la connaissance. Comme il l'écrivait en 1922, il était convaincu "que notre représentation "catéchistique" de la chute, barre la route à un large courant religieux qui ne demanderait qu'à s'engouffrer dans le christianisme." Dans une "Note sur quelques représentations historiques possibles du péché originel" (1922), Teilhard de Chardin veut ouvrir de nouvelles voies pour concilier le dogme avec les connaissances scientifiques car, "plus nous ressuscitons scientifiquement le passé, écrit-il, moins nous trouvons de place, ni pour Adam, ni pour le Paradis terrestre" et il propose que "le péché originel exprime, traduit, personnifie, dans un acte instantané et localisé, la loi pérenne et universelle de faute qui est en l'humanité en vertu de sa situation d'être in fieri (en devenir)". Le dominicain J. Arnould poursuit: "autrement dit, il propose de diffuser la Chute dans l'histoire universelle, en admettant que "toute création entraîne, comme son risque et son ombre, quelque faute, c'est à dire se double inévitablement de quelque Rédemption". Ainsi, dès 1922, Teilhard de Chardin invite, au nom de la suppression des difficultés, à renoncer à un Adam individuel et à une Chute initiale et à confondre dans la durée les deux phases de la Chute et du Relèvement". (12)
Demandons-nous en passant si faire de la faute un corollaire de l'évolution, n'aggrave pas le problème examiné??
Teilhard de Chardin a pourtant prétendu dédramatiser "une conception outrée de la déchéance originelle" (13), en faisant du mal un phénomène transitoire dans le plan de Dieu. " Désordres physiques et moraux ne naissent-ils pas spontanément dans un système qui s'organise, aussi longtemps que ledit système n'est pas organisé[…..] Le péché originel […] tend à se confondre avec le mécanisme même de la création, où il vient représenter l'action des forces négatives de "contre-évolution". " Le mal devient "un trait naturel de la structure du monde" que Dieu ne peut éviter car il est inévitable dans un processus de création évolutive où la spiritualisation est progressive. "Dieu ne peut pas en vertu même de ses perfections, faire que les éléments d'un monde en voie de croissance, - ou tout au moins d'un monde tombé en voie de remontée, échappent aux heurts et aux diminutions, même morales: "necesse est enim ut veniant scandala". Eh bien, il se rattrapera, - il se vengera, si l'on peut dire, - en faisant servir à un bien supérieur de ses fidèles le mal même que l'état actuel de la Création ne lui permet pas de supprimer immédiatement" (14). Tout cela fait un peu froid dans le dos! Jamais un homme sensé ne devrait accepter qu'en vertu même de sa perfection, un Dieu bon ait pu vouloir le mal comme un trait naturel de la structure du monde!
Teilhard de Chardin écrit ensuite: "la providence convertit, pour les croyants, le Mal en Bien". (15). Comment cela? De trois façons. D'abord les échecs nous mènent vers des orientations nouvelles plus favorables soit dans le domaine du matériel ou du spirituel c'est l'exemple de Job dont le nouveau bonheur prima sur l'ancien; et celui des saints.
Ensuite, devant ce qui dans la vie est "pur déchet", devant le Mal irrémédiable, celui où aucune compensation n'est envisageable, comme la mort par exemple, Dieu nous propose "l'union que nous rêvons d'établir avec Lui", "et ainsi son néfaste pouvoir (de la mort) de décomposer et de dissoudre se trouvera capté pour la plus sublime des opérations de la Vie". C'est là que réside pour Teilhard de Chardin "le grand triomphe du Créateur et du Rédempteur", avec ce pouvoir de transformer "en facteur essentiel de vivification ce qui, en soi, est une puissance universelle d'amoindrissement et de disparition". (16)
On le voit Teilhard de Chardin relativise le mal, sans d'ailleurs être original, mais les dés sont "pipés" car ses arguments sont des arguments forcés de croyant, dont seule la finalité du raisonnement est de trouver, coûte que coûte, une conciliation possible avec les professions de foi séculaires. Cela est particulièrement frappant quand il se confronte à l'idée de l'enfer dont en bon catholique et surtout bon jésuite, il conserve le dogme. Malgré les réticences de sa raison il en reste à ces maux qui "se convertissent en bien, et excitent le brasier de l'amour". "L'enfer, donc, par son existence, ne détruit rien, ne gâte rien, dans le Milieu Divin dont j'ai suivi, Seigneur, avec ravissement, les progrès autour de moi. Mais je le sens, il y opère en outre quelque chose de grand et de nouveau. Il y ajoute un accent, une gravité, un relief, une profondeur, qui, sans lui, n'existeraient pas. La cime ne se mesure bien que par l'abîme qu'elle couronne". (17) N'y a-t-il pas là, pensée plus irrationnelle et plus scandaleuse? Les horreurs des génocides du XXème siècle par exemple présentent-elles vraiment une quelconque utilité (ne parlons pas de profondeur!) à la grandeur de l'action créatrice ??

