Salut.
Je vais te donner mon impression dans l'ordre, sans trop de fromage. Elle ne vaut pas plus que la tienne - il faut la prendre comme une opinion. Ensuite, si la discussion s'approfondit, on fragmentera ce topic en deux, les derniers posts traitant plus particulièrement des zoziaux.
En fouillant un peu dans le web anglophone, j'y ai retrouvé pas mal d'expressions d'agacement et de sérieux doutes sur
le détail de certaines conclusions de cette dernière méta-analyse parue sur Science - dont certaines données techniques n'étaient pas explicitées, aux conclusions non justifiées.
En prélude, je te recommande de garder ton indépendance intellectuelle vis-à-vis de tous ces résultats scientifiques, qui ne sont pas des dogmes, et qui ne sont pas établis par des dieux mais par des cerveaux de 1500 cm3, comme le tien !
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La première chose, c'est que les Tinamous inclus dans le taxon Paléognathes, avec les autruches, kiwis, émeus, casoars, déjà à cause de la structure particulière de leur palais, semble acquise. Le tableau confirme donc les travaux précédents, y compris celui très important de Livezey & Zusi en 2007, basé sur la bagatelle de pas moins de 2900 caractères (!!) morphoanatomiques, qui donna lui aussi les tinamous inclus dans un taxon avec autruches, nandous, kiwis : les palaeognathes.
Mais c'est dans le détail - intrataxon - que les relations de parenté ne sont pas si claires ni si définitives - et tu peux le constater toi-même sur le tableau résumé que tu as proposé : (je reprends ma nomination précédente 0,A,B,C)
- pour Peters, idem que la conclusion de Hackett (celui de cette analyse clad. de 2008) = O,A,B,C
- pour Sibley & Monroe, (analyse clad. moléculaire), Tinamous B est groupe frère de l'ensemble 0,A,C (Autruches, kiwis, nandous)
- pour Livezey & Zusi, (analyse cladistique morphologique), (0+A) forment un clade, versus B et C, deux autres clades.
Hormis les 3 propositions alternatives référées, celle plus ancienne de Sibley and Alquist de 1990, moléculaire, confirmait elle aussi la proposition de Sibley & Monroe !
On retient ici que 3 analyses moléculaires ne se confirment pas entre elles, et que l'analyse morphologique) ne confirme aucune autre dans le détail. Elle est plutôt une sorte de voie centrale. Néanmoins, TOUTES sont d'accord pour mettre ensemble ces 5 taxons 0,B,C (C étant Kiwis + casoars + émeus océaniens).
Du coup, faut surtout pas prendre comme vérité irrévocable le détail de chaque taxon apparenté selon la dernière analyse cladistique en date, d'autant plus que la revue Science - malgré son prestige - a un nombre très limité de pages par parution, et que semble-t-il toutes les infos nécessaires pour la critique constructive n'y ont pas été incluses. La discussion continue donc sur les revues plus spécialisées.
D'autre part, il ne s'agit pas seulement d'aptitude à voler qui est en question, mais de bien d'autres caractères, comme le nombre de doigts : Autruche = 2 doigts (+ minuscule ergot), A, Nandous = 3 doigts - B, Tinamous = 4 doigts, dont l'opposé très petit, C-Casoars, emeus, kiwi = 3 doigts
1. Tout cela peut résulter d'évolutions indépendantes vers la perte du vol (le tinamou lui-même vole particulièrement mal), mais d'un point de vue cladistique, c'est la solution la moins parcimonieuse.
2. Si on suppose l'inverse, soit une autre interprétation évolutive pour le même cladogramme, à savoir que le Tinamou aurait "récupéré" l'aptitude à (très mal) voler, c'est « cladistiquement » plus parcimonieux mais
biologiquement encore plus improbable. Bien que les deux soient théoriquement possibles.
