A l’époque de cette discussion, on n'avait parlé que des gros traits de la théorie de Deloison. Si la brave dame est un peu passée aux oubliettes et que son hypothèse telle que présentée dans cette discussion reste relativement intéressante, à défauts de fossiles la démontrant (sic: tous les fossiles de tétrapodes la réfutent en fait) c'est néanmoins lors d'interviews que la dame est vraiment intéressante:
elle est (scientifiquement) un opeu beaucoup loufoque. Et c'est chouette que ces individus puissent exister.
Je l'ignorais, je l'admets. A l'époque de cette discussion, on n'était pas tombés sur cette interview de Deloison :
http://initial.bipedalism.pagesperso-orange.fr/28a.htm Le début de l'interview est très raisonnable, début où elle raconte l'histoire de son hypothèse vis-à-vis de ci de ça et d'Australopithecus. Puis ensuite, ça se gâte terriblement jusqu'à une certaine forme de débilité de la 2me moitié de l'interview, allant jusqu'à proposer l'origine bipède de tous les vertébrés...
A partir d'ici donc, et la suite in extenso. Je la colle pour la garder en mémoire, au cas où cette page disparaîtrait du net car elle illustre assez bien pourquoi personne ne prend Deloison
paléoanthropologiquement ni évolutivement au sérieux.
Citation:
Q: Mais on remonte comme ça jusqu'à où ?
Jusqu'à un ancêtre que je ne connais pas.
Q:C'est le protohominoïde dont vous parlez ?
Oui, c'est cet ancêtre-là, que j'ai baptisé le protohominoïde. Je suis absolument convaincue que cet ancêtre, à l'origine des Primates et même de tous les vertébrés, était bipède. Je dis bien tous les vertébrés quitte à choquer.
Q:Vous le voyez comment ce protohominoïde ? Grand ? Petit ? Poilu ? Sans poils ?
Oui, il était petit, il était forcément petit. Pour le reste, je n'en sais trop rien. Quand on voit dans un film un homme de Néandertal comme ceci ou comme cela, c'est plutôt mensonger. On n’a rien d'assez précis pour le dire. Concernant les poils par exemple. On représente souvent les hommes préhistoriques comme des brutes épaisses. C'est parfaitement stupide. Les hommes d'il y a un million d'années devaient très certainement beaucoup nous ressembler. D'ailleurs le pied de l' Homo habilis d'il y a deux millions d'années est pareil au nôtre.
Q:Oui, mais l'homme a très peu de poils alors que le singe en a beaucoup... Donc j'en reviens tout de même à ma question : le protohominoïde était-il poilu ou pas ?
Franchement, je n'en sais rien. Je peux juste dire qu'il était forcément petit. Tous les animaux commencent d'abord par être petits et après ils deviennent grands. Ça, c'est une loi classique. Il était debout, avec une tête arrondie. Une tête de nouveau-né humain ou de singe, je vous assure que cela se ressemble. Et que ce soit un chimpanzé ou un gorille nouveau-né, sa tête est droite sur le corps. Il est malheureusement très difficile d'avoir des photos de gorilles ou de chimpanzés nouveau-nés. Mais quand on en a de belles, on voit que comme chez l'homme sa tête est droite sur le corps. Et sa tête est ronde aussi, proche de la sphère. Ce qui, comme le cercle dans lequel s'inscrit la main de l'homme, est une forme primitive. Et la tête du gorille nouveau-né ne va prendre sa forme définitive qu'avec la croissance, de même que tout son corps. Haeckel l'a démontré, si on prend des embryons de chiens, de tortues, de singes ou encore de poulets, on obtient les mêmes formes aux mêmes stades, exactement les mêmes. Donc, on part toujours d'êtres non-différenciés pour aller vers des animaux différenciés. C'est la croissance qui va donner les caractéristiques de l’espèce. Et chez l'humain ou le grand singe, c'est pareil. Dans mes conférences, je montre aussi de jeunes mères avec leur bébé et je leur dis : " Tenez-vous de profil avec votre bébé ". Et on a la tête du bébé bien ronde avec un petit bout de nez et presque pas de menton. Si on regarde la tête de la mère ou du père, elle est plus allongée, le menton également, et le nez aussi est plus allongé. Ça, c'est un organe typiquement humain. Il n'y a que l'homme qui a un nez. Donc, on part toujours d'une forme relativement simple pour arriver à des formes évoluées et spécialisées selon l'espèce animale à laquelle on a affaire. Si on prend des animaux comme certains cervidés, actuels ou fossiles, et si on remonte aux ancêtres dont on est sûr, vous verrez qu'ils auront des têtes plus petites et plus rondes. Si on a plusieurs fossiles datés, ils grandissent au fur et à mesure des millions d'années, les museaux s'allongent, les cornes apparaissent, et ils deviennent de plus en plus différenciés. Et là on peut citer une loi fondamentale de l'anatomie : il n'y a jamais de retour en arrière. Il peut y avoir une stagnation, il peut y avoir un développement dans un sens ou dans un autre, mais si quelque chose régresse, cela ne refera pas l'être de départ. C’est la loi de Dollo ou loi de l’irréversibilité de l’évolution, loi fondamentale de l’anatomie.