La carence de la solution de Teilhard de Chardin est criante quand on touche au mal indicible, au "mal absolu" de Marcel Conche dont nous avons parlé ci-dessus. Le philosophe a d'ailleurs eu l'occasion de critiquer durement la position de Teilhard, suite à une discussion engagé à propos de son article: "Christianisme et mal absolu" paru dans la revue "Raison Présente" (Cf les N° 7 - 9- 10). M. Conche rapporte un témoignage où, à propos de la désintégration atomique, et malgré tous les morts d'Hiroshima, Teilhard de Chardin voyait, compte tenu des performances scientifiques dont l'homme est capable, "un progrès admirable dans l'hominisation et dans la marche vers le point Oméga; il insistait sur le fait qu'on a abouti à la bombe atomique que grâce à des ordinateurs électroniques qui travaillent un milliard de fois plus vite que le cerveau humain…" (18).
M. Conche fut particulièrement cinglant en enchaînant sur un propre texte de Teilhard:
" Expression des lenteurs, des erreurs, du "travail" énergétiquement nécessaires pour la synthèse de l'Esprit, souffrance et péché deviennent intelligibles et acceptables dans la mesure où ils se présentent comme condition et prix de l'Evolution ... Statiquement et isolément, la douleur et la perversité sont choses absurdes. Prises dynamiquement, dans un système tâtonnant et mouvant, elles se légitiment et se transfigurent. " (L'activation de l'énergie p 57). M Conche termine la polémique ainsi: "Selon Teilhard, l'agonie des enfants d'Hiroshima, au visage, aux yeux brûlés, est acceptable et légitime à la lumière d'Oméga (c'est ce qu'il vient de dire) !" Certes le ton était celui de la polémique mais M. Conche n'a pas l'habitude d'être déloyal dans la discussion.
L'acceptation de l'évolution ne fait finalement pas avancer la résolution du problème du mal d'un pouce! A notre sens il la fait même reculer. Puisque le monde s'édifie graduellement, augmente en complexité, il s'élève de l'imparfait vers le parfait et de ce fait le mal s'avère inévitable. Il est loin d'être un accident regrettable, il est constitutionnellement, structurellement, intrinsèquement lié au mécanisme évolutif, donc au progrès; c'est pour cela, dit J. Arnould, que Teilhard propose "la Création, la Chute, l'Incarnation et la rédemption comme des événements coextensifs à la durée et à la totalité du Monde en devenir." (19). Le mal cosmique réclame un Christ cosmique.
Les choses sont donc claires si nous avons bien compris Teilhard, le projet, le dessein divin a été de choisir de créer un univers en évolution, progressant donc par degrés, par vagues, vers la perfection finale. On ne peut mieux dire que cette progressivité impliquait nécessairement l'existence en cours de route de l'inachevé , de l'imperfection, en un mot du mal. Il est don bien difficile d'en exempter Dieu. Le croyant a beau nous dire que Dieu n'a pas voulu le mal, son assertion est gratuite car en toute connaissance de cause Dieu a choisi une voie où il savait que le mal, revers de l'évolution, était inévitable. Que ce choix ait été délibéré ressort bien de la théologie actuelle précisant que l'incarnation de Jésus a été prévue de tout temps. Alors comment ne pas accuser Dieu d'avoir objectivement voulu le mal nécessaire? Malgré son stratagème rédempteur pour réaliser le bien, cela n'enlève rien à sa culpabilité. La faute première est divine ! Le vrai péché originel est divin !