3. La 3me voie (et second cladogramme), Tinamous groupe frère des autres, est la plus
cladistiquement parcimonieuse et la plus biologiquement probable, mais elle entre en conflit de détail (intrataxon paléognathes) avec certaines comparaisons moléculaires.
Je ne prends pas position entre ces 2 clades/solutions, bien que 1 et 3 soient bien plus probables que 2. (2 étant une mauvaise explication du clade proposé - le même que 1), mais je garde mon indépendance intellectuelle. Il faut !
Hans a écrit:
Ou alors est-il possible qu'une espèce non volante ait récupérés sa faculté à voler?!
Voir point 2 : tout est possible. Mais…
Citation:
Ou alors si convergence il y a ne serait-ce pas là un magnifique exemple de parallélisme?! Par parallélisme j'entends que la morphologie de l'oiseau volant, ancêtre des trois lignées ayant indépendamment perdues leur capacité à voler, avait certaines particularités structurales prédisposant à une Évolution allant vers la perte de capacité à voler! Je ne suis pas en train d'inventer un nouveau terme ou concept pour le fun, le parallélisme en Évolution est quelque chose chose de très discuter chez les spécialistes de l'Évolution, car cela expliquerait de nombreuses convergences évolutives! Parallel Evolution
Idem, tout est possible, mais... Voir points au-dessus.
Hans a écrit:
Cependant je me demande comment avec leurs analyses génétiques rigoureuses il se peut que la position phylogénétique des pigeons et des hoazins restent aussi incertaine?! Tu explique cette absence de position claire de quelle façon Révérend Archie Cash?! Cela ne signifierait-il pas que leur analyses génétiques n'étaient pas si rigoureuses que cela?!
Absolument rigoureuses ce serait l'idéal. Le problème est que d'autres analyses n'étaient pas moins rigoureuses, et donnent des résultats légèrement différents dans le détail, voire parfois très différents. Tout dépend de ce qui a été donné à manger à la machine qui fait les calculs, et comment ils ont été interprétés/analysés/superposés.
Certains caractères dérivés, omis ou inclus, peuvent changer la donne – bien qu’ils pèsent statistiquement un point chacun. Pas oublier que ces calculs sont probabilistes.
Un autre problème, mais j'attends de lire cette publi sur Sciences, car elle est en gros intéressantissime bien que quelque peu contrariante dans le détail, est que justement les données fournies sont insuffisantes.
En résumé : si les nlles méthodes moléculaires ont des avantages indéniables sur les analyses morphologiques (dont peu de fossiles) notamment car les séries moléculaires peuvent être indépendantes de la pression sélective, et conservées intactes, ils ne sont pas inattaquables et encore moins indépendants de mouvements évolutifs.
Donc les résultats moléculaires contredisant la comparaison anatomique ne doivent pas remplacer
stricto sensu celles-ci, mais souligner que ce point-ci doit être approfondi. Et réciproquement. Quand toutes se confirment, tant mieux, mais sinon il faut éplucher avant d’adopter les yeux fermés.
C’est notre droit !
Je te donne le lien du blog d’un étudiant en systématique (des arachnides) qui émet lui aussi quelques remarques et agacements critiques, notamment il reprend ce qui saute aux yeux immédiatement : la position des tinamous entre autruche et nandous. D’autres chaudes critiques fourmillent dans le web anglophone, mais les plus pertinentes sont toujours de la plume de systématiciens.
http://catalogue-of-organisms.blogspot. ... ience.htmlIci un exemple de publication critique sur les résultats de Erikson et al. de 2006, (un des référés par la méta-analyse de 2008) qui porte non pas sur les parentés mais sur l'âge de séparation interlignées, que cette publi corrige et affine à partir de la première publi de Erikson et de ses propres données. Comme quoi, rien n'est parole d'évangile. Je le mets comme exemple pertinent de l'utilité de se pencher scientifiquement et d'un point de vue critique sur tout travail précédent :
Critics to erikson
http://rsbl.royalsocietypublishing.org/ ... 1supp1.pdf