Q:Vous ai-je bien lue ? Ai-je bien compris ? Mais il me semble que vous remontez, avec votre protohominoide, à ce que certains désignent du nom de " singe aquatique "...
Vous voulez parler du travail d'Elaine Morgan ?
Q:Oui, entre autres...
J'aime beaucoup le travail d'Elaine Morgan, c'est remarquable.
Q:Donc, vous adhérez à cette idée ?
Oui, tout à fait. En plus, Elaine Morgan n'a pas eu de formation particulière mais elle a tout de même écrit un petit livre intitulé " Les cicatrices de l'évolution " que je trouve extraordinaire. Sauf que je ne parlerais pas de « singe » aquatique, mais de Primate.
Q:Vous ne faites qu'adhérer à l'idée du " singe aquatique " ou alors vos propres travaux vous y mènent d'une manière logique ?
Je pense que l'ancêtre de tous les primates et même de tous les vertébrés était aquatique, c'est une évidence. La vie sur terre sort de l'eau. Maintenant, si on se penche sur le singe aquatique, le terme lui-même ne peut pas être le bon. Car quand on parle du singe, on parle d'un animal déjà spécialisé. Or l'ancêtre des primates, donc à l'origine du singe, ne peut pas être lui-même être un singe. Dans l'appellation protohominoïde il y d'abord proto, qui veut dire avant, donc qui est venu avant les hominoïdes sans en être un lui-même. Ce protohominoïde était-il aquatique ? Je dirais plutôt semi-aquatique ou vivant dans une zone marécageuse. A la fin de mon livre, j'essaie d'imaginer le milieu dans lequel a du vivre ce protohominoïde et je cite la mangrove. Parce que c'est un milieu où il n'y a pas trop d'eau mais où il y a en revanche énormément de nourriture, des poissons, des crustacés, des oiseaux qui laissent leurs œufs dans les arbres... Bon, bien sûr tout ceci ne représente que des suppositions. Je n'en sais rien en détail de manière certaine. Mais on peut quand même affirmer que le protohominoïde a dû forcément habiter très près de l'eau.
Q:Est-ce que cela vous ennuie quand on vous dit que votre hypothèse dérive, consciemment ou inconsciemment, de celle de Max Westenhöfer et de Serge Frechkop ?
Pas du tout. D'ailleurs, je les cite dans mon livre. Mais quand j'ai commencé mes travaux et jusqu'au moment d'émettre mon hypothèse, je ne les connaissais pas. C'est après avoir émis mon hypothèse que j'ai reçu un courrier de François de Sarre, spécialiste des poissons et un homme pour lequel j'ai beaucoup de respect, et qui m’a fait connaître Max Westenhöfer et Serge Frechkop. Et c'est pour cela que j'ai tenu à les citer, parce qu'ils avaient déjà dit avant moi ce que j'ai découvert mais sans être passés par le même chemin que moi. Cependant, même s'ils ont dit la même chose que moi avant moi, ils ne m'ont aucunement influencée car j'ignorais leurs travaux. Mais quand je les ai connus, cela m'a beaucoup intéressée et cela m'a également confortée car Max Westenhöfer et de Serge Frechkop étaient des anatomistes et que, tout comme moi jusqu’à maintenant, ils n'avaient pas pu se faire entendre à l'époque car c'est un sujet délicat et complexe. Quand je fais des conférences, je dis des choses que les gens croient ou ne croient pas, mais il ne s'agit pas en réalité de croire ou de ne pas croire mais de déterminer si ce que je dis est plus près de la vérité ou pas. Et c'est justement l'étude de l'anatomie qui m'a amenée à dire que d'une façon certaine l'ancêtre de tous les primates était un bipède. Je suis sûre qu'il y a eu un ancêtre commun d’où ont dérivé une lignée vers les singes et les australopithèques, et une lignée vers l’homme.
Q:Vous évoquez souvent l'indice intermembral. Que nous apprend ce ratio ?
L'indice intermembral se définit par le calcul des longueurs radius plus cubitus sur fémur plus tibia, le tout multiplié ensuite par cent. Chez l'homme, il est de 70, ce qui signifie que nous avons les bras courts par rapport à nos jambes. Chez l'orang-outan, c'est l'inverse, il est de 144, ce qui veut dire que ses bras sont nettement plus longs que ses jambes. Et chez Lucy, il est de 89 environ. Il s'agit-là d'un chiffre intermédiaire. C'est à dire qu'il ne s'agit pas d'un singe, au sens actuel du terme, ni d'un humain. Néanmoins, comme j'ai pu étudié le pied de Lucy, je peux dire qu'il s'agit complètement d'un pied d'arboricole, d’un pied de grimpeur.
Q:Cela veut-il dire que ce sont les bras des singes qui se sont peu à peu allongés ?
A ce sujet là, il y a un fait très intéressant. Une amie et collègue paléoanthropologue, Anne-Marie Bacon, partie faire des fouilles au Laos, a trouvé des orangs-outans fossiles et ceux-ci avaient les bras un peu plus courts que celui de l'orang-outan actuel. Ce qui tendrait bien à prouver qu'avec le temps l'orang-outan a développé la longueur de ses bras. Mais on peut aussi raisonner en se basant sur la classification hiérarchique ascendante à partir des distances généralisées D2 calculée sur des mesures de proportion des os des pieds des primates. Il s'agit d'une étude que j'ai faite avec le professeur Henri Pineau, car je ne suis pas du tout une mathématicienne. Et là, c'est fabuleux. On a les singes les moins spécialisés au milieu, ensuite on a le gorille, puis le chimpanzé, puis enfin l'homme qui tient une place plutôt isolée, et à l'opposé de l'homme il y a l'orang-outan, qui est le plus hautement spécialisé de tous les singes.
Q:Cette classification établit donc une sorte de frontière entre l'homme et les singes...
Oui. C'est à dire qu'en examinant seulement les os d'un pied, on doit assez sûrement pouvoir dire s'il s'agit d'un homme ou d'un singe. Mais le drame dans les fossiles est qu'on a très rarement un pied complet. Mais chez Lucy et ses contemporains de l’Afar, on a des orteils qui sont plus longs que les doigts des mains. Et personnellement je n'ai encore jamais vu ni mesuré des doigts de pieds humains aussi longs...
Q:Néanmoins on peut se dire que Madame Deloison est très sympathique et certainement très compétente mais que les faits sont les faits et que les faits nous disent qu'il n'y a qu'un pourcent de différence entre les gènes de l'homme et ceux du chimpanzé...
Ceci m'amuse toujours quand on m'en parle. J'en ai souvent discuté avec le professeur Grassé et il me disait toujours : " C'est vrai, la différence est faible. Mais le jour où je verrai un chimpanzé avec un journal sous le bras, une canne et un chapeau haute-forme, là je me dirai : oui, le chimpanzé appartient bien à l'espèce humaine ". Moi, je ne le dirais pas forcément de la même manière. Cependant, il faut bien avouer que c'est ce un pourcent qui fait toute la différence. Et il faut aussi dire que nous n'en sommes qu'aux débuts concernant la génétique. Enfin, il est tout de même clair que quand on voit un chimpanzé, on ne se pose pas la question de savoir si c'est un homme ou un chimpanzé. Même s'il n'y avait qu'un demi-pourcent, ce demi-pourcent ferait encore toute la différence, car le chiffre importe peu en lui-même, seul comptant ce qu'il signifie vraiment en termes de différences. [...]
J'arrête ici le copier-coller, mais la fin de l'article vaut le coup d'oeil et son pesant de cacahuètes.