Et nous sommes loin d'avoir tout dit sur l'immensité de ce péché de Dieu. Teilhard de Chardin en effet croit devoir en rajouter pour mieux rendre, à tout prix, excusable, ce mal qui fait tache sur l'œuvre divine.
A force de nous convaincre que dans sa vision du monde en construction le mal regrettable est inévitable, il finit par en passer au stade supérieur du mal nécessaire et utile pour la structuration, l'organisation finale totale, dans la coïncidence avec l'Oméga. Dans un langage allégorique, "nous ressemblons, écrit-il, à ces soldats qui tombent, au cours de l'assaut dont sortira la paix. Dieu n'est donc pas vaincu, une première fois, dans notre défaite, parce que, si nous paraissons succomber individuellement, le Monde, en qui nous revivrons, triomphe à travers nos morts." (20). En quelque sorte Dieu a peut-être perdu une bataille mais il n'a pas perdu la guerre…
Teilhard de Chardin va bien plus loin et jusqu'au bout de sa pensée, dans la préface à "L'énergie spirituelle de la Souffrance" de sa sœur Marguerite - Marie. Il veut trouver "quelque valeur positive" à la lie de la création en cours: "Oui, l'obscure et repoussante souffrance elle-même, érigée pour le plus humble patient en principe suprêmement actif d'humanisation et de divinisation universelles : telle se découvre à sa cime la prodigieuse énergétique spirituelle, née de la Croix, dont les pages qui suivent s'attachent à décrire entre mille autres cas semblables, un exemple concret . (21).
Les implications extrêmes de la pensée mystique teilhardienne sont atteintes: la reconnaissance "d'une authentiquement bonne souffrance". (22).
Verité en deça des Pyrénées, erreur au delà; raison pour le mystique n'est-il pas déraison pour l'incroyant? Bonté de Dieu pour l'un, perversité, pour l'autre!
A ce stade, l'affaire est grave car l'incroyant va devenir terriblement accusateur, tant l'exposé des motifs heurte sa raison. Le Dieu que nous présente Teilhard de Chardin ( et qui est implicite pour tous les croyants acceptant l'Evolution) est pour l'homme de raison (celui qui n'accepte pas qu'elle se taise au nom de la foi ), un dieu pervers! Il faut croire d'ailleurs que même la raison des croyants a du mal à faire silence puisque cette expression est le titre d'un essai de Maurice Bellet dont jean Sulivan nous dit qu'il fait partie de la race des écrivains prophètes! ("Le Dieu pervers" D. de Brouwer - 1998)
Pour en terminer nous dirons que le problème du mal érige entre la foi d'une part , la raison et la morale d'autre part, un irréductible fossé.
La conclusion rationnelle, dans l'optique évolutionniste, ne diffère pas de celle que M. Conche a tirée dans le contexte classique: "il est moralement nécessaire de nier l'existence de Dieu".

Bruno ALEXANDRE

 

Notes :

(1) P. VIAUD - Les religions et la guerre - Cerf - 1991 p.89
(2) R. JOLY - Dieu vous interpelle ? Moi il m'évite… - Espace de Liberté -2000 p.113
(3) M.CONCHE - Christianisme et mal absolu in Raison Présente N° 7 - 1968 P. 76
(4) Raison Présente N° 10 - 1968
(5) Raison Présente N°7 - P.81
(6) Ibid. P. 83
(7) Ibid. P. 85
(8) Ibid. P. 83
(9) Religion et science
(10) Citation de G. Minois in Les origines du mal - p. 373
(11) Le Milieu divin - p. 77
(12) L'Eglise et l'histoire de la nature - p. 68
(13) Le Milieu divin - p.181
(14) Ibid. - p. 78
(15) Ibid. - p. 80
(16) Ibid. - p; 82,83
(17) Ibid. - p. 176
(18) Raison Présente - N° 9
(19) Opus Cit. - p. 69
(20) opus cit. - p.78
(21) Sur la souffrance - p. 92
(22) Ibid. - p.93

 